HomeA la unePROCES DU PUTSCH MANQUE : Le grand déballage de Moussa Nébié dit « Rambo »

PROCES DU PUTSCH MANQUE : Le grand déballage de Moussa Nébié dit « Rambo »


 Le procès du putsch manqué de septembre 2015 se poursuit du côté de la Salle des banquets de Ouaga 2000. Etaient à la barre, les 6 et 7 juillet 2018, l’Adjudant-chef Moussa Nébié dit « Rambo » et l’adjudant Ouékouri Kossé. Sur les 5 charges retenues contre lui, Rambo ne reconnaît qu’une et une seule : « enlèvement et séquestration du chef de l’Etat » puisqu’il reconnaît avoir usé d’une ruse pour enlever le président de la Transition, Michel Kafando.  Quant à l’adjudant Ouékouri Kossé, il balaie du revers de la main, tous les chefs d’accusation portés contre lui.

 

L’Adjudant-chef Moussa Nébié dit Rambo est né le 23 février 1965 à Ouagadougou. Il est marié et père de quatre enfants.  Il est poursuivi pour 5 chefs d’accusation, pour le rôle qu’il a joué dans le coup d’Etat manqué de septembre 2015 au Burkina.  Il était à la barre les 6 et 7 juillet derniers dans le cadre du procès du putsch qui se tient depuis le 27 février dernier, à la Salle des Banquets de Ouaga 2000.  Sur les 5 chefs d’inculpation qui pèsent contre lui, il reconnaît un seul, à savoir l’arrestation du président de la Transition, Michel Kafando.   Pour les autres, il plaide non coupable puisqu’il a reçu et exécuté un ordre, selon ses dires, du Major Eloi Badiel.  « Le 16 septembre 2015, se souvient-il, j’ai reçu un appel du Major Eloi Badiel, me demandant  de le trouver au palais.   « Ce que j’ai fait en moins de cinq minutes ».   « Une fois là-bas, a  poursuivi Rambo, il m’a dit d’aller arrêter le président de la Transition, Michel Kafando. J’ai alors démarré en trombe pour la présidence ». « Ce jour-là, le Conseil des ministres se tenait au premier étage. Je suis entré dans la salle et j’ai dit au président : Nous  sommes attaqués et je suis venu vous chercher . Le président m’a demandé s’il ne pouvait pas intervenir. Oui, mais pour ce faire, il fallait vous  mettre en sécurité ».    Après l’arrestation du président de la Transition, lui et ses compagnons d’arme ont pris la route du Conseil de l’entente, précisément chez le Général Gilbert Diendéré. En cours de route, l’adjudant Jean Nion a reçu un appel lui demandant d’aller chercher le ministre René Bagoro. Ce que le groupe a fait sans hésiter. C’est après avoir conduit le ministre Bagoro qu’ils ont repris le chemin du  domicile du Général Diendéré. Une fois là-bas, ce dernier est monté pour le camp Naaba Koom II où se trouvait le poste de commandement. C’est ainsi qu’il est resté, volontairement puisqu’il s’est désigné lui-même jusqu’à la dernière minute, c’est-à-dire jusqu’au jour où ce dernier s’est rendu à la Nonciature.   « Où étiez-vous quand le Major Badiel vous a appelé ? », a interrogé le procureur militaire, Alioun Zanré.  «A la villa Kilo, côté Est du palais », a repris Moussa Nébié, dit Rambo. A la question de savoir s’il y a eu une rencontre préparatoire avant l’assaut, Rambo est resté formel ! Il n’y a pas eu de rencontre.   « Quand vous avez reçu la mission d’arrêter le président,  quels étaient  vos sentiments ? « Des sentiments de peur,   de courage et de fierté », a-t-il répondu.  «Trouvez-vous normal qu’un ordre vienne de vos chefs pour arrêter le chef suprême des Armées ?», demande le Procureur militaire, faisant allusion à l’arrestation de Michel Kafando. Pour  l’adjudant Rambo, c’est oui.  Selon ses dires, c’est la première fois qu’il entend de la bouche d’un de ses supérieurs qu’un ordre est illégal. « J’assume. J’ai reçu un ordre militaire. Répondant à une question du Procureur militaire », il  a  dit : «Si je suis sous votre coupe et que vous me dites d’arrêter le président du tribunal, je le ferai parce que c’est l’ordre que vous m’avez donné». Ce qui a amené le président du tribunal, Seidou Ouédraogo, à suspendre le procès afin de permettre à l’accusé Rambo de consulter son avocate, Me Solange Zèba. « Je n’ai pas demandé de suspension », reprit cette dernière. Malgré tout, le président Seidou Ouédraogo a ordonné la suspension du procès pour une vingtaine de minutes.  A la reprise, le procureur du tribunal a demandé de qualifier l’acte qu’il a posé le 16 septembre 2015.  « Je ne peux pas qualifier l’ordre que mon supérieur hiérarchique m’a donné. Un ordre, ça s’exécute », reprit-il. «Dans une république, y a-t-il une fierté d’arrêter un président ? », a interrogé le procureur militaire. Une question qui a permis à l’adjudant-chef Moussa Nébié d’expliquer ce que les uns et les autres n’avaient pas compris selon lui. Pour lui, la fierté a été d’avoir pu arrêter le président sans coup de feu, sans violence, sans effusion de sang. «Je m’excuse pour l’exemple. J’aurai dû prendre l’exemple sur une personne qui est dans le box des accusés comme nous.  Si je parle de fierté, ce n’est pas par rapport à l’arrestation du président », a précisé Moussa Nébié.  Après une série de questions du procureur militaire, la parole a été donnée aux avocats de la partie civile. Parmi eux, Me Prosper Farama qui, malgré tout, a réussi à instaurer un dialogue direct avec l’accusé Moussa Nébié. Contrairement aux autres, il a fait observer : « je vous ai bien compris ».  « J’ai compris que vous avez 30 ans de carrière au sein de l’armée. Vous confirmez ? », a interrogé Me Farama. « Oui je confirme », répond Moussa Nébié.  « Vous êtes l’un des plus anciens de ceux qui sont poursuivis. De vos 30 années de carrière, avez-vous entendu parler de coup d’Etat au Burkina » ?

« Oui », a-t-il répondu.

Me Farama : «  Après avoir emmené le président de la Transition, avez-vous fait autre chose ? »

Moussa Nébié dit Rambo : « Oui »

Me Farama : « Qu’avez-vous fait ? »,

Moussa Nébié : « je suis allé chez le Général »

Me Farama : «Qui vous a donné cet ordre ? »

Moussa Nébié :  « Eloi  Badiel. Il m’a dit d’aller l’informer».

Me Farama : « Après, Où   êtes-vous allés ? »

Moussa Nebié : « Au PC »

Me Farama : «C’est quoi le PC ? »

Moussa Niébé : « Le poste de commandement »

Me Farama : « Pour quoi faire ? »

Moussa Nebié : « Pour rencontrer les officiers »

Me Farama : « A ce moment, avez-vous compris que c’était un coup d’Etat »?

Moussa Nébié : « Oui »

Me Farama : «Si votre supérieur vous dit d’embarquer dans un véhicule et qu’arrivé devant mon domicile, il vous demande d’ouvrir le feu sur ma famille. Allez-vous exécuter l’ordre ? »

Moussa Nébié : « S’il vous plaît, prenez un autre exemple»

Me Farama : « Ok. Si votre supérieur vous dit d’embarquer dans un véhicule et qu’arrivé devant un domicile, il vous demande d’ouvrir le feu sur un individu et les membres de sa famille. Allez-vous le faire ? Est-ce un ordre ? »

Moussa Nébié : « C’est un ordre, mais ça dépendra des antécédents de la personne »

Me Farama : « Si le major Badiel vous avait dit d’aller arrêter le Général Diendéré, l’auriez-vous fait ? »

Moussa Nébié : « J’aurais dit ‘’mon Général, on m’a dit de venir vous arrêter’’ »

Me Farama : «Et si en arrêtant le Général, celui-ci à son tour vous avait demandé d’aller arrêter le major Badiel. L’auriez-vous fait ? »

Moussa Nébié : «Oui ! J’exécuterais les ordres »

Me Farama : « Et si le major Badiel avait donné l’ordre d’arrêter l’ancien président Blaise Compaoré ? »

Moussa Nébié : « Il n’y a pas eu d’antécédents avec lui »

Farama : « Avez-vous entendu la déclaration du Général sur le CND ? »

Moussa Nébié : « Oui »

Me Farama : « Quand avez-vous quitté le camp Naaba Koom ? »

Moussa Nébié : «Le 1er octobre 2015 »

Si le militaire devait vérifier la légalité d’un ordre reçu, je ne serais pas à la barre

Dans la soirée du 6 juillet 2018, les auditions se sont poursuivies dans le procès du putsch, avec l’adjudant-chef Moussa Nébié dit Rambo à la barre. Il a reconnu l’arrestation du président de la Transition, le 16 septembre 2015. C’est lui qui a confié au Général Gilbert Diendéré que les deux autorités ont été arrêtées, à savoir le président et son Premier ministre Zida, en son temps. Mais, à l’entendre à la barre, le 16 septembre 2015, il n’était pas question de coup d’Etat et les militaires ont arrêté le président Kafando et le Premier ministre parce qu’antérieurement, il y avait des problèmes au sein de l’ex-RSP, qui n’avaient pas été résolus. Il a dit avoir reçu des ordres du major Eloi Badiel qui lui a demandé, après l’arrestation des autorités, d’aller chercher le Général Diendéré. Pour le parquet, Rambo a exécuté un ordre manifestement illégal.  Ce que l’accusé a rejeté. Il a rappelé avoir dit que, si le lieutenant-Colonel Yacouba Isaac Zida a pu accéder au pouvoir devant des Généraux, ce n’est pas lui (adjudant-chef Moussa Nébié) qui  refuserait  d’exécuter les ordres de l’adjudant-chef major Badiel.  Et d’ajouter que Yacouba Isaac Zida a eu le soutien des ex-RSP  sinon il ne pouvait pas être président du Faso pendant 21 jours et être Premier ministre ensuite. Selon le parquet, si un ordre est donné, le militaire doit réfléchir avant de l’exécuter ; si le refus d’exécuter un ordre illégal est puni, la punition sera levée par la suite.  Il a indiqué qu’un cours est donné dans les centres militaires sur les dispositions du règlement de discipline générale dans les armées.  Lecture de l’article 25, alinéas 6 et 7, sur l’exécution des ordres, a été faite à l’intention de l’accusé par un magistrat du parquet militaire. Le militaire ne doit pas exécuter un ordre manifestement illégal venant de sa hiérarchie, d’après cette disposition légale. Moussa Nébié est un gradé de l’armée, qui a pour vocation d’enseigner le règlement et la discipline militaire, de l’avis du parquet qui a rappelé, par lecture, l’article 32 sur les obligations militaires. L’adjudant-chef Nébié a confié à la barre que  dans l’armée, il y a deux choses : la punition ou  la récompense, et il n’a jamais été question, à un moment donné, durant ses 30 ans de carrière militaire, d’un enseignement sur l’ordre manifestement illégal ou pas. Pour lui, « l’ordre, c’est l’ordre ». « Si j’avais reçu un enseignement qui dit que le militaire doit vérifier la légalité d’un ordre reçu, je ne serais pas là » (à la barre), a dit l’accusé. Pour son Conseil, Me Solange Zèba, son client n’a pas reçu d’enseignement sur la distinction des ordres (manifestement illégal ou pas) et il s’emmêlait … d’ailleurs au cours de ses interventions. L’article 32  que le parquet a lu, a été promulgué le 24 novembre 2016 et ne peut, par conséquent, trouver application en l’espèce, a-t-elle dit. Elle a fait savoir que dans l’armée, il y a une très grande marge entre la théorie et la pratique, sur les questions de droit. Elle a estimé que l’article 43 du Code de justice militaire a été violé, et son client a été amené à répondre à des questions par suppositions. Me Alexandre Sandouidi, un avocat de la défense, a demandé à l’accusé : « avez-vous déjà refusé d’exécuter un ordre »? « Non », lui a-t-il répondu. « Avez-vous les moyens de vérifier la légalité d’un ordre reçu » ? « Non », a-t-il dit. Réagissant à la « théorie de la baïonnette intelligente » invoquée par le parquet, Me Alexandre Sandouidi a cité la « théorie de l’obéissance raisonnée » et a demandé au parquet ceci : « Comment un soldat peut-il se prémunir des sanctions du refus d’un ordre illégal qui se révèlerait légal par la suite » ? Pour le parquet, cette « question par anticipation » fait de Me Sandouidi le conseil de l’accusé, plutôt qu’un avocat de la défense et le parquet n’entend pas y répondre. Le président du tribunal a voulu savoir si l’adjudant-chef connaît l’accusée Minata Guelwaré. En réponse, Moussa Nébié a dit l’avoir connue dans un maquis aux environs de l’ambassade des Etats-Unis. « Est-elle venue vous voir à la présidence du Faso » ? « Oui , accompagnée de jeunes et ils voulaient voir le Général Diendéré ou le capitaine Dao », a confié l’adjudant-chef Moussa Nébié. « Minata Guelwaré est-elle venue vous voir avec quelqu’un dans un véhicule, pour prendre du carburant, après les évènements des 16, 17 et 18 septembre 2015, pour vous renseigner sur les positions des troupes des garnisons des autres villes du Burkina qui faisaient mouvement en direction de Ouaga » ? Ce à quoi l’adjudant-chef a répondu par l’affirmative.  Pris de malaise, Me Solange Zèba a demandé une suspension de 5 minutes de l’audience. C’est à cet instant que le président du tribunal a suspendu l’audience du vendredi soir autour de 17h.  Le procès du putsch manqué mettant en cause le Général Gilbert Diendéré et 83 autres  a repris le samedi 7 juillet,  avec à la barre l’adjudant-chef Moussa Nébié dit Rambo qui a pour conseil Me Solange Zèba, avocat commis d’office. Dans une salle qui commence à se remplir, à l’inculpé, il est demandé de dire ce qui le lie à Minata Guelwaré, une autre accusée civile, « membre influent du CDP (Congrès pour la démocratie et le progrès) »,  qui lui passait les informations. Sans langue de bois, l’adjudant-chef a confié avoir connu Minata « dans un débit de boisson à travers un ami ». Et il a aussi ajouté que l’accusée en question est venue à deux reprises à la présidence pour voir le Général et pour solliciter du carburant afin de « l’informer de tout ce qui se passait en ville » durant les jours suivant l’arrestation et la séquestration du président Kafando, du Premier ministre Zida et deux autres ministres. « Elle m’informait de tout », a-t-il avoué et  c’est par elle que l’adjudant-chef a appris que des troupes  de soldats en provenance de Fada ont pris la direction de Ouagadougou. Et c’est ainsi que l’adjudant-chef a demandé à dame Minata, « d’aller au-delà de Zorgho afin d’avoir de plus amples informations sur les troupes qui venaient à Ouagadougou ». Et pour mieux se renseigner, l’adjudant a dit à dame Minata de simuler une panne et de s’arrêter au bord de la route afin de lui donner plus de détails sur le matériel et les troupes se dirigeant vers la capitale. Ces informations, l’adjudant a dit les avoir recueillies à titre personnel et n’a pas rendu compte à ses supérieurs. Toute chose que le parquet a trouvée invraisemblable, à cause du contexte. Dans la même lancée, Me Yanogo de la partie civile a développé l’argument selon lequel, « l’adjudant-chef est celui qui envoyait les soldats mater des populations sur la base des informations que lui fournissait dame Minata ». Du reste, le prévenu a déclaré que « le major Badiel était la pièce maîtresse de l’opération et qu’il savait qui doit faire quoi ». Pour ce qui est des morts, l’inculpé a soutenu qu’il est persuadé que « des gens ont profité de la pagaille pour exécuter les gens et mettre cela sur leur dos ». « D’où tirez-vous cette information ? », question de Me Prosper Farama. L’accusé a fait comprendre qu’il ne peut répondre à la question mais que « des gens ont des preuves qu’ils apporteront » en temps opportun.  A la barre, l’adjudant-chef Moussa Nébié dit Rambo, pour les faits de « coups et blessures volontaires sur 42 personnes et de meurtre sur 13 personnes »,  a « plaidé non coupable ». Et Me Solange de soutenir que « ce sont des accusations bien simplistes » parce que dans le dossier, « aucun certificat médical n’appartient au président Michel Kafando ». Ainsi dit, son client « n’a pas à répondre des choses dont on n’a pas la preuve et donc «  il n’est pas coupable de coups et blessures volontaires, ni de meurtre ». L’interrogatoire au fond de l’adjudant-chef Moussa Nébié dit Rambo a pris fin dans la matinée du 7 juillet. Et selon l’ordre de passage à la barre, le juge a appelé l’adjudant Ouékouri Kossé, la cinquantaine bien sonnée, inculpé pour « enlèvement et séquestration, attentat à la sûreté de l’Etat, meurtre, coups et blessures volontaires, dégradation et destruction volontaire de biens». L’adjudant Ouékouri Kossé n’a pas reconnu les faits à lui reprochés. Voici sa confession : « le 16 septembre, j’étais de repos. Le major Badiel m’a appelé vers 13h et m’a dit de le rejoindre au palais. A mon arrivée, il m’a pris à part et m’a dit ceci : « le Général m’a dit d’arrêter le colonel Zida ». J’étais en tenue de sport et j’ai demandé à aller me changer mais il m’a dit que ce n’était pas la peine. Il a désigné des éléments (Zerbo et deux autres jeunes  que je n’arrive pas à identifier). Il nous a dit d’aller au côté ouest du palais et former un dispositif de surveillance. Il m’a dit de tout faire pour qu’il n’y ait pas de coup de feu parce que les jeunes ne tardent pas à manipuler les armes ». Et  le juge de demander à l’inculpé de préciser la mission que le major Badiel lui a confiée. «Le major m’a dit d’aller observer et de lui rendre compte. Je n’ai pas vu de mouvement suspect et j’ai rendu compte », a-t-il déclaré. Mais le juge est revenu encore à la charge : « Avez-vous fait irruption dans la salle du Conseil des ministres ? » « Non », a-t-il répondu. « Et pourtant, un accusé a dit que c’est vous qui avez ouvert la porte de la salle du Conseil des ministres », a lâché le président du tribunal.  « Je n’en veux pas à celui qui a dit cela », a déclaré l’inculpé qui, à la barre, a fait comprendre que la mission première dont il était question, c’était d’arrêter Zida mais « quand j’ai vu, Rambo descendre avec le président Kafando et  Nion descendre avec le Premier ministre Zida et deux autres ministres, j’étais surpris. Quand je les ai vus, j’ai compris que ce n’est pas ça ». L’accusé a pris soin de noter que pour la mission, il était armé. Et le procureur de chercher à savoir : « si observer c’est une mission, est-ce que arrêter Zida est aussi une mission » ? Une question qui a visiblement embarrassé l’adjudant Ouékouri Kossé qui a observé un court silence avant  de répondre de façon hésitante : « monsieur le président, il y a trop de missions ». Le procureur d’insister pour savoir si la mission était une mission d’observation ou de couverture. Une question qui a un peu exaspéré l’inculpé de sorte qu’il a fallu l’intervention du juge pour le parquet, qui avait un ton assez élevé, et l’avocat pour calmer son client. Et l’interrogatoire a repris son cours avec des déclarations de l’adjudant qui a confessé : « quand le major Badiel m’a dit que c’était pour arrêter Zida, j’ai eu peur et je voulais profiter zapper s’il me donnait la permission d’aller me changer ». « Zapper veut dire quoi ? », a demandé le juge, « si le major me donnait la permission d’aller me changer, je partais sans revenir ». Mais pour le procureur, ce n’était pas la peur étant donné que l’adjudant Ouékouri Kossé est un commando du RSP. C’est plutôt « parce que l’adjudant Ouékouri Kossé savait que c’était un ordre illégal, c’est la raison pour laquelle il voulait fuir », a martelé le parquet qui, compte tenu de certaines incohérences entre les déclarations au fond et les déclarations à la barre, a demandé au prévenu s’il a subit de mauvais traitements de la part du juge d’instruction. « Non », a-t-il dit. « On me tenait menotté chaque fois, mais quand j’entrais dans le bureau du juge, il demandait qu’on enlève les menottes avant qu’il  ne m’interroge. Le juge ne m’a jamais menacé mais j’étais moralement touché, stressé mais j’arrivais à dire quelque chose ». Et le procureur de lire un passage, dans le procès-verbal, qui disait clairement que l’adjudant, lors de la réunion avec les sages, a affirmé « soutenir le Général Diendéré ». « Qu’est-ce que cela veut dire » ? Et le prévenu d’affirmer : « j’ai dit que je soutenais le Général parce que je n’avais plus confiance à Mgr Paul Ouédraogo qui disait à la télé de dissoudre le RSP ». Et la partie civile de faire comprendre qu’en réalité, « le soutien entre dans l’esprit de corps qui implique de soutenir les éléments en difficulté ». Suite de l’interrogatoire, aujourd’hui à 9h.

Françoise DEMBELE, Issa SIGUIRE, Lonsani SANOGO

 

 

 

ENCADRE

 

EXPRESSIONS ENTENDUES AU PROCES

Mission d’observation : surveillance systématique des activités de l’ennemi

Mission de couverture : dispositif de protection d’une zone ou d’une opération

* Esprit de corps : on nomme esprit de corps la loyauté que l’on donne à ses pairs par rapport à la société, à la Nation ou aux croyances. Concrètement, il faut, pour cela, avoir vécu des expériences communes (positives ou négatives) qui donnent le sentiment d’être «à part ». Par la suite, lorsque la survie, ou simplement les intérêts du groupe sont menacés, ses membres se mobiliseront mieux en sa faveur : ils « font bloc ».

La théorie de la baïonnette intelligente : la théorie de la baïonnette intelligente est en droit pénal la condamnation de l’obéissance à un ordre manifestement illégal. La formulation évoque la situation du soldat (la baïonnette) qui doit refuser d’exécuter un ordre manifestement illégal (car même l’engagement militaire ne saurait faire disparaître la conscience – l’intelligence – de ses actes).  « Obéir, ce n’est pas se soumettre, ni renoncer à penser, ni devoir se taire : ce principe s’assortit, dans des cas exceptionnels, du devoir de désobéir »


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