HomeA la unePROCES DU PUTSCH MANQUE : « Nous n’avions aucun moyen d’arrêter le Général »

PROCES DU PUTSCH MANQUE : « Nous n’avions aucun moyen d’arrêter le Général »


 

Le 27 février 2018 débutait le procès du putsch manqué du 16 septembre 2015 au tribunal militaire délocalisé dans la salle des banquets de Ouaga 2000. Que d’engouement le premier jour d’audience de ce procès. Une année après, jour pour jour, les Burkinabè sont toujours dans l’attente d’un verdict alors qu’au tribunal on est au stade du témoignage. Le 27 février 2019, c’est dans une  salle qui contraste avec l’affluence du premier jour d’audience du procès, que le colonel-major Alassane Moné, témoigne. Lui, aussi, lave la hiérarchie militaire de tout soupçon de complicité avec le Général Diendéré.

Le colonel-major Alassane Moné qui a commencé sa déposition le 26 février 2019 continue de dire ce qu’il a vu, vécu et entendu pendant les évènements du 16 septembre 2015 et jours suivants. En effet, le 27 février 2019, à la barre,  le colonel-major affirme qu’au cours de la rencontre avec le Général, la hiérarchie militaire ne savait pas que c’était un coup d’Etat. « Il a dit que le RSP a décidé de mettre fin à la Transition mail il n’avait pas dit que c’est un coup d’Etat jusqu’à ce qu’il parle de projet de déclaration », confie le colonel-major. Mais « quand nous nous sommes rendus compte  que c’était un projet de déclaration de coup d’Etat, nous l’avons rejeté », explique-t-il. Mais pourquoi vous  n’avez pas arrêté le Général quand vous avez su que c’était un coup d’Etat, interroge le parquet. « Nous n’avions aucun moyen d’arrêter le Général », répond le témoin qui poursuit que le Général Diendéré a  voulu les dissuader en faisant comprendre qu’il avait le soutien des chefs d’Etat de la CEDEAO. Malgré cela, « nous luis avons dit que nous n’étions pas partant ». Quand les chefs d’Etats de la CEDEAO sont arrivés à Ouagadougou, nous avons compris qu’ils ne soutenaient pas le coup d’Etat et nous leur avons dit que l’Armée non plus ne soutenait pas le coup d’Etat, indique-t-il. Mais le Général réplique en déclarant qu’il n’a jamais dit que les chefs d’Etat de la CEDEAO soutenaient le coup. « J’ai dit que les Chefs d’Etat de la CEDEAO avait promis de venir dans le cas de la médiation mais je n’ai pas dit que j’ai le soutien des Chefs d’Etats de la CEDEAO », fait-il signifier. Mais le colonel-major persiste et signe : « Il a dit au cours de la rencontre qu’il avait le soutien des Chefs d’Etats de la CEDEAO ». Et un épisode qui particulièrement été éprouvant pour le  témoin, c’est quand, avec des éléments du collège des sages, ils sont allés rencontrer les éléments du RSP. D’abord, il souligne que le trajet du ministère de la défense à Naba-Koom était très risqué parce que par endroit, il y avait des militaires dans les fourrées avec des armes.  Il se souvient : « quand nous sommes arrivés au camp Naaba-Kom, la situation était électrique. Le ton avec lequel nous avons été accueillis défiait tout manque de respect, toute insolence. On a été invectivé et menacé. Des éléments du RSP ont dit que si les forces françaises intervenaient les otages allaient mourir avec eux. Et que nous même, si on ne fait pas attention, on ne ressortirait pas vivant du camp ». Le parquet veut savoir quelle a été l’attitude du Général pendant qu’ils subissaient les menaces. Le colonel-major reprend : « nous avons pensé que le Général allait nous soutenir, nous appuyer en intervenant pour les dissuader mais il est resté silencieux. Vraiment ça a été difficile ». Et il mentionne que ce sont les sous-officiers qui ont été les plus menaçants mais il ne saurait donner de noms. Et à l’accusé, adjudant Florent Nion d’affirmer qu’il n’a jamais tenus de tels propos. « Ceux qui ont tenu ces propos ne sont même pas dans le box des accusés », avance-t-il.  « Des éléments du RSP ont même dit que Mgr Paul Ouédraogo était irresponsable, traitre et menteur », ajoute le témoin. Il signale que le Commandant Abdoul Aziz Korogo, à l’époque des faits,  a été très coopératif mais qu’il a rencontré des difficultés si fait qu’il voulait démissionner. Mais « je lui ai dit pas question. Je lui ai même dit qu’en démissionnant, il mettait lui-même en danger ». Il a donc suivi les conseils du colonel-major et est resté à son poste pour aider au désarmement.  Au cours de l’audience, le parquet est revenu sur le dossier de l’expertise téléphonique. Et le témoin, qui était Secrétaire général du ministère de la Défense et des anciens combattants en son temps fait savoir qu’il a effectivement eu à faire au dossier de l’expertise. Et il dit qu’en son temps, il a dit qu’il ne pouvait soumettre un dossier d’un tel montant à un marché de gré à gré. Et par rapport à l’attribution du marché de l’expertise téléphonique, le lieutenant Jacques Limon dit ne pas comprendre pourquoi on attribue un marché à un expert et c’est l’Etat qui doit lui payer le matériel pour le travail. « Soit il est expert et doit avoir son matériel, soit il ne l’est pas », ajoute-t-il. Après l’intervention du lieutenant, Me Guy Hervé Kam, avocat des parties civiles, essaie comprendre pourquoi le colonel-major n’est pas dans le box des accusés, lui-même qui a rejeté le dossier et c’est le Lieutenant Limon qui est le subalterne qui crie que c’est à cause du dossier de l’expertise qu’il se retrouve dans le box des accusés « tout en oubliant qui le met en cause. En réalité c’est un agent double », relève Me Kam qui lance un proverbe : « à la veille de la Tabaski, quand on pourchasse le mouton, l’âne aussi saute le mûr et dit qu’on et dit qu’on le pourchasse », pour résumer la situation du lieutenant Limon qu’il décrit comme un agent double parce qu’il renseignait sur les positions des troupes qui venaient de l’intérieur. Après cette flèche décocher contre le lieutenant Limon, celui-ci dit qu’il ne répondra à Me Kam qui « fait passer ses illusions pour la réalité. Mais Me Séraphin Somé, de la partie civile revient à la charge en ces termes : « on lui reproche des choses très précises. N’eut été la technologie, il serait passé entre les mails du filet. C’est grâce à la technologie qu’on a compris le rôle qu’il a joué car il a prêté ses services aux auteurs du coup d’Etat ». De l’avis de Me Somé, l’accusé en question  a été incapable durant tout le temps qu’il a passé à la barre, de faire tomber la moindre charge contre lui. Et il prend le soin de noter que la décoration du lieutenant est une imposture. Ce que réfute le conseil du lieutenant qui s’attaque au témoin : « l’armée que vous avez servi n’était pas républicaine. Une armée prend position tout de suite quand la Nation est menacée ». Mais il a noté que cela n’a pas été le cas parce que si l’armée s’était fendue d’un communiqué au soir du 16 septembre, les jeunes n’allaient pas sortir le 16 et il n’y aurait pas de morts. A l’entendre, l’armée a failli, l’Etat-major aussi a failli parce qu’il fallait stopper le RSP au moment où ils ont arrêté les autorités de la Transition. « Qu’est-ce que l’armée a fait pour protéger Shériff Sy ? ». Et à Me Maria Mireille Barry d’ajouter qu’on aurait souhaité que la hiérarchie prenne une décision et qu’elle le fasse savoir. Mais le témoin fait comprendre que ce n’était pas aussi simple que cela. Du reste, il confie que la hiérarchie militaire a été mise devant les faits et a choisi la négociation pour une sortie de crise. A la fin de son audition, le colonel-major Alassane Moné dit être soulagé parce qu’il a pu témoigner et a contribué à la manifestation de la vérité. Ultime déclaration du témoin : « Je souhaite que justice soit rendue aux victimes. Je souhaite que cette plaie se referme rapidement pour qu’on puisse se consacrer au développement du Burkina Faso ».

Françoise DEMBELE

 


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