HomeA la unePROCES DU PUTSCH MANQUE : Salifou Sawadogo dit être victime de manigances à l’intérieur du CDP

PROCES DU PUTSCH MANQUE : Salifou Sawadogo dit être victime de manigances à l’intérieur du CDP


Au Tribunal militaire délocalisé de Ouagadougou, les interrogatoires à la barre des accusés se suivent et ne se ressemblent pas. Salifou Sawadogo est à la barre le 24 septembre 2018 pour « complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, meurtres sur 13 personnes et coups et blessures volontaires sur 42 personnes ». L’accusé essaie tant bien que mal de se disculper.

Deuxième journée d’audition à la barre de Salifou Sawadogo. L’accusé est aux mains du parquet militaire. « Si je comprends ce que vous avez dit hier, le regroupement du 17 était l’œuvre de Noël Sourwema, Secrétaire général de la section du Kadiogo et le regroupement du 19 était l’œuvre du bureau politique », demande le parquet. « Oui », répond l’accusé. « Et pourtant, les déclarations de certains vice-présidents ne concordent pas », renchérit le parquet. L’accusé, un peu embêté, fait comprendre qu’il « ne veut pas exposer les questions internes de son parti à la barre. Parfois les luttes internes dans un parti sont plus acerbes que les oppositions de l’extérieur », informe Salifou Sawadogo qui confie que les appels au rassemblement ont été sonnés par SMS. Mais le parquet, sur le fondement d’un procès-verbal, laisse entendre que Noël Sourwema a dit que c’est Salifou Sawadogo qui l’a instruit de donner l’information pour le rassemblement du 17 au rond-point des martyrs. « Je conteste », rétorque Salifou Sawadogo qui fait savoir que Noël Sourwema jusqu’à la confrontation, avait reconnu qu’il a envoyé des sms et a reçu des sms de la Direction.

« Ils savaient que si j’étais déposé à la MACA, Charles Niodogo serait député »

A la confrontation, il est revenu sur ses propos et a déclaré que c’est moi qui ai envoyé les messages. Et pendant la confrontation, Noël Sourwema et Charles Niodogo, député à l’Assemblée nationale, ont dit la même chose. Pour l’accusé, ce n’est pas étonnant puisque ces deux personnes  « ne peuvent pas faire une journée sans se voir. C’est un binomes ». L’accusé explique pourquoi il le dit. « Avant que la liste du CDP pour les législatives ne soit invalidée, Noël Sourwema était son suppléant. Après la validation de la liste, il a été demandé à Noël Sourwema de proposer un suppléant à sa place. Et c’est là qu’il a proposé Charles Niodogo ». « Ils sont sur les mêmes positions. Ils savaient que si j’étais déposé à la MACA, Charles Niodogo serait député. Voilà la raison pour laquelle pendant la confrontation, on m’a chargé. Il y a plusieurs motifs internes et externes au parti, qui m’ont amené en prison ».
« Venons-en à l’aspect financier. Hier vous avez évoqué les 10 millions reçus mais vous n’avez pas parlé des 20 millions reçus de Moïse Traoré », lance le parquet. L’accusé le reconnaît et informe le parquet qu’il a effectivement reçu 20 millions pour renforcer la sécurité au niveau des domiciles dans les arrondissements. L’accusé annonce que les 20 millions ont aussi servi à appuyer les camarades militants à la veille de la fête de Tabasky. « D’où sont venus les 20 millions ? », demande le procureur. « En politique, on ne dévoile pas les sources de financements. Il y a des gens qui financent et qui ne souhaitent pas qu’on dévoile leurs noms. Je n’ai pas connaissance de la provenance des 20 millions mais c’est par voie de presse que j’ai entendu que les fonds ont été convoyés de la Côte d’Ivoire », confie Salifou Sawadogo. A la question de savoir comment a été faite la répartition, l’accusé, sans embâges, énumère : « Des 15 millions retirés à la banque par Eddie Komboïgo qui les a remis à Achille Tapsoba, 10 millions ont été affectés au parti dans le but de prendre des dispositions au plan sécuritaire, de la viande et de l’eau ont aussi été servies aux militants qui se trouvaient à l’hôtel Laïco ». L’accusé relève une contradiction. En effet, selon les procès-verbaux, le vice-président, Achille Tapsoba et le président du CDP, Eddie Komboïgo, ont dit que l’argent a été débloqué le 16 dans la matinée, bien avant l’arrestation des autorités de la Transition. Et l’accusé, de son côté, affirme que l’argent a été débloqué dans la soirée, après l’arrestation des autorités de la Transition. Salifou Sawadogo informe qu’il y a eu une rencontre le matin du 16 au siège du CDP, pour parler du remplacement des cadres sur la liste qui a été invalidée et du lancement de la campagne électorale. Et que c’est dans la soirée, après que les autorités aient été arrêtées, qu’il y a eu une rencontre informelle avec Eddie Komboïgo, Achille Tapsoba et autres pour parler de la sécurité de leurs domiciles. Rencontre à laquelle Achille Tapsoba nie avoir participé. « Donc, le Président et le vice-président vous chargent », reprend le parquet qui laisse entendre que ce sera au tribunal de tirer les conséquences de ces contradictions. « Pour protéger vos domiciles, est-ce qu’il fallait recruter des jeunes ? », question du parquet. Réponse de l’accusé : « Le terme recruter n’est pas propre au CDP. Pendant les évènements, tout ce qui pouvait concourir à la sécurité était le bienvenu. La pratique ne date pas du putsch. Au niveau du parti, on ne fait pas appel aux corps extérieurs. Il y a un service de sécurité à l’interne. Nous portons encore les stigmates des incendies subis pendant l’insurrection. Et s’il y avait encore incendie de nos maisons, cela jouerait sur la campagne électorale ».
Revenant à son cas, l’accusé affirme qu’une vingtaine de personnes ont été auditionnées après lui. « A la fin, soit tu était inculpé et tu repartais à la maison, soit tu es déposé à la MACA. Comme c’est ainsi, chacun se débine pour ne pas être inculpé et pour ne pas aller en prison. Je comprends leur attitude ». De toute façon, intervient le parquet, « la prison, c’est comme l’hôpital. Elle a été créée par l’organisation sociale et même nous, nous ne sommes pas exempts d’aller en prison ».
Le parquet a aussi fait remarquer que Fayçal Nanéma, Paul Sawadogo et Mathias Ouédraogo ont dit qu’on a distribué de l’argent au rond-point des martyrs et que Mme Bougouma a envoyé 500 000 F CFA pour galvaniser les pro-CND. Salifou Sawadogo se dédouane et dit que même s’il est vrai qu’il s’est rendu au rond-point des martyrs, il n’était pas le maître des lieux. Par conséquent, « je ne pouvais pas savoir tout ce qui se passait là-bas ». Après une question du parquet, l’accusé reconnaît avoir donné de l’argent pour la viande et l’eau des manifestants à Laïco. Mais il précise que c’était dans la soirée, après les échauffourées. « Ces échauffourées sont-elles la conséquence du pain mangé ou de la viande mangée ? », intervient Me Seydou Nyampa, conseil de l’accusé. Il dit être peiné par le fait que l’on s’attarde sur des déclarations. « Est-ce que les déclarations d’un accusé peuvent servir de preuve contre un autre accusé ? On nous dit Fayçal a dit, Lota a dit, mais on s’en fout », lance l’avocat qui est vite rappelé à l’ordre par le président du tribunal qui demande à l’avocat de modérer ses propos. Celui-ci s’excuse et fait remarquer qu’il n’y a pas d’éléments matériels contre son client.

Françoise DEMBELE

Ultime message de Salifou Sawadogo à la barre

« Les évènements du 16 septembre et jours suivants m’ont donné des leçons de vie qui m’ont permis de connaître les hommes et l’homme tout court. Pour un évènement où il y eu de grandes pertes, je me retrouve à me justifier. J’ai une pensée particulière pour ma petite fille qui a 12 ans, sur qui je n’ai jamais eu à lever la main et je me retrouve à justifier des meurtres, des coups et blessures. Nous condamnons le coup d’Etat. Dans un Etat de droit, la dévolution du pouvoir se fait par la voie des urnes. Je réitère ma compassion aux familles éplorées. Que les âmes des défunts reposent en paix et que ceux qui portent toujours les séquelles de leurs blessures retrouvent leur plein épanouissement. Ceux qui m’ont remis de l’argent et qui sont élargis, et moi à mon tour, j’ai remis à d’autres, je me réjouis pour eux et espère que le tribunal me donnera cette chance ».

 

* Incendie du domicile de Salifou Diallo : La part de vérité de Salifou Sawadogo

« Il est ressorti que des jeunes ont dit que j’ai instruit de mettre le feu à la maison de Salifou Diallo. Je ne suis pour rien dans l’incendie du domicile de Salifou Diallo. Je connais bien Salifou Diallo, je connais sa famille et ses amis. Je ne suis pas poursuivi pour destruction de biens. C’était un élément d’inculpation, mais l’élément n’existe plus parce que je me suis justifié devant le juge d’instruction et il m’a lavé de tout soupçon. Je ne peux pas continuer à rabâcher des accusations qui ne tiennent sur rien. Cela m’a valu beaucoup de brimades. Je ne souhaite plus revenir là-dessus ».

* Les 21 coups de canon attendus n’ont pas tonné dans le tribunal militaire

A l’entame de l’audience du 24 septembre dernier, le juge fait comprendre à l’assistance que le parquet à un message pour elle. Il n’en fallait pas plus pour aiguiser la curiosité de l’auditoire. Chacun tend alors l’oreille. Et le procureur militaire annonce : « le parquet a reçu une information de la Direction de la justice militaire. Suite à une visite officielle d’un hôte de l’Etat burkinabè à Kosyam vers 9h 30 mn et 10h 30mn, des coups de canon seront tirés dans la zone présidentielle. Il y aura 21 coups de canon. En ces temps de terrorisme, j’invite les gens à ne pas paniquer ». Après ce message, tout le monde s’attendait à entendre la salle des banquets vibrer à cause des 21 coups de canon. Même si on a l’impression que le temps suspend son vol dans la salle des banquets, jusqu’à la suspension de l’audience dans la soirée, les coups de canon attendus n’ont pas tonné.

* Pendant le coup d’Etat, l’argent a circulé mais il y a eu aussi des « coupeurs de route »

Au cours de l’audience du 24 octobre 2018, le parquet a lu une déclaration d’un militant du CDP blessé, qui a entraîné l’hilarité générale dans l’auditoire : « Salifou Sawadogo a donné 500 000 F CFA pour me soigner et Mathias a coupé 40 000 F CFA ».

* 500 000 F CFA débloqués pour la sécurité des domiciles des bonzes du CDP

Il est ressorti que 500 000 F CFA ont été débloqués pour sécuriser les domiciles dans les arrondissements. Et c’était 5 000 F CFA pour chaque jeune commis à cette tâche. « Malgré cela, des domiciles ont été brûlés », a déploré Salifou Sawadogo à la barre.
*Les éloges de l’accusé à l’égard de Me Prosper Farama, avocat des parties civiles« Je vous respecte et je sais que vous êtes du côté des faibles, des veuves et de l’orphelin. Vous défendez des causes nobles. Et je m’attendais à ce que Me Farama soit à nos côtés pour défendre l’inclusion parce que l’exclusion ne favorise pas la cohésion ».

Rassemblés par FD


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