HomeA la unePROCES DU PUTSCH MANQUE : « Si la hiérarchie militaire disait non, j’allais reculer », dixit Gilbert Diendéré

PROCES DU PUTSCH MANQUE : « Si la hiérarchie militaire disait non, j’allais reculer », dixit Gilbert Diendéré


L’audition du Général de brigade Gilbert Diendéré s’est poursuivie au Tribunal militaire ce 27 novembre 2018 à Ouagadougou. Le « père spirituel » des éléments de l’ex-RSP a confié à la barre qu’il allait reculer si le 16 septembre 2015, la hiérarchie militaire refusait de l’accompagner.

Le Général a, au deuxième jour de son audition, répondu aux questions du tribunal devant qui il déroule son agenda du 16 au 29 septembre 2015, avec un long récit des faits. Il confie que le 16 septembre 2015, l’adjudant Nion lui a envoyé ce sms: « Mon Général, je souhaite vous rencontrer ». Sms auquel le Général répond en ces mots : « Je suis à la maison ». L’adjudant Nion se rend au domicile du Général Diendéré et lui pose certains problèmes du corps, sa dissolution en vue… Une causerie de 30 minutes au cours de laquelle il n’a jamais été question de coup d’Etat, selon le Général. Quand le président du tribunal lui rappelle que le sergent-chef Koussoubé a indiqué aux sous-officiers que le Général a instruit de faire un coup d’Etat, le Général nie cela et dit qu’il ne serait jamais passé par un sergent-chef, moins gradé, pour porter un tel message à des éléments comme adjudant ou adjudant-chef, plus gradés. C’est plus tard, après cette causerie, qu’il apprend la dissolution du RSP sur Internet. Il s’inquiète de ce que les éléments de ce corps d’élite manifestent en réaction, par des tirs en l’air dans les casernes. Alors qu’il s’efforce de joindre le chef d’Etat-major particulier de la présidence et le chef de corps, Rambo l’appelle et l’informe au téléphone qu’ils ont enlevé les autorités de la Transition et qu’ils ont été désignés pour venir le chercher. Un coup de force que les sous-officiers expliquent au Général par la dissolution annoncée du corps. Le Général contacte le CEMGA et le SG du ministère de la Défense à qui il exprime sa volonté de ne pas gérer cette « énième crise du RSP » seul, mais que ce soit géré de façon collégiale par toute la hiérarchie militaire. Il demande au chef de corps du RSP de repartir au RSP pour réunir les hommes. Pourquoi c’est au Général Diendéré qu’on se réfère pour gérer la crise, s’interroge l’accusé ? Parce que c’est à lui qu’on se réfère quand il y a des crises, indique-t-il. Il arrive à 16h 30mn au corps, dans le bureau du chef de corps, poste de commandement. « Je me suis excusé auprès des officiers de les avoir convoqués de façon cavalière, d’autant plus que je n’avais plus de fonction au niveau du RSP, et je me suis excusé de n’avoir pas donné des informations sur les problèmes au RSP », précise le Général. « Je leur ai dit de ne pas s’offusquer que les hommes soient venus vers moi pour me donner l’information (de l’arrestation des autorités) au lieu que ce soit vers eux qu’ils aillent pour leur donner l’information ». Il ajoute qu’ils l’ont fait par réflexe et rassure les officiers que la hiérarchie a été informée par ses soins et leur demande de « rester auprès des hommes pour qu’ils ne posent pas des actes plus graves ». Il rencontre la hiérarchie militaire et les médiateurs nationaux au ministère de la Défense pour des échanges sur la situation, demande à la hiérarchie de prendre ses responsabilités pour éviter à l’avenir des situations comme ce qui est arrivé. A la rencontre avec le cadre de concertation des sages, il a été demandé la libération des autorités, mais les hommes ont demandé que des engagements forts soient pris comme préalables, rappelle le Général. A l’occasion, Mgr Paul Ouédraogo s’interroge si c’est un coup d’Etat, et demande que l’Armée prenne ses responsabilités dans ce cas. Le Général Diendéré avait déjà rédigé sur papier quelque chose prenant en compte les revendications du corps et l’a fait saisir après.

« On a dit de tirer sur le camp Naaba Koom II, sinon qu’allait-t-on dire aux civils ? »

Au ministère de la Défense, le Général propose à l’ex- président Jean Baptiste Ouédraogo d’assumer le pouvoir. Celui-ci décline l’offre. Il propose le CEMGA, le Général Pingrenoma Zagré, qui refuse parce que ne contrôlant pas les éléments du RSP. C’est l’inspecteur général des Armées d’alors, actuel CEMGA, le Général Sadou Salou, qui propose que ce soit un du RSP qui assume le pouvoir puisque ce sont les éléments du RSP qui ont commencé le mouvement. C’est là que le Général dit qu’il assume le pouvoir, mais à condition que l’Armée lui accorde son soutien. Il fait lire, devant tout le monde, la déclaration que le capitaine Dao lui a apportée. Aucune réaction sur place ne dit le contraire de ce que dit la déclaration, précise le Général. Le deuxième communiqué qui porte le Général à la tête du CND a été signé par le colonel-major Boureima Kiéré, parce que la hiérarchie a marqué son accord pour accompagner le Général qui indique : «si la hiérarchie militaire disait non, j’allais reculer ». Le 17 septembre, dans l’après-midi, le général joint le CEMGA ainsi que le SG du ministère de la Défense, pour exprimer son souhait de rencontrer la hiérarchie militaire pour donner des informations relatives à l’évènement. Le Général Pingrenoma Zagré annonce à l’occasion « le président du CND » que tout le monde salue debout en signe d’accueil, y compris les officiers généraux de la deuxième section, plus anciens que le Général lui-même. Il indique que le CEMAT d’alors a demandé que tout soit fait pour que le putsch réussisse, sinon ce serait la honte de l’armée. Le 18 septembre, il rencontre les corps paramilitaires. Il dit n’avoir appelé le DG de la Police que le 17 pour lui demander de prendre des dispositions pour éviter que son domicile de Yako, menacé d’incendie, soit incendié. Cela n’a pu éviter l’incendie du domicile, dit-il. Il rencontre les SG des ministères, le 18 septembre. Pour la mission à la frontière de la Côte d’Ivoire le 19 septembre, le Général a appelé le CEMGA pour exprimer le besoin d’hélicoptère, ce que le CEMGA accepte, le rassurant qu’il va contacter l’Armée de l’air. A l’aéroport, lorsqu’il va à la rencontre de la délégation des chefs d’Etat de la CEDEAO, tous les chefs d’Etat-major sont présents, le dispositif d’accueil normal est en place. La délégation rencontre le Général qui marque son accord pour restituer le pouvoir au président de la Transition, Michel Kafando, mais voulait des garanties pour la sécurité des hommes du corps. Il fait une déclaration de restitution du pouvoir le 21 septembre 2015. Le 25 septembre, après une brève rencontre avec les hommes au Camp, il apprend la dissolution du RSP à travers le compte rendu du Conseil des ministres. Le 27, suite à une rumeur faisant état de ce que le Général a fui, des éléments vont voir le Général au domicile et insistent pour qu’il vienne au camp, ne serait-ce que pour calmer les gens. Ce qu’il a fait. Le 29, le Conseil de l’entente est encerclé, alors que le désarmement du RSP était en vue, suivant un schéma convenu. Des gens fuient en direction du camp Naaba Koom II. Dans la soirée, il a rendez-vous avec Jean- Baptiste Ouédraogo, le CEMGA et le SG du ministère à l’ambassade des Etats-Unis d’Amérique. Une fois sur les lieux du rendez-vous, il joint le diplomate américain qui lui fait savoir que les gens qu’il devait rencontrer se sont décommandés. Il entend les coups de fusil, le bombardement du RSP autour de 16h. Un bombardement inutile, selon le Général, puisque, dit-il, un avion d’observation de l’Armée de l’air avait survolé la zone et signifié qu’il n’y avait plus personne. Au niveau du commandement, dit-il, « on a dit de tirer, sinon que va-t-on dire aux civils ? ». C’est le diplomate américain qui lui dit après de se rendre à la Nonciature. Une demande réitérée plus tard par Jean-Baptiste Ouédraogo, l’ex-président. Le 30 septembre, à la Nonciature, il reçoit la visite du diplomate américain et de l’ex-président Jean-Baptiste Ouédraogo, sur initiative de Michel Kafando qui était favorable à ce que le Général quitte le pays. Ce que le Général refuse, et demande que sa famille quitte momentanément le pays, au regard de la situation. Le 1er octobre 2015 il est transféré à la gendarmerie nationale de Paspanga. Sur la provenance des 160 000 000 de F CFA qu’il a donnés au colonel-major Kiéré, le Général indique que c’est un prêt. Le parquet s’adressera au Général pour la suite de l’audience ce 28 novembre 2018.
A noter que la demande de mise en liberté provisoire introduite par l’accusé Fayçal Nanema, a été accordée.

Lonsani SANOGO


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