HomeBaromètrePROCES DU PUTSCH : Quand le parquet félicite des prévenus pour leur franc-parler

PROCES DU PUTSCH : Quand le parquet félicite des prévenus pour leur franc-parler


Les 20 et 21 juillet 2018, l’audience s’est poursuivie avec le sergent-chef Michel Birba, le caporal Pascal Moukoro, le sergent-chef Mamoudou Bouda et l’adjudant Ardjouma Kambou. Tous ont rejeté les faits qui leur sont reprochés.

 

C’est l’adjudant Michel Birba, né en 1965 à Abidjan, marié et père de 4 enfants, qui  est passé à la barre le 20 juillet dernier.  Lorsque le président du tribunal, Seidou Ouédraogo, lui notifie qu’il est poursuivi pour complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, meurtre, coups et blessures volontaires, en lui demandant s’il reconnaît les faits,  l’adjudant qui était de la garde rapprochée du président Michel Kafando, répond par la négative. « Quand est-ce que vous avez   quitté le camp », lui demande le parquet ? « Le 26 septembre 2015 », répond-il, indiquant qu’il a rejoint son nouveau corps d’affectation  le 29 septembre 2015, puisqu’il n’était pas d’accord avec le putsch et la dissolution du RSP est intervenue le 25 septembre. Pouvez-vous dire que depuis l’arrestation des autorités, vous n’avez pas eu l’occasion de vous soustraire, si vous n’étiez pas d’accord avec le coup ? « Je ne me sentais pas bien, je suis allé à la villa Kilo, je ne pouvais pas me retirer », confie l’accusé à la barre. Il dit qu’il a été désarmé avec certains camarades, mais s’est rendu plus tard, les mains nues, à la Présidence pour voir ce qui s’y passait, et c’est à partir de ce moment qu’il a été contraint et commis à la tâche, avec d’autres soldats, d’aller chercher le Général Diendéré. Le parquet dit ne pas comprendre l’attitude de l’adjudant et se demande ce qu’il est allé regarder « là où c’était chaud ». Michel Birba n’était pas le seul élément de la garde rapprochée du président Michel Kafando, mais se retrouve seul à la barre, fait observer le parquet.  Il ajoute que la grande majorité des éléments de la garde rapprochée peut être considérée comme des victimes du putsch. De victime au début, l’adjudant Birba est allé de lui-même au camp et a fini par aider ceux qui ont enlevé le président Kafando qu’il avait la mission de protéger.  Me Zaliatou Aouba, conseil de l’accusé, estime que les observations du parquet sont des opinions personnelles. Son client est allé au moment où les autorités avaient déjà été enlevées, dit-elle. Comment peut-il encore aider à un tel enlèvement, s’interroge-t-elle ?  Et de demander que le parquet apporte des preuves. Le parquet indique que l’adjudant avait un rôle de recueil et devrait exfiltrer les autorités en cas de  danger ou de situation anormale. Comment donc peut-on enlever les autorités sans que l’adjudant n’ait pu les exfiltrer ? « J’étais dans une salle d’attente et me reposais, je n’ai pas vu venir les « enleveurs », réagit l’accusé.

« Savez-vous ceux qui ont enlevé les autorités ? » Non, répond l’adjudant qui précise qu’on les a enfermés, lui et ses camarades. Pour son conseil, Me Aouba, l’adjudant a été pour comprendre ce qui se passait, mais n’est pas allé à une réunion de concertation. Elle a demandé qu’on se focalise sur les pièces, les preuves versées au dossier.  L’avocat de la partie civile, Me Prosper Farama,  a posé une série de questions à l’accusé.

– Pourquoi vous a-t-on désarmé et enfermé ? « Je ne peux pas répondre à cette question », dit-il.

– Celui qui vous désarme et vous enferme est-il un ami ou un adversaire ? « Je ne peux répondre », dit l’accusé.

– Quand la personne que vous protégez est enlevée, la situation est-elle dangereuse ou pas ? « Ceux qui l’ont enlevée savent ce qu’il y a », répond l’adjudant.

– Si les djihadistes avaient enlevé le président du Faso et s’étaient retirés dans une maison, seriez-vous allé vous renseigner ? « Je n’ai pas de commentaire », annonce-t-il.

Et Me Awa Savadogo de demander à l’adjudant : « Votre mission première était de veiller à la sécurité du président Michel Kafando. Pourquoi avoir accepté d’escorter le Général Diendéré » ? En réponse, l’adjudant dit qu’il n’avait pas le choix et que l’avocate aurait  fait comme lui, à sa place. L’avocate observe que malgré le danger que représentait la situation, l’adjudant est allé se jeter dans la gueule du loup, ce qui est une complicité, selon elle. A cela, Me Zaliatou Aouba réagit, en rappelant que la loi  dit qu’on fonde les décisions sur des preuves contradictoirement discutées à l’audience, précisant qu’une opinion ne peut être prise pour preuve dans un procès pénal. Son client, à ses dires, est allé à l’information puisqu’il ignorait  que les ravisseurs étaient là où il est allé. Dès lors qu’il a trouvé sa hiérarchie sur place, il est déchargé et sa responsabilité n’est plus engagée, selon l’avocate. L’avocat de la partie civile, Me Ali Neya, estime que l’intime conviction, le comportement, l’attitude et les déclarations contradictoires peuvent être des faits sur lesquels les décisions de justice peuvent se fonder. Les pièces probantes sont convoquées en sus si l’on fonde les décisions sur l’intime conviction au pénal, a  souligné le Conseil de l’accusé, Me Aouba. Me Alexandre Sandouidi, avocat de la défense, demande qu’on tienne compte des précédents et des antécédents,  dans l’appréciation des faits. Pour lui, c’est ce  qui est dit devant le tribunal qu’il faut considérer et fonder l’intime conviction  sur les preuves contradictoirement discutées. Et Me Dieudonné Bonkoungou de renchérir en disant que ce qui s’est passé est la suite logique de ce qui n’a jamais été normal dans un Etat de droit. Le parquet estime que l’attentat ayant débouché sur des morts, des blessés, l’adjudant en est responsable, conformément à l’article 67 du Code pénal. Me Aouba n’est pas de cet avis ; elle soutient que la loi est bien faite et celui qui l’invoque doit montrer en quoi elle est applicable. En quoi l’article 67 peut-il trouver application ici ? L’adjudant n’avait pas la possibilité de faire autre chose en étant affecté à la sécurité du Général,  à son avis. On ne peut pas dire qu’en étant à la sécurité du Général, cela a  pu être la conséquence des meurtres.  Et de demander au parquet de prouver le contraire. Michel Birba a reconnu ce qui est consigné dans le procès-verbal d’interrogatoire au fond. Les ordres s’exécutent sans murmure ni hésitation et il n’y a pas d’armée sans discipline, a rappelé l’avocate Aouba.  Pourquoi vouloir que son client Birba réfléchisse, quand il a été commis à la sécurité du Général ? Réagissant aux propos de Me Alexandre Sandouidi, Me Farama a indiqué qu’il n’est pas normal qu’un colonel ou un Général pense à prendre le pouvoir et il n’est pas noble de faire un coup d’Etat. Me  N’Dorimana, lui, indique que l’action publique s’éteint par la mort de l’accusé. Le RSP est mort, sinon c’est lui qui aurait dû répondre, à son avis. A la suite de l’adjudant Birba, c’est le caporal Pascal Moukoro qui a été appelé à la barre, pour répondre des mêmes chefs d’accusation que l’adjudant. Ce jeune célibataire sans enfant, né en 1991 dans le Tuy, en réponse au président du tribunal sur les faits, dit, d’une voix frêle, ne pas les reconnaître. Il raconte que c’est le major Badiel qui l’a appelé pour qu’il prenne faction devant la présidence. Il était en tenue civile. Arrivé,  une tenue militaire  avec des chaussures qui ne lui allaient pas lui ont été remises.  Il dit avoir enlevé le grade de « soldat de 1re classe » que portait la tenue. Il est embarqué ensuite par le sergent-chef Ali Sanou jusqu’au parking où il est descendu pendant que le sergent-chef prenait les armes aux éléments de sécurité au parking. Il confie avoir dit aux éléments ceci : « ne vous inquiétez pas, ça va aller ». Des armes remises ensuite au major qui a maintenu le caporal  en  faction. C’est de retour à la maison qu’il apprend à la radio que l’ex-RSP a fait une tentative de coup d’Etat.  L’audience a été suspendue autour de 13h pour reprendre à 14h 30mn. L’audience suspendue à 13h, a repris à 14h 30mn. Et le caporal Pascal Moukoro a été rappelé à la barre pour la poursuite de son interrogatoire. Et le procureur de demander au caporal si c’était à refaire ; « je n’allais jamais le faire », répond l’inculpé. A travers les déclarations à la barre du caporal Pascal Moukoro, le parquet militaire fait la remarque qu’il « est l’un des accusés qui sont restés constants dans leurs déclarations ». Toujours est-il que le caporal note que le 17 septembre 2015, il s’est rendu chez le colonel Céleste Coulibaly, en compagnie d’autres éléments, en vue de disperser des manifestants qui voulaient incendier la maison. Mais à leur arrivée, dit-il, d’autres militaires avaient déjà dispersé les manifestants. « Et pourtant, vous avez dit que c’est vous qui avez dispersé les manifestants », observe le parquet militaire qui poursuit : « Avez-vous réintégré votre arme ? » « Non. Je suis allé trouver qu’il n’y avait pas de magasinier ». « Pourquoi n’avoir pas remis votre arme à la gendarmerie ? », poursuit le parquet. « Je ne peux pas donner mon arme à la gendarmerie parce que ce n’est pas elle qui m’a doté », réplique le caporal Pascal Moukoro. Quant au conseil de l’inculpé, Pascal Ouédraogo, il estime que son client n’était au courant de rien et qu’il a reçu des ordres auxquels il ne peut se soustraire. Ce qui ne veut pas dire qu’il est coupable. Comme pour jeter des fleurs au caporal, Me Séraphin Somé, avocat de la partie civile, félicite l’inculpé parce qu’il note « avec beaucoup de satisfaction que l’inculpé est cohérent dans ses déclarations ». « Merci parce que vous nous avez aidés à comprendre comment les choses se sont passées », lance-t-il à l’accusé. Après cette intervention, le caporal s’est soumis à d’autres questions des avocats. Après cet épisode, le juge interroge le caporal   relativement au fait de « meurtre concernant 13 personnes et de coups et blessures sur 42 personnes ». « Je ne reconnais pas les faits », répond le caporal qui déclare que « c’est à la radio qu’il a appris qu’il y a eu des morts et des blessés ». En réponse au parquet qui veut lui faire comprendre que les morts et blessés sont une conséquence du coup d’Etat,   le caporal interpelle par rapport aux 13 morts et aux 42 blessés : « Est-ce que moi seul je peux tuer ou blesser tous ces gens-là ? ».  Et le parquet de faire comprendre que ce genre d’infraction est ce qu’on appelle « infraction de masse » parce que « c’est la conséquence prévisible du coup  d’Etat et comme le caporal Moukoro est impliqué dans le coup d’Etat, il est aussi responsable de la mort des manifestants ». Une observation qui fait réagir l’avocat de l’inculpé : « Nous ne sommes pas auteur de l’attentat à la sûreté de l’Etat. Nous étions face à une situation et pour nous en sortir, nous avons navigué comme nous pouvions ». Avant d’aller rejoindre le box des accusés, comme ultime message, le caporal dit ceci : « Je présente mes condoléances aux familles éplorées et je souhaite prompt rétablissement aux blessés. Je ne souhaite plus qu’une telle chose arrive à ce pays ». Après le caporal Pascal Moukoro, c’est au tour du sergent-chef Mahamoudou Bouda,  âgé de 38 ans, décoré de la médaille commémorative agrafe Mali,  de venir à la barre. On lui reproche de s’être rendu coupable d’« attentat à la sûreté de l’Etat,  meurtre, coups et blessures volontaires, dégradation et destruction volontaire de biens ». Le sergent-chef Mahamoudou Bouda répond : « Je ne reconnais pas les faits ». Il explique : « Le 15 septembre, je suis descendu de garde et on nous avait dit de rester à l’écoute parce que le président Kafando devait voyager. Je suis allé sur mon chantier. Et j’ai reçu un appel de l’adjudant Nion, me disant de venir au palais. Quand je suis arrivé, j’ai trouvé qu’il était avec le major Badiel. J’étais tout seul et je n’étais pas en tenue. Il m’a dit : « tu vas à la résidence, tu cherches une pièce, on va arrêter des gens pour te les amener ».

Malgré la diarrhée …

 

 J’ai pris les clés et je suis allé ouvrir une salle qui sert de dortoir à la sécurité du Président. Il y avait des tenues dans la salle. J’ai pris une que j’ai portée. Il y avait le grade de première classe sur la tenue. Je l’ai enlevé et mis dans ma poche. J’ai ensuite cherché des chaussures mais les rangers qui étaient dans la salle n’étaient pas à ma pointure. Par finir, je me suis rabattu sur des madres. C’est ainsi que je me suis mis à chercher une pièce. Quand j’ai trouvé la pièce, j’ai attendu. Et à un moment donné, j’ai entendu ; « Bouda, prends ! ». Je n’ai pas pu savoir qui l’a dit. Je tremblais parce qu’on venait de me remettre les autorités de la Transition. J’étais sans armes et tout débraillé. Je les ai installées dans la salle où la climatisation marchait. Après, j’ai trouvé Zouré avec le ministre Bagoro. Et il a enlevé la cravate du ministre Bagoro pour la mettre dans son sac. C’est à ce moment que je lui ai dit de temporiser. Et Zouré,  soldat de deuxième classe, m’a dit que si je m’amuse, il va nous mettre dans le même sac. Avec les menaces de Zouré, j’ai compris qu’il fallait que je me trouve une arme. J’ai donc retiré l’arme d’un soldat. La première nuit, les otages n’ont pas mangé. Nous aussi, nous n’avons pas mangé. Le 17 matin, j’ai fait le tour pour m’enquérir de l’état de santé de tout le monde. Prétextant l’achat de cigarettes, je suis allé payer des effets de toilette pour les autorités de la Transition. Je n’étais pas pour, mais je ne pouvais pas fuir. J’ai même dit aux autorités de nous comprendre parce que nous sommes tous embarqués dedans.

 

« (…) vous prenez l’argent du contribuable pour aller dormir en Europe »

 

Après, le major m’a dit de confier les otages à mon adjoint et de prendre un véhicule avec Badoum pour aller voir le capitaine Dao. Celui-ci nous a dit d’aller voir le colonel  Deka Mahamoudou. Celui-ci nous a dit d’aller voir le directeur général de l’ARCEP. Sur   place, nous avons trouvé les éléments de la police qui gardent les lieux ; ils nous ont dit que le directeur général n’était pas encore venu. On a attendu et au bout de 15 minutes, il était là et nous a dit qu’il paraît qu’il y a une radio fictive qui émet sur 108.0. Le directeur général a appelé l’un de ses techniciens, mais il a dit qu’il ne pouvait pas venir à cause des barrières. On nous a dit d’aller chercher le technicien, en question, qui se trouvait être monsieur Yao. Il nous a donné rendez-vous au maquis « la queen », l’ancienne Ouagalaise. Arrivé au niveau du maquis, monsieur Yao nous a fait savoir qu’il a la diarrhée. Nous avons rendu compte. Mais après, nous sommes repartis avec le DG chercher monsieur Yao, mais on n’a pas pu parce que la communication s’est coupée. Mais finalement, Yao est venu. Et il se trouvait que l’appareil qui devait être utilisé, devait être monté sur un véhicule. Mais monsieur Yao a dit qu’il a appris le montage de l’appareil de façon théorique, donc qu’il ne pouvait pas le faire. Il a fallu qu’on appelle son co-stagiaire pour qu’il l’aide, au téléphone, à monter l’appareil. Après avoir fini de monter l’appareil, j’étais un peu remonté contre lui parce qu’il nous a fait beaucoup tourner. C’est pourquoi je lui ai dit : « monsieur Yao, vous connaissez le travail et vous êtes en train de nous faire subir. Si c’est ainsi, c’est que vous prenez l’argent du contribuable pour aller dormir en Europe ». Etant militaire, je ne peux pas comprendre que ses chefs soient là et qu’ils ne puissent pas faire le travail. Nous avions reçu des instructions que même si c’est la nuit, il faut qu’on retrouve la radio. Et après avoir fait le tour de la ville, on a localisé la radio, à Savane FM. C’est ce jour que j’ai su où se trouvait la radio, malgré que c’est elle qui diffuse mon émission préférée. Nous avons appelé pour demander du renfort et j’ai dit à mon chef qu’il paraît que Koussoubé était en route. Mais mon chef m’a dit qu’il ne voulait pas de Koussoubé et c’est juste à ce moment que le sergent-chef Koussoubé est arrivé sur les lieux. J’étais obligé de baisser la voix pour qu’il ne m’entende pas. On a ouvert le portail et on a  trouvé le gardien qui dormait. Quand on l’a réveillé, il a voulu fuir mais on lui a dit de ne pas fuir et on lui a demandé d’ouvrir la porte de la maison dans laquelle la radio émettait. Mais le gardien nous a fait savoir qu’il n’a pas les clés. A ce moment, les jeunes ont proposé de lancer une roquette mais j’ai dit non, parce qu’il y avait des habitations riveraines. On a alors cassé la porte et les techniciens de l’ARCEP sont entrés enlever la clé USB et débrancher les fils. Et la radio a cessé d’émettre.  On a pris le matériel et les jeunes ont ramassé le reste des appareils. Je leur ai dit de les poser à la porte et d’attendre les policiers pour le constat, mais ils ont refusé et ont mis le matériel dans la voiture de Koussoubé. Mais nous, nous sommes allés à l’Etat-major pour déposer ce que nous avions pris comme matériel ; tandis que Koussoubé est allé au camp où il dit avoir déposé le reste du matériel à la Transmission du corps. Les autorités ont commencé à être libérées le 17 soir ». Après la version des faits du sergent-chef, le parquet relève que les faits exposés par Bouda ne  s’écartent pas de ce qu’il a dit devant le juge d’instruction. Pour ce faire, il estime qu’il est « un bon père de famille ». Mais le procureur veut savoir pourquoi c’est lui Bouda qui a été choisi pour trouver le local et garder les prisonniers. « Dieu seul sait pourquoi on m’a désigné », répond l’inculpé. Et le procureur de faire comprendre que le major Badiel a dit qu’il a voulu composer avec des gens expérimentés et qui connaissent bien la résidence. Toute chose qui justifie le choix de Bouda qui était le garde du corps de la fille du président Compaoré.  La séance a été levée à 17h.

 

« Je raconte du vécu  avec vérité »

 

L’audition du sergent-chef Bouda s’est poursuivie le 21 juillet 2018. A la question de savoir si le coup d’Etat était préparé ou improvisé, le sergent-chef dit ne rien en savoir. A la radio Savane FM où il a été avec ses éléments, le capitaine Dao l’a appelé pour lui dire qu’il allait voir avec le major Badiel et lui envoyer du renfort, confie Bouda à la barre. Il  indique que tous les agents de l’ARCEP qui avaient été pris pour aider à localiser la radio qui émettait, ont été déposés individuellement chez eux. Le matériel qui a été pris,  a ensuite été remis au Colonel Mahamadi Deka qui les a félicités, lui et ses éléments. Il confie à la barre que les gendarmes qui l’ont arrêté, le traitait de rebelle. Il dit avoir signé le procès-verbal d’audition sans l’avoir lu, parce qu’on ne lui en a pas laissé le temps. Le conseil de l’accusé, Me Timothée Zongo, prenant la parole, fait savoir que son client ne calcule pas pour répondre. Il indique, à l’endroit du parquet qui invoque l’article 67 du Code pénal qui rend responsable des conséquences prévisibles d’un acte et suivant, que les morts n’étaient pas prévus dans le coup d’Etat qui s’est déroulé sans coup de feu. Pour lui, la mort n’est pas la conséquence prévisible du putsch et  le sergent-chef Bouda s’est retrouvé à son corps défendant dans les évènements. Il a agi en bon père de famille, dit-il, en payant du matériel de toilette pour ceux qui ont été mis aux arrêts, a refusé que les jeunes soldats fassent usage de  roquettes. L’accusé a présenté ses condoléances aux familles des victimes, souhaité prompt rétablissement aux blessés et demandé le nécessaire pardon et la compréhension pour eux qui exécutaient des ordres.  Après lui, l’adjudant Ardjouma Kambou, né en 1976, père de 2 enfants, décoré de la médaille militaire et de la médaille commémorative, agrafe Mali, est poursuivi pour complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, meurtre, coups et blessures volontaires.  A la barre, l’accusé qui était sergent-chef au moment des faits, dit ne pas reconnaître les faits qui lui sont reprochés. Il confie qu’il était de repos le 16 septembre 2015 et a appris à la radio et aussi par l’appel téléphonique d’un ami à 16h, l’arrestation des autorités de la Transition. Il rentre chez lui, appelle celui qu’il devait aller relayer au téléphone, lequel lui dit d’aller se mettre en tenue militaire et de rejoindre le camp. Il y arrive autour de 18h pour s’informer et l’adjudant-chef  Méda lui dit d’aller voir le major Badiel, selon sa déclaration. Il voit le major à la porte de la présidence et celui-ci lui dit d’aller voir Roger Koussoubé.  C’est au Poste de commandement qu’il s’est vu obligé d’embarquer pour aller chercher le Général Diendéré à domicile. Il raconte son emploi du temps des 17 et 18 septembre 2015 à la barre, à la demande du tribunal. Il confie qu’à la sécurité de Diendéré, il recevait les ordres de l’adjudant-chef Moussa Nébié dit Rambo qui était le chef d’escorte. Il indique qu’il a été à l’hôtel Laïco, à l’aéroport et chez le Moro Naaba avant de quitter l’escorte du Général. « Dans quelles circonstances ? », lui demande le président du tribunal.  Quand l’escorte du Général Diendéré retournait à la présidence, l’adjudant Kambou dévie et quitter le cortège avec son véhicule au niveau de la Patte d’oie. Arrivé à la présidence, confie-t-il, il informe Rambo qu’il quitte le cortège et appelle le major Badiel pour l’en informer avant d’aller au camp. Le quartier était consigné, dit-il, je me débrouillais les nuits. Que savez-vous de l’incendie du domicile de Simon Compaoré ? A cette question du tribunal, l’adjudant Kambou dit l’avoir appris comme tout le monde. Le parquet militaire indique que l’adjudant Kambou est resté  constant dans ses déclarations. « J’exécute l’ordre quand il est légal et ne l’exécute pas quand il est illégal. Ici, chacun porte sa croix », dit-il à la barre. Le parquet a voulu savoir pourquoi Kambou s’est rendu spontanément à la présidence après avoir appris l’arrestation des autorités.   « Le RSP, c’est mon service qui a arrêté le Conseil des ministres. Donc, je suis allé voir pour m’imprégner », répond-il, indiquant que le président Kafando est son beau, puisque l’épouse du président Kafando est sa tante. Pourquoi vous a-t-on affecté à la garde du Général Diendéré ? En réponse, il dit qu’il est compétent mais ce n’est pas pour cela qu’on l’a chargé mais parce qu’on lui a rapporté que Rambo  avait dit de le mettre en tête de cortège pour avoir l’œil sur lui. La confiance était rompue entre Rambo et lui, dit-il, parce que le comportement de ce supérieur n’était pas ça. A la question de savoir si ce n’est pas parce qu’il est le neveu de la femme du président qu’on ne lui faisait pas confiance, l’adjudant répond par l’affirmative. Répondant au parquet, il précise qu’il est du groupement de l’unité spéciale. Etiez-vous professionnellement obligé d’aller à la présidence alors que le président du Faso était mis aux arrêts ? Réponse de l’adjudant Kambou : militairement, quand il y a quelque chose, tu dois aller voir, sauf si tu es malade. Et je ne savais pas que les autorités étaient aux arrêts, ajoute-t-il. Il rappelle que lorsque, ce jour, il est arrivé à la présidence, chaque fois qu’il a demandé ce qui se passait, on ne lui a pas répondu mais on lui a donné plutôt des consignes. « La prise du pouvoir par le CND  était-elle légale ? », lui demande le parquet. « Je ne peux pas juger mes chefs », dit-il en réponse. Avez-vous aidé ou pas le coup d’Etat ? « Je ne vois pas d’aide ici ; j’ai escorté un chef militaire », dit l’adjudant. Pour le parquet, l’adjudant aurait  pu quitter l’affaire dès lors qu’il a dit à Rambo qu’il quittait l’escorte. Il ne l’a pas fait, ce qui, selon le parquet, est signe de soutien au putsch. L’adjudant, répondant à une question du parquet, confie que l’arrestation des autorités n’était pas normale et lui, il a exécuté des ordres de sa hiérarchie. Il ajoute avoir quitté l’escorte du Général par stratégie. Pour Me Idrissa Badini, son client décrit les choses telles qu’il les a vécues et dit ce qu’il n’a pas fait. L’avocat estime que les gens ont été embarqués dans le coup sans savoir ce qu’il y a. Pour Me Neya, avocat de la partie civile, l’adjudant savait ce qu’il faisait et avait une claire conscience des choses. Avant qu’il ne se désolidarise, il a participé à l’entreprise criminelle, selon lui. A la fin de son audition, l’adjudant a présenté ses condoléances aux familles des victimes et souhaité prompt rétablissement aux blessés.

 

Françoise DEMBELE et Lonsani SANOGO

 

 


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