HomeA la unePROCES D’UN RAPPEUR DE « Y EN A MARRE » AU SENEGAL Quand un « fou malade » dérange la cour royale

PROCES D’UN RAPPEUR DE « Y EN A MARRE » AU SENEGAL Quand un « fou malade » dérange la cour royale


Six mois de prison ferme ! C’est la peine que le ministère public avait requise contre un rappeur sénégalais. Malal Talla, connu sous le sobriquet de « Fou malade », est accusé d’avoir tenu des « propos outrageants » envers les policiers de Thiaroye-Guinaw Rail et de Yeumbeul, en alléguant des rackets de leur part. C’était lors de la cérémonie de lancement de la 27e Semaine nationale de mobilisation et de sensibilisation sur les drogues, à laquelle prenaient part le ministre de l’Intérieur, Abdoulaye Daouda Diallo et le directeur général de la police nationale sénégalaise, Anna Seinou Faye.

 

Comment poursuivre un citoyen qui a eu le mérite de dire haut ce que pensent bas les autres ?

 

On ne se croirait pas au Sénégal, connu pour être un pays de démocratie où la liberté d’expression est la chose la mieux partagée. C’eût été dans une république bananière que l’on n’aurait pas trouvé à redire ; mais dans un pays comme le Sénégal qui, en la matière, a toujours montré la voie à suivre à bien des pays africains, il y a lieu de s’en inquiéter ; tant on a l’impression que ce pays a opéré un grand recul. Car, comment poursuivre un citoyen qui a eu le mérite de dire haut ce que pensent bas les autres, et qui plus est, est connu pour n’avoir pas sa langue dans sa poche ? N’est-ce pas pour cela d’ailleurs qu’on l’a surnommé Fou Malade ? Plutôt que de s’acharner outre mesure sur le pauvre rappeur, la police sénégalaise aurait été mieux inspirée si elle avait diligenté une enquête pour savoir si certains de ses éléments se sont oui ou non rendus coupables d’exactions aux fins de rackets. C’était là une belle occasion pour mettre de l’ordre dans ses rangs. Car en fait de rackets ou de corruption, Dieu seul sait ce qui se passe entre les forces de l’ordre et les citoyens sur le terrain, notamment dans le cadre de la lutte contre la drogue dont il était question. Des connexions illicites, il y en a très probablement si fait qu’il serait utopique de croire que l’on pourrait un jour enrayer le phénomène de la corruption.

 

En décidant de relaxer le rappeur, le tribunal reconnaît que ses propos n’ont rien d’outrageant

 

Et le rappeur sénégalais ne dit pas autre chose, lorsqu’en battant sa coulpe, il indique que son intention n’était pas de vexer qui que ce soit, mais d’attirer l’attention des premiers responsables de la police sur le phénomène des rackets ; surtout qu’il avait en face de lui le ministre de l’Intérieur et le directeur général de la police. Du reste, n’est-ce pas au nom de l’aura dont il jouit que le Fou Malade a été invité à prendre la parole lors de la cérémonie de lancement de la 27e semaine nationale de mobilisation et de sensibilisation sur les drogues ? Qui l’y avait invité ? Pourquoi lui avait-on donné la parole ? Autant de questions que l’on peut se poser. A vrai dire, tout se passe comme si les autorités sénégalaises attendaient la moindre occasion pour tomber à bras raccourcis sur le Mouvement « Y en a marre » qui, rappelons-le, a toujours répondu présent dans tous les combats qu’ont menés et mènent les démocrates de son pays. Le Mouvement « Y en a marre » dont « Fou Malade » est un membre actif a été pour quelque chose dans l’avènement du président Macky Sall au pouvoir en obligeant le président Abdoulaye Wade à renoncer à son projet de succession dynastique. S’agit-il d’un message fort envoyé au Mouvement ? Une chose est certaine. Fou Malade dérange la cour royale qui a manifestement voulu le réduire au silence ; oubliant que ce n’est pas en cassant le thermomètre que l’on fait baisser la fièvre. Le problème est ailleurs. La police sénégalaise est-elle oui ou non corrompue ? La question demeure posée et il faudra tôt ou tard y répondre. Cela d’autant que le rappeur a fait sa déclaration en présence de bailleurs de fonds qui ont l’occasion de mieux comprendre avant de délier le cordon de la bourse. Et en décidant de relaxer le rappeur, le tribunal reconnaît que les propos tenus à l’encontre de la police n’ont rien d’outrageant, mais traduisent bien une réalité. Et c’est tant mieux.

 

Boundi OUOBA


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