HomeA la unePROCES DE JEAN-PIERRE BEMBA A LA CPI : De quoi faire trembler les seigneurs de guerre

PROCES DE JEAN-PIERRE BEMBA A LA CPI : De quoi faire trembler les seigneurs de guerre


Les réquisitoires et la plaidoirie ont repris   le 13 novembre dernier à La Haye (Pays Bas), où se déroule le procès de Jean-Pierre Bemba. Détenu depuis juillet 2008, l’ancien vice-président congolais est convoqué à nouveau par la Cour pénale internationale (CPI). Il est accusé de crimes contre l’humanité et crimes de guerre en République centrafricaine (RCA) en 2002 et 2003.

 Ce procès retient l’attention en raison de sa valeur pédagogique

Hier, l’accusation est revenue en détails sur les atrocités décrites par les victimes centrafricaines, insistant notamment sur le recours aux crimes sexuels comme armes de guerre. Les troupes du MLC (Mouvement de libération du Congo), s’étaient rendues en Centrafrique pour aider le président de l’époque, Feu Ange-Félix Patassé, à combattre un soulèvement rebelle. D’après les témoins de la défense, ces troupes étaient passées sous le commandement des autorités centrafricaines. Pour la défense, depuis la République démocratique du Congo (RDC) où il était basé, Jean-Pierre Bemba ne pouvait pas être au courant de tous les mouvements de ses soldats en Centrafrique, encore moins les commander.

Mais, le représentant du bureau du procureur est ferme : « Vous ne trouverez pas un cas où un supérieur avait plus de pouvoir et d’autorité que Jean-Pierre Bemba. Il contrôlait tout, il intervenait à propos de tout, il décidait de tout », soutient Jean-Jacques Badibanga. Selon lui, « la responsabilité de Jean-Pierre Bemba pour les crimes perpétrés par ses forces en République centrafricaine, est un cas d’école. Il s’agit, en fait, d’un exemple type de responsabilités du supérieur hiérarchique ». L’argumentaire de l’équipe du procureur vise à créer jurisprudence en la matière. Si Jean-Pierre Bemba était reconnu coupable, il serait ainsi le premier dirigeant d’un groupe rebelle à être condamné pour n’avoir pas empêché les exactions de ses soldats dans un pays tiers. L’accusation voudrait aussi prouver que Jean-Pierre Bemba et non Feu Ange-Félix Patassé, tenait le commandement des troupes sur le sol centrafricain, durant la guerre.

Ce procès retient donc l’attention en raison de sa valeur pédagogique. Il est d’autant plus important, que des individus de la sous-région continuent de commettre des exactions du même genre. Il faut dissuader tous ces apprentis sorciers qui écument la région, depuis des lustres. Mais, Bemba est-il seul responsable ? En tout cas, il pourrait payer cher, pour n’avoir pas su gérer son intrusion sur la scène politique centrafricaine, et pour l’irruption de ses hommes dans un pays mal gouverné. Il est vrai que l’ancien président Patassé avait eu, à un moment donné, les faveurs des Centrafricains. Mais il s’était, par la suite, illustré négativement par une gouvernance des plus approximatives. Bemba va devoir payer pour avoir voulu défendre certes un régime démocratiquement élu, mais qui s’est ensuite fourvoyé. Sollicité par le défunt Chef de l’Etat centrafricain, le seigneur de guerre congolais n’en demeure pas moins le responsable politique et  militaire des faits et gestes de ses hommes. Ces derniers se seront amusés à dicter leur loi à des populations livrées à elles-mêmes. Sous sa gouverne, des hommes du MLC ont violé massivement des femmes de la RCA, pillé le pays et massacré les populations. Jean-Pierre Bemba est pénalement et moralement responsable de ces exactions. On finit toujours par payer pour les crimes commis. Les victimes ? Elles ont droit à la réparation

Après les honneurs, c’est à présent la déchéance

Héritier d’un père immensément riche, Jean- Pierre Bemba aurait pu pourtant poursuivre tranquillement sa carrière dans les affaires, tant il était prospère ! L’homme semblait aussi avoir un avenir politique tout tracé. Rival potentiel du président Joseph Kabila de la RD Congo, son virage en politique ne lui aura pas porté chance. Probablement victime de l’appât du gain, il passe aujourd’hui pour un délinquant à col blanc. Bemba comme Kabila, tous deux auront finalement failli. Plutôt que d’œuvrer à redonner espoir à la jeunesse congolaise, ils auront contribué activement à la détruire. L’un, au moyen d’actions politiques sans vision et inadéquates. L’autre, en exploitant l’ignorance, la naïveté et la cupidité des uns et des autres pour assouvir des desseins inavoués. Un dénominateur commun  : aucun des deux n’aime vraiment les peuples africains. Raison pour laquelle ils auront laissé des traces indélébiles dans l’histoire du Congo aussi bien que dans celle de la RCA.

En jugeant le seigneur de guerre Jean-Pierre Bemba, la Cour pénale internationale (CPI) conforte à nouveau sa position dans le cœur des Africains. Une véritable bouée de sauvetage pour nos populations qui triment, mais vivent dans un contexte de non-droit. Le citoyen lambda souffre des lacunes de cette justice aux ordres du pouvoir dans la plupart de nos pays. Le laxisme, la corruption et la cupidité font que rares sont les dossiers qui sont initiés ou qui aboutissent. L’impunité règne en maîtresse, à tel point que désespéré, le justiciable se tourne de plus en plus vers le Tribunal pénal international. Celui-ci doit s’organiser en conséquence, et redoubler d’efforts pour épingler et juger les bourreaux des victimes de la mal gouvernance et des seigneurs de guerre.  Pour ces derniers, l’heure semble avoir bien sonné. Les Joseph Koni et autres ne perdent rien pour attendre.   La CPI est comme une aubaine pour l’Afrique qui a trop longtemps souffert des dérives totalitaires des princes régnants et des exactions des seigneurs de guerre.

Homme d’affaires prospère, Jean-Pierre Bemba se sera révélé, en tout cas, piètre acteur politique. Après les honneurs en politique, c’est à présent la déchéance. Pour n’avoir pas  empêché ses hommes de se livrer à des exactions en terre centrafricaine, il est moralement et pénalement responsable de leurs actes délictueux. Ce procès pourrait éclabousser nombre d’acteurs politiques et économiques de la région, car Jean-Pierre Bemba a pu agir en complicité avec d’autres personnes. Il pourrait aussi traîner en longueur, l’homme étant pour l’instant poursuivi pour des délits commis en RCA. Mais, il se pourrait bien qu’il réponde d’autres actes commis en RD Congo.

« Le Pays »


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