HomeA la unePROCLAMATION D’UN CALIFAT AU NIGERIA :L’Etat fédéral menacé dans son existence

PROCLAMATION D’UN CALIFAT AU NIGERIA :L’Etat fédéral menacé dans son existence


Boko Haram, la secte islamiste qui sévit au Nigeria, est en ce moment en position de force. C’est une évidence, au regard de l’évolution de la situation. On constate, en effet, que ce mouvement qui était dans la guérilla, a conquis désormais de nombreuses localités dans le nord-est du pays, mettant en déroute les forces de défense et de sécurité du Nigeria. Dernier haut fait d’armes de ces « illuminés » : la proclamation d’un califat islamique dont ferait partie la ville de Gwoza, justement dans le nord-est du pays, tombée entre leurs mains. Par cette proclamation, la bande à Abubakar Shekau entend faire savoir qu’elle marche sur les traces de l’Etat Islamique en Irak et au Levant (EIIL), devenu Etat islamique (EI), qui s’illustre par sa cruauté et sa barbarie en Irak et en Syrie.

 

On peut s’étonner du quasi- silence des autorités civiles nigérianes

 

Cette montée en puissance de Boko Haram intervient alors que 35 policiers sont portés disparus, suite à une attaque des islamistes contre un centre d’entraînement de la police. En l’absence d’indices sur ce que sont devenus ces policiers, on se perd en conjectures. D’aucuns en viennent même à se dire que dans la mesure où plus rien ne marche comme il se doit au Nigeria en matière de sécurité, ces policiers ont peut-être pris fait et cause pour Boko Haram, en le rejoignant avec armes et bagages. Et ce ne serait pas absurde de le penser. Dans ce Nigeria où les forces de défense et de sécurité sont visiblement laissées à elles-mêmes sur le terrain, sans logistique adéquate et où Boko Haram fait un véritable pied de nez à l’Etat, des défections et ralliements du genre ne seraient pas vraiment une surprise. Mais il faut espérer que ce ne soit pas le cas.

En tout cas, l’armée rejette le califat proclamé par Boko Haram. C’est déjà bien de réagir par une déclaration, mais la meilleure réaction militaire devait se faire sur le terrain. L’armée n’a jamais su faire montre d’une bonne organisation à l’effet de combattre Boko Haram, ou de le réduire au moins à sa plus simple expression. Elle a jusque-là fait preuve d’une incapacité et d’une mollesse à couper le souffle. Du reste, si on peut comprendre le rejet du califat par l’armée nigériane, on ne peut pas ne pas s’étonner du quasi- silence des autorités civiles nigérianes, comme si cette proclamation leur convenait ou comme si la dénonciation de cette bravade ne devait venir que des forces armées. De toute évidence, la faillite des autorités nigérianes s’étale encore plus au grand jour. Aujourd’hui, il est plus question des hauts faits de guerre des hommes d’Abubakar Shekau que d’un quelconque mérite de l’exécutif de Goodluck Jonathan. Cet exécutif s’est montré incapable jusque-là de juguler même les problèmes de complicités au plus haut sommet de l’Etat avec Boko Haram, en travaillant à démasquer et à traquer ces ennemis de l’Etat.

Parlant d’Etat, on en vient à se demander si le problème du Nigeria ne tire pas certaines de ses origines de sa forme fédérale. La fédération qui est un moyen de mutualiser les énergies et les efforts de plusieurs micro-Etats, il faut en convenir, est une bonne chose. C’est ce qui manque du reste à l’Afrique dans son ensemble. Mais pour qu’elle réussisse, il faut que les différents Etats aient une envie réelle de partager un destin commun, malgré les diversités qui ne devraient pas être de nature à remettre en cause les bases de l’Union.

 

Boko Haram risque de se métastaser dans toute la région

 

Hélas, au Nigeria, on a visiblement l’impression que cette approche fédérale est une erreur historique, en ce sens qu’on a envie de croire que les Nigérians ont voulu copier le modèle des Etats-Unis d’Amérique, sans avoir au préalable acquis le bon ciment qui puisse faire en sorte que les différents Etats de la fédération, comme les briques d’une maison, adhèrent correctement les unes aux autres pour ne former qu’un seul bloc. Toujours est-il que le fait qu’il y ait des disparités substantielles entre les Etats fédérés du Nigeria dont certains pratiquent, par exemple, la charia et d’autres pas, offre un terrain propice aux partisans de la désagrégation de l’Etat. De toute façon, les velléités sécessionnistes de certains de ces Etats n’ont jamais été un mystère, depuis l’accession de ce pays à l’indépendance. A présent, l’Etat fédéral est sérieusement menacé et risque de voler en éclats, si les autorités ne relèvent pas de toute urgence le défi de la reconquête des localités détenues par Boko Haram.

Il faut dire qu’avec la pression des services de renseignements et de sécurité occidentaux sur les terroristes en Occident, l’Afrique est devenue leur terrain de prédilection. La faiblesse des Etats africains, notamment la pauvreté ambiante, est exploitée à fond par les terroristes qui ont besoin de zones entières pour régner en maîtres absolus, et à partir desquelles ils pourront s’organiser, s’entraîner et aller à l’assaut de tous leurs ennemis dont l’Occident. C’est en cela également que l’échec du Nigeria est l’échec de toute la sous-région ouest-africaine, de l’Union africaine, voire de l’ensemble de la communauté internationale. Jusque-là, entre laxisme et réponse timorée du Nigeria et de l’ensemble de la communauté internationale, Boko Haram continue son petit bonhomme de chemin et risque fort de se métastaser dans toute la région. Au regard surtout du fait que ce califat va attirer certainement des djihadistes du monde entier, sur fond de connexions que ces derniers établiront avec ceux qui écument d’autres zones de tensions dont le Nord-Mali, il y a fort à craindre. La communauté internationale doit, de ce fait, se dépêcher de prendre le taureau par les cornes, de prendre la menace Boko Haram avec tout le sérieux qui sied.

 

« Le Pays »


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