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PROJET DE LOI SUR LE STATUT DES ANCIENS PRESIDENTS


Kabila envisage-t-il enfin l’après-pouvoir ?

Il s’est ouvert, hier, 20 juin, une session extraordinaire au pays de Joseph Kabila. Parmi les points à l’ordre du jour, l’examen et l’adoption du projet de loi sur le statut des anciens chefs d’Etat. La première question que l’on est en droit de se poser est la suivante : pourquoi maintenant ? Cette question est d’autant plus pertinente que le projet existait depuis 2015. En rappel, c’est le sénateur Modeste Mutinga qui l’avait proposé. L’objectif de ce parlementaire était d’éviter la tentation de s’accrocher au pouvoir pour les présidents, à la fin de leurs mandats constitutionnels. Entre 2015 et 2018, cela fait 3 ans que la proposition moisit sur le bureau du sénat. On a fait donc que la sortir des placards pour l’examiner et éventuellement l’adopter. Même si la date reste encore non déterminée, tout porte à croire qu’elle pourrait être imminente. Et pour cause.

Le pouvoir de Kabila vit actuellement un sale temps

L’étau, lentement mais sûrement, est en train de se resserrer autour du président Kabila. De partout, ses envies de s’accrocher au pouvoir sont contrariées. En effet, au plan domestique, l’opposition politique est vent debout pour l’en empêcher. Et le Comité laïc de coordination (CLC), pratiquement depuis un an, s’illustre par des manifestations pour l’en dissuader. A cela, il faut ajouter l’acquittement inattendu de l’un de ses plus farouches opposants, Jean-Pierre Bemba. Le retour de ce dernier au bercail pour porter la dragée haute à l’imposteur, est sérieusement envisagé. La liste de la coalition domestique anti-Kabila peut être complétée par les militants de la lutte pour le changement (Lucha). Deux activistes emblématiques de ce mouvement ont connu des fortunes diverses récemment. Le premier a été victime d’un incendie, dans des circonstances non encore élucidées. Le second, alors qu’il participait aux obsèques de son camarade, a vu son domicile attaqué par des individus non encore identifiés. Et l’on peut prendre le risque de dire que leur engagement pour l’alternance et la démocratie, peut être à l’origine du malheur qui s’est abattu sur eux. Le pouvoir de Kabila vit actuellement un sale temps, du fait de l’engagement courageux et ouvert des Congolais et des Congolaises de l’intérieur à ne pas accepter l’inacceptable. Et à l’international, les choses sont en passe de se gâter pour lui. Car la position de la communauté internationale à son endroit, est sans ambiguïté. Ses voisins rwandais et angolais se sont retrouvés récemment à l’Elysée autour du président Emmanuel Macron, pour évoquer son cas. A tout cela l’on peut ajouter le renoncement annoncé d’un des membres actifs de la confrérie des pouvoiristes, c’est-à-dire, Pierre Nkurunziza. Tous ces faits pourraient avoir contraint Kabila fils à revoir sa copie, en envisageant notamment enfin l’après-pouvoir. Et la meilleure manière de le faire est de faire adopter par le parlement, un projet de loi sur le statut des anciens chefs d’Etat. Et la promptitude avec laquelle la proposition a été remise en selle, pourrait confirmer cette analyse. Si l’intention du dictateur est réellement de se retirer pacifiquement du pouvoir en mettant en place une loi pour sécuriser sa retraite, l’on peut se permettre de dire que c’est le moindre mal pour la démocratie et pour la RDC.

Les dictateurs sont passés maîtres dans l’art de la diversion et de la roublardise

Et sans forcément chercher à lui jeter des fleurs pour cela, l’on peut dire que par-là, il éviterait un scénario-catastrophe à son pays. Et c’est bon à prendre, en espérant que ceux qui vont lui succéder, intègreront dans leur rapport à la démocratie, le principe sacré de l’alternance. Et ce souhait va au-delà du cas congolais. Il concerne pratiquement tous les tenants de la « démocratie bantou ». En effet, le défi de l’alternance reste entier dans presque tous les pays de l’Afrique centrale et de la région des Grands Lacs. Et quelque part, l’on peut dire que c’est l’environnement qui donne des ailes aux tyrans de la zone pour ruser avec la démocratie, sans courir le risque de se faire remonter les brettelles par les voisins. Car, tous ont pêché, et de ce point de vue, chacun peut être gêné aux entournures de jeter la pierre aux autres, pour reprendre les paroles de la Bible. Cela dit, l’on peut se tromper en percevant l’examen et l’adoption annoncés du projet de loi sur le statut des anciens chefs d’Etat, comme un signe de la volonté de Kabila de se retirer des affaires au plus tard en décembre prochain, c’est-à-dire, dans six mois. En effet, les dictateurs sont ainsi faits qu’ils sont passés maîtres dans l’art de la diversion et de la roublardise. De ce point de vue, Joseph Kabila pourrait avoir fait miroiter sa volonté de se retirer pacifiquement du pouvoir pour se donner du répit et du temps pour affûter ses armes en vue de se maintenir au pouvoir. D’ailleurs, c’est cette ruse qui lui a permis d’aller au-delà de ses mandats constitutionnels, pour s’accorder un bonus de deux ans.

« Le Pays »


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