HomeA la unePROTESTATION DE L’OPPOSITION  : Une marée humaine à Ouagadougou, des manifestants gazés

PROTESTATION DE L’OPPOSITION  : Une marée humaine à Ouagadougou, des manifestants gazés


Très attendue, l’historique marche-meeting de l’Opposition politique contre le projet de loi portant modification de l’article 37 de la Constitution a eu lieu le 28 octobre 2014. Comme il fallait s’y attendre, c’est une marée humaine qui a déferlé sur la place de la Nation qui était le point de départ de la marche, pour exiger le retrait immédiat et sans condition du projet de loi portant modification de l’article 37 de la Constitution. Le pari de la marche pacifique semblait gagné, jusqu’à ce que les membres du mouvement « Le Balai citoyen » qui, après la marche, avaient décidé de rester au rond-point des Nations unies, non loin de l’Assemblée nationale, jusqu’au 30 octobre prochain, soient dispersés par la Compagnie républicaine de la sécurité (CRS), causant ainsi des blessés.

 

Du jamais vu ! Une foule extraordinaire, un monde gigantesque, une jeunesse euphorique et déterminée, voilà comment on pouvait qualifier cette marée humaine qui a pris part à cette marche historique de l’Opposition politique tenue le 28 octobre dernier. En effet, alors que la marche était prévue pour 9h00, la place de la Nation était prise d’assaut par les populations dès 5h00 du matin. Et l’installation était de taille, avec une mobilisation  haut de gamme marquée par l’animation d’artistes musiciens engagés de la place comme le duo Sam’s K le Jah et Smockey, Bam Rady, Océan,   etc. Pour une forte mobilisation, c’en était une, car étant à la place de la Nation, personne ne pouvait voir la limite de la marée humaine. Si la place de la Nation était occupée par une foule compacte, c’était le silence radio dans  les quartiers, institutions et « yaars »   de la  ville car boutiques, magasins, bureaux administratifs, tout était hermétiquement fermé.

A la place de la Nation, il était 9h00 quand le Chef de file de l’Opposition politique (CFOP), Zéphirin Diabré, foulait le sol du lieu du meeting pour se joindre aux autres leaders politiques dont Roch Marc Christian Kaboré, Salif Diallo, Simon Compaoré, Ablasssé Ouédraogo,  Laurent Kilachiou Bado, qui y était depuis 8h00. A 9h35,  tous les ténors étaient présents et la marche pouvait commencer. A peine le coup d’envoi donné, que certains avaient déjà fait le tour de l’itinéraire.   Il a fallu 2 heures pour que les 2 véhicules qui transportaient certains ténors de l’Opposition, dont Simon Compaoré et le Larlé Naaba, et les journalistes, puissent parcourir l’itinéraire prévu qui était le suivant :   place de la Nation,  Avenue du Médiateur, Avenue Gamal Abdel Nasser, Avenue Monseigneur Thevenoud Joanny, Avenue de la Cathédrale, Avenue Dr. Kwamé N’Krumah, Rond-Point des Nations unies,  Avenue de la Nation, pour regagner la Place de la Nation.  Au rythme de coups de sifflets et de l’hymne national, accompagné de propos tels « Libérez Kosyam », les marcheurs ont parcouru pacifiquement  l’itinéraire prévu, en brandissant des pancartes   qui rivalisaient en conformité avec la situation nationale : « Blaise égale   Ebola », « Blaise est pire qu’Ebola », « Halte à l’incivisme constitutionnel », « Bouter Ebolaise hors du Burkina », « Blaise, vous vous frayez un chemin vers la CPI », etc. Chacun y allait de ses propos et d’autres tenaient à se faire filmer lorsqu’on brandissait une caméra vers eux ou qu’on tendait un micro.   « On souffre, on est au chômage, nous ne voulons pas de référendum », « Nous ne voulons pas de modification de l’article 37 », « Ce n’est qu’un avertissement et le dernier, car la prochaine marche, ce sera sur Kosyam », « Filmez-moi très bien. Je dis : Blaise, on a marre de toi, fous le camp », « Le pays n’appartient pas à Chantal, ni à Djamila, ni au CDP, ni à la FEDAP/BC, n’en parlons pas du Front républicain », « Il faut que les députés mûrissent leur réflexion car c’est un message fort que nous leur lançons comme ça ». Après la marche, place a été faite aux discours. Débout sous un  soleil de plomb, jeunes, vieux, femmes, tous ont écouté le message des leaders politiques. « Notre lutte est entrée dans sa phase finale.   Maintenant, ça passe ou ça casse.   Maintenant, c’est vraiment la patrie ou la mort.  Nous avons compris que le changement, c’est maintenant ou jamais », a fait savoir le chef de file de l’Opposition politique, Zéphirin Diabré. Pour lui, depuis 2 ans, les populations ont marché, scandé, hurlé, supplié, exhorté … pour que Blaise Compaoré et ses supporters les entendent, mais en vain.  « A partir d’aujourd’hui,  notre lutte a changé de phase.  Hier, nous étions dans la phase de dissuasion,  aujourd’hui, nous sommes dans la phase de confrontation. Désormais,  ce n’est plus la lutte de l’Opposition, mais la lutte de l’ensemble  du peuple burkinabè.   Ce n’est plus l’Opposition qui dirige la lutte, mais vous,  peuple burkinabè, qui dirigez la lutte. Le rassemblement de cette marche est  le dernier avertissement que nous lançons à Blaise Compaoré. Il n’y aura pas d’autres. C’est le dernier avertissement que nous lui lançons pour qu’il prenne la décision aujourd’hui même de retirer son projet de loi », a-t-il averti. Rappelant que le destin de la lutte va se jouer le 30 octobre prochain, au sein de l’Assemblée nationale, Zeph a laissé entendre que rien ne doit être perdu.   « Nous devons à tout prix gagner ce premier round.  C’est pourquoi, les députés de l’Assemblée nationale sont face  à l’histoire et à  eux-mêmes.  Je lance un appel ici même, un appel aux députés du groupe parlementaire UPC et ADJ, pour qu’ils se mobilisent  comme un seul homme, comme ils savent bien le faire,  pour faire échec au gouvernement », a-t-il interpellé les députés de l’Opposition, avant de lancer  un autre appel aux  députés des groupes CDP, ADF-RDA et    CFR auxquels il a demandé de rester avec le peuple, afin  de garder leur dignité de Burkinabè.  « Je leur demande de ne pas se laisser intimider, ni se laisser corrompre.  Qu’ils  pensent à l’avenir de leurs enfants et celui du Burkina Faso », a ajouté le CFOP.  Pour lui, le combat doit se poursuivre vaille que vaille, pour que l’alternance en 2015 soit une réalité.  Et c’est dans cette dynamique qu’il a lancé officiellement  la campagne de désobéissance civile contre le référendum.   « A partir d’aujourd’hui, le peuple du Burkina Faso  a décidé d’organiser la résistance populaire généralisée. La première revendication de notre campagne est  le retrait pur et simple de la loi.  L’Opposition politique demande encore  au président  Blaise Compaoré  dès ce midi,  de retirer purement et simplement le projet de loi portant modification de l’article 37 de la Constitution », a-t-il souligné. Pour  mener  à bien cette campagne, Zeph a laissé entendre que l’Opposition politique donnera à chaque fois,  des mots d’ordre précis et  qu’elle organisera des actions bien précises avec le peuple.   Et bien avant cela, il a tenu à donner des consignes fermes aux populations. « Pour que notre campagne soit un succès, nous  devons éviter les actions désorganisées et surtout    l’anarchie.    Pour que notre campagne de désobéissance civile soit un succès,   comme on l’a toujours  fait,  nous devons éviter les casses et les violences.   Nous devons éviter de nous en prendre aux personnes physiques.   Nous devons éviter de détruire les biens  publics », a-t-il lancé à l’endroit des manifestants. Avant le discours solennel du chef de file de l’Opposition, d’autres leaders politiques ont tenu à faire passer leur message. Pour Saran Séré / Sérémé, il n’est plus question d’accorder un « lenga » au président Blaise Compaoré. «  Nous avons fait un consensus pendant 25 ans.   Les 5 présidents  réunis depuis les indépendances ont fait 27 ans. Depuis Maurice Yaméogo à Thomas Sankara, ils  ont    totalisé de 1960  à 1987, 27 ans  de pouvoir.  Et Blaise Compaoré a,  à lui seul, de 1987 à 2014, fait 27 ans.   Est-ce que nous allons ajouter encore ? », a-t-elle demandé à la foule.  Au nom de la société civile, Me Guy Hervé Kam a salué toutes les personnes ayant plus  de 60 ans, pour avoir fait le déplacement à la place de la Nation avant d’inviter la génération actuelle à s’imprégner de sa mission pour pouvoir la réaliser. «Nous disons que toutes les générations doivent découvrir leur mission, elles doivent la  réaliser ou la trahir.  Est-ce que nous réalisons notre mission ou   la trahissons-nous ? Si nous la réalisons,  on ne bouge pas de la ville de Ouagadougou, si Blaise Compaoré ne nous dit pas  qu’il retire son projet », a-t-il martelé. Ce sont ces discours galvanisateurs qui ont mis fin à la marche- meeting qui s’est  malheureusement  soldée par une chasse-à-l’homme entre les forces de l’ordre et certains manifestants. Le mouvement « Le Balai citoyen » qui avait décidé de siéger au rond-point des Nations unies jusqu’au 30 octobre prochain, jour où doit se tenir le vote des députés sur le projet de loi portant modification de l’article 37 de la Constitution, ont été dispersés par des tirs de gaz lacrymogènes de la  Compagnie républicaine de la sécurité (CRS). Au cours de l’intervention, plusieurs personnes ont été blessées.

 

Mamouda TANKOANO et Issa  SIGUIRE

 

 

ENCADRE

 

Ils ont dit

 

Sam’s K le Jah, artiste- musicien 

 

 « la loi fondamentale n’est pas un pantalon qu’on se taille comme on veut… »

 

«Koudougou, Bobo- Dioulasso, descendez sur Ouaga car c’est ici que tout se passe. Je suis sorti avec mon matelas et ma bouilloire. Si Blaise ne dégage pas, je ne rentre pas chez moi (…). J’ai une nouvelle chanson que j’ai composée, « Libérez Kosyam », là, on est clair. On n’est plus dans les pala pala. La Constitution est claire comme de l’eau de roche :   la loi fondamentale n’est pas un pantalon qu’on se taille comme on veut… »

 

Zéphirin Diabré , CFOP

 

« Nous devons comprendre et savoir   que cette affaire est une affaire burkinabè que nous devons régler en tant que  Burkinabè »

 

« Nous aurons besoin, comme toujours, du soutien et de la compréhension des peuples des autres pays.  Nous savons que c’est important, quand on lutte ; nous remercions tous les pays  qui ont donné leur position.   Nous comptons sur la solidarité des autres, mais   nous devons comprendre et savoir   que cette affaire est une affaire burkinabè que nous devons régler en tant que  Burkinabè.  Car personne ne viendra ni de Paris, ni de Washington, ni de Dakar  pour  nous aider dans le combat.  C’est nous- mêmes qui  devons être engagés ; c’est nous-mêmes qui devons être déterminés ; c’est nous-mêmes qui devons être prêts au sacrifice. Nous devons être prêts à mourir pour le Burkina. Nous nous engageons dans un combat qui sera long, un combat qui sera dur,  mais  l’Opposition sait compter sur votre détermination, sur votre engagement. »

 

Laurent Bado, Constitutionaliste 

 

 « Quand on change un article important de la Constitution,  on aboutit à un régime qui n’est pas le régime que le peuple avait choisi »

 

 «  Nous demandons à Blaise Compaoré  de démissionner.  Il doit démissionner d’abord  pour son propre honneur et sa dignité !   Ensuite,  pour la paix, puisse qu’il aime parler de paix,   nous ne voulons pas de paix de cimetière.  Je vais terminer  avec ce mot.  Pourquoi je ne veux pas qu’on modifie l’article 37.   Je suis un constitutionaliste.  Quand on change un article important de la Constitution,  on aboutit à un régime qui n’est pas le régime que le peuple avait choisi. Un exemple pour terminer :    avec Maurice Yaméogo, la première Constitution  était un régime présidentiel, mais il a modifié  l’article 7  pour instituer un parti unique  et le parti présidentiel  est devenu un parti présidentialiste.  L’article 169 de notre Constitution dit  qu’il ne faut pas changer la forme républicaine de notre gouvernement. Si  Blaise modifie la Constitution pour se présenter chaque fois comme candidat,  on n’a plus affaire à une République, mais à une  monarchie. »

 

Safiatou Lopez,  présidente de l’APDC

 

«Nous disons au président Compaoré de nous rendre notre liberté »

 

« Le peuple est déterminé plus que jamais,  à barrer la route au président Compaoré.  Le peuple est déterminé à dire non à la patrimonialisation du pouvoir  au Burkina Faso.  Nous sommes sortis ce matin pour dire au président Compaoré que le pouvoir appartient  au peuple. Nous sommes sortis pour dire au président Compaoré que nous l’avons acclamé, nous l’avons porté au pouvoir ; aujourd’hui,  nous avons dit « non ». Après 27 ans de pouvoir,  il devra se reposer. Nous disons au président Compaoré de nous rendre notre liberté.   Nous n’allons pas accepter que nos enfants et  nos petits-enfants vivent dans l’esclavage que nous vivons. »

 

DANS LES COULISSES

 

Quand Boukari Kaboré dit le Lion se range du côté du Balai citoyen

 

Après les interventions des leaders politiques et des mouvements associatifs, le chef de file de l’Opposition politique a demandé aux manifestants de regagner calmement leurs domiciles, en attendant les prochains mots d’ordre,  mais le Balai citoyen a demandé  aux jeunes de rester jusqu’au 30 octobre prochain, jour du vote de la loi portant révision de la Constitution qui permettra au président Blaise Compaoré, au pouvoir depuis 27 ans, de briguer un nouveau mandat.   Boukari Kaboré dit Le Lion du Boulkiemdé, les a rejoints. Cacophonie, manque de concertation ou stratégie de lutte, difficile à dire.

 

L’Assemblée nationale déjà quadrillée ?

 

Eh oui ! Elle est déjà quadrillée, avant même le 30 octobre prochain. Celle vers qui tous les regards des Burkinabè, voire  du monde  entier, seront tournés le 30 octobre prochain.    Les dispositions sont prises.  La Compagnie républicaine de sécurité (CRS) a déjà barré toutes les routes qui mènent  à l’Assemblée nationale. A l’intérieur, des véhicules hors du commun étaient stationnés pour protéger cette institution.

 

Les voleurs ont encore frappé !

 

Il nous a  été signalé qu’au cours de la marche, des  confrères ont perdu leurs téléphones portables. En tout cas, les voleurs aussi étaient de la partie.

 

Chapeau bas aux organisations de la société civile

 

En tout cas, ils étaient encore mobilisés à cette marche. Eux, ce sont les membres du mouvement Le Balai citoyen, le Collectif anti-référendum (CAR), le Front de résistance citoyenne, le CADRE,  l’APDC, le M21, etc.

 


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