HomeA la unePUTSCH MANQUE DE SEPTEMBRE 2015 : L’audition du Général Diendéré a pris fin

PUTSCH MANQUE DE SEPTEMBRE 2015 : L’audition du Général Diendéré a pris fin


 Ce 18 décembre 2018 au Tribunal militaire de Ouagadougou, le Général Diendéré  répondait aux  avocats pour la dernière fois.  Pour les conseils de l’accusé, le parquet, au secours  de qui la partie civile a volé, n’a pu apporter les preuves de la culpabilité du Général. 

 

Au 13e et dernier jour d’audition du Général Diendéré, certains avocats de la partie civile reviennent sur les chefs d’inculpation du Général, s’efforçant à prouver leur caractérisation à l’encontre de l’accusé. Me Séraphin Somé, avocat de la partie civile, estime que le Général a donné des ordres qui sortent du cadre légal, et l’infraction d’incitation à commettre des actes contraires à la discipline et au règlement est constituée à son encontre. Il estime que le Général a entretenu une intelligence avec l’étranger pour parfaire son coup d’Etat et réussir l’atteinte à la sûreté de l’Etat. Il indique que le mode opératoire est similaire à celui de 1987, à savoir faire vite et prendre le dessus  sur les autres, dit-il, indiquant que le Général est le chef d’orchestre sinon il allait faire la médiation avec les hommes qui ont procédé à l’arrestation des autorités de la Transition, au lieu d’aller vers les officiers pour s’excuser  et s’autoproclamer président du CND ensuite. Pour son confrère de la partie civile, Me Pierre Yanogo, la pièce maîtresse du coup d’Etat du Général reste sa déclaration du CND et il n’y a pas d’irresponsabilité pénale parce que tout le monde n’a pas été appréhendé. L’absence de la hiérarchie dans le box des accusés ne dédouane donc pas le Général, selon l’avocat. Me Dieudonné Bonkoungou, avocat de la défense, estime qu’il y a eu beaucoup d’affirmations sans démonstration de la culpabilité des accusés avec des faits. « Affabulations, justice à double vitesse, logique partisane, raisonnement affabulatoire  et inachevé », soutient-il à l’endroit du parquet qui, à son avis, défend des positions en contradiction avec l’arrêt de renvoi. Cet arrêt de renvoi  exclut la notion de crime de masse, rappelle l’avocat, alors que le parquet évoque ce crime de masse à longueur de journée, dit-il. « On ne retient que les éléments qui plaisent, suivant la position qu’on occupe », dit-il à l’endroit du parquet. Quand des volontés s’accordent pour agir dans le sens contraire à l’infraction, cette infraction n’existe plus, soutient Me Bonkoungou pour qui le parquet évoque une infraction continue alors que le 19 septembre 2015, l’infraction s’est arrêtée.  Même l’arrêt de renvoi s’est planté, dit-il. Le parquet prête à la hiérarchie militaire une résistance farouche, des débats houleux avec des positions tranchées avec les putschistes.  Ce qui ne tient pas, à l’entendre. « Pourquoi tous ceux qui ont participé à l’infraction ne sont-ils pas poursuivis ? », s’interroge-t-il. Il cite un penseur, en ces termes : « Combien de crimes commis parce que leurs auteurs ne pouvaient pas supporter d’être en faute ? ». Après avoir résisté aux convocations du juge d’instruction, contre le minimum d’équité, certains sont cités à ce procès comme témoins alors qu’ils devaient figurer dans le box des accusés, à l’entendre. Il demande au président du tribunal de contextualiser les faits, au nom de l’équité sociale, quand viendra l’heure de délibérer.  S’il n’y a pas cette équité sociale, prévient-il, il n’y aura jamais de paix. « Faites en sorte qu’il n’y ait pas de jugement cloisonnés dans les bulles », implore-t-il le président du tribunal. Il déplore « les faux actes initiateurs de procédure, les faux procès-verbaux, les arrangements de procédure ».

 

« Ceux qui ont réceptionné le matériel de maintien d’ordre et ceux qui le détiennent sont des receleurs »

 

Me Mamadou Sombié s’interroge sur le matériel de maintien de l’ordre venu de la Côte d’Ivoire et du Togo, à la demande du Général Diendéré au moment des faits. « Ce matériel qui est « un corps de délit » a-t-il été mis sous scellé ? », demande-t-il au Général. « Je n’en sais rien », répond l’accusé. L’avocat demande alors au parquet de nous dire où se trouve le matériel de maintien d’ordre en question, puisque c’est pour cela que le Général et bien d’autres co-accusés sont poursuivis, à son avis. « Il y a ici un cas de recel devant vous », dit-il à l’attention du président du tribunal, avant d’ajouter que ceux qui ont réceptionné le matériel de maintien d’ordre et ceux qui le détiennent, sont des receleurs. « Pourquoi ne sont-ils pas poursuivis ? », demande-t-il encore. Le Général Diendéré rappelle que le Premier ministre Isaac Zida a fait des « deals » avec des partis politiques, qu’il a dit à un candidat qu’il le soutiendrait aux élections contre le poste de Premier ministre pour lui, le poste de ministre en charge des mines et de ministre des Infrastructures pour ses protégés. Me Idrissa Badini de la défense estime que le parquet fait montre d’une « incroyable déloyauté vis-à-vis des avocats de la défense ». En allant puiser dans le fond des dépositions des accusés pour innocenter la hiérarchie militaire, le parquet montre qu’il la défend bec et ongle, confie l’avocat. Me Yéri Thiam, autre avocat de la défense, indique que les éléments sonores dans le dossier sont classés en Anglais, ce qui, à ses yeux, laisse croire que c’est fait à l’étranger. Cet avocat rappelle que le Premier ministre Zida a confié, sur la base des déclarations du Général Pingrenoma Zagré, que le coup d’Etat est une initiative des jeunes officiers. « Quand le Général Zagré dit à Zida qu’il est question d’initiative de jeunes officiers, où est le complot ? », s’interroge l’avocat. Me Zanliatou Aouba de la défense dit ne pas comprendre que ce soit les seuls éléments du RSP qui sont dans le box des accusés alors que l’escorte de la gendarmerie, l’escorte présidentielle et le protocole d’Etat ont accompagné le Général Diendéré dans ses déplacements, au moment des faits. « Pourquoi la hiérarchie n’est-elle pas accusée alors qu’elle n’a pas fait une déclaration pour se démarquer des faits ? », se demande-t-elle. Me Yelkouni, un des conseils de  l’accusé, rappelle au parquet qu’on ne condamne pas une intention en droit pénal, mais plutôt des actes positifs et le droit pénal est d’interprétation stricte, ajoute-t-il. Il fait observer que l’accusé est libre de se défendre et « la rançon de la liberté, c’est la responsabilité », dit-il. Me Mathieu Somé, l’autre conseil du général, laisse entendre que la suppression des sms du 16 au 21 septembre 2015 du portable du Général a été faite pour tromper le peuple et pour surprendre la religion du tribunal. Pour lui, le parquet est en mission commandée, sans plan d’action, ce qui complique sa tâche, à son avis. L’avocat s’offusque contre le non-respect des règles dans le procès et déplore « un incivisme judiciaire naissant ». Le parquet foule au pied l’arrêt de renvoi qu’il piétine en convoquant des éléments qui ont été écartés de la procédure, à l’entendre. Même la partie civile viole l’arrêt de renvoi, lorsque celle-ci s’appuie sur les éléments sonores pour soutenir le caractère planifié du putsch, selon Me Mathieu Somé. Un « gangstérisme », se désole-t-il. « Quand on parle de crime de masse, on prépare le terrain », confie-t-il, rappelant du même coup que l’arrêt de renvoi n’a pas retenu de crime imprescriptible permettant d’invoquer le crime de masse. A la fin de son audition, le Général Diendéré réitère sa demande de pardon aux parents des victimes, ses compassions aux blessés et souhaite que l’on puisse tourner cette  page sombre. « Les choses sont arrivées par la volonté d’un homme qui est ailleurs, quelque part, loin du Burkina, alors que nous souffrons du terrorisme », confie-t-il, en faisant allusion au Premier ministre Yacouba Isaac Zida.  « Il a posé les bases de la souffrance matérielle du pays ». Le Général Djibrill Bassolé passe normalement à l’audience de ce matin. Mais, Me Dieudonné Bonkoungou, un de ses conseils, a souhaité le report de l’audition de cet autre Général jusqu’à janvier 2019. Une demande qui va être examinée ce matin, selon le président du tribunal, Seidou Ouédraogo.

 

Lonsani SANOGO

 

Me Farama, à propos de la demande de pardon du Général

 

« Dans ce procès, j’ai quelques images à partager avec mes confrères. La première qui est très forte et ahurissante, c’est  d’entendre le Général Diendéré et ses compairs demander des excuses au peuple burkinabè pour le coup d’Etat malheureux qu’ils ont exécutés et de les entendre aujourd’hui  dire que, finalement, ils n’ont jamais été auteurs à quelque moment que ce soit d’un coup d’Etat. C’est toute la caractéristique de la défense du Général qui est inconséquente.  Comment un individu peut-il dire « je vous demande pardon pour le coup d’Etat que j’ai exécuté » et dire « je ne suis responsable d’aucun coup d’Etat » ? Deuxième image tout aussi  ahurissante et très forte, c’est quand le Général, celui-là qui est sorti à la télévision dire qu’il est le président du CND, auteur principal du putsch, vous dit, par la voix de ses avocats : « je ne me reconnais coupable de rien en ce qui concerne le coup d’Etat, je souhaite d’ailleurs être acquitté ». Si celui qui est la tête pensante du coup d’Etat est acquitté, qui devrait être condamné ? C’est ahurissant comme stratégie de défense. Troisième image forte, blessante : c’est quand le Général demande pardon au peuple et souhaite qu’on tourne la page, et dans le même temps, sur la question de l’exécution d’un ordre légal ou illégal, le Général dit ne pas en savoir. Cela veut dire que, dans son  esprit,  le Général n’a pas encore tourné la page sur le fait que le coup d’Etat, le putschisme doit être banni des pratiques de ce pays. S’il souhaite que nous tournions la page de ce que nous avons connu depuis des années, c’est de dire devant tous ses frères d’armes, devant le peuple  que, « exécuter un  coup d’Etat, même si moi j’ai pu le faire quelques fois dans la vie, c’est un acte illégal à bannir. S’il n’a pas pu le dire, qu’il ne nous dise pas de tourner la page, parce que lui, il n’a même pas tourné une page quelconque.»

 


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