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RCA : La paix sera-t-elle possible sans les mentors ?


Les autorités de la transition centrafricaine viennent d’obtenir un engagement des miliciens Séléka et anti-Balaka de reconnaître les Accords de Brazzaville. Cet engagement de Nairobi devait recueillir aussi les signatures respectives de François Bozizé et de Michel Djotodia, mais les deux hommes ont fait faux bond. Qu’à cela ne tienne. L’engagement est signé par les représentants des deux camps armés qui s’affrontent depuis un certain temps en République centrafricaine (RCA). En rappel, les Accords de Brazzaville avaient été signés dans une sorte d’euphorie par les deux groupes armés, en juillet 2014. En son temps, on a eu un grand espoir de sortir de cette spirale de violences dans laquelle le pays est plongé. Hélas, les fruits n’ont jusque-là pas tenu la promesse des fleurs. Les violences n’ont pas cessé. Certains ont trouvé dans l’absence des mentors des deux camps que sont François Bozizé et son tombeur, Michel Djotodia, lors de la signature de ces accords, la raison de l’échec de leur application. Tant et si bien qu’en voulant redresser les choses, les négociateurs que sont le président congolais, Denis Sassou N’Guesso et son homologue kényan, Uhuru Kenyatta, ont failli tomber dans l’excès inverse. En effet, ils ont voulu négocier la signature d’un accord par les deux mentors par-dessus la tête des autorités de la transition centrafricaine.

Les autorités centrafricaines sont vent debout contre l’accord de Nairobi

Et ce qui devait arriver, arriva. La communauté internationale ne s’est pas fait prier pour rejeter ledit accord. La présidente Catherine Samba-Panza et son équipe qui n’ont pas été associées à la négociation de cet accord, ne se sont pas senties non plus liées par ses dispositions. Mieux, les autorités centrafricaines sont vent debout contre cet accord de Nairobi qui prônait la mise en place d’une nouvelle équipe de transition. Pour elles, accepter cet accord reviendrait à reconnaître qu’elles ne se sont pas montrées à la hauteur de la tâche qui leur a été confiée et donc devraient céder la place à plus « compétents » qu’elles. Catherine Samba-Panza ne l’a pas entendu de cette oreille. Jusque-là, elle est décidée à ne pas lâcher prise. Cette hostilité des autorités de la transition vis-à-vis de ce qu’on pourrait appeler Accord de Nairobi I, a contribué à en faire un mort-né. Dès lors, il a fallu trouver une bouée de sauvetage pour le pays, toujours englué dans les méandres de la violence. C’est ainsi qu’on vient d’assister à une sorte d’exhumation des Accords de Brazzaville qui ont l’avantage d’avoir été signés par les anti-Balaka et les combattants de la Séléka et qui ont les faveurs de la communauté internationale et de la transition, surtout de sa présidente dont ils reconnaissent l’autorité.

En remettant au goût du jour les Accords de Brazzaville, les Anti-Balaka et la Séléka désavouent d’une manière ou d’une autre, Djotodia et Bozizé. C’est une façon d’enterrer l’accord de Nairobi signé par les mentors. De fait, Catherine Samba-Panza n’a jusque-là pas fait preuve d’enthousiasme, à l’idée de les associer à la recherche de la paix dans le pays. Mais la paix sans les mentors des camps armés est-elle possible en RCA ? Bozizé et Djotodia ne sont-ils pas incontournables pour le retour à la paix ? On peut estimer que ces deux gourous des milices qui sèment le chaos en Centrafrique pèsent encore sur le cours des événements dans le pays et que ce faisant, il aurait été important de parvenir à un accord avec eux. Un accord qu’ils auraient accepté de cosigner avec les autorités de la transition. En effet, les deux anciens dirigeants ont une certaine influence sur leurs éléments, à travers les financements qu’ils peuvent leur apporter. Ils tirent certainement les ficelles depuis leurs terres d’exil respectives. Et leur prise de position compte peut-être dans les attitudes et les actes de leurs miliciens. L’idéal aurait donc été qu’ils s’impliquent dans la quête du retour de la paix dans le pays. Un accord dans lequel ils se seraient reconnus, aurait de ce fait, été d’une précieuse aide pour la RCA.

Mais, cela n’enlève rien au fait qu’il est bon que les éléments sur le terrain prennent des engagements forts en faveur de la paix.

La pacification du pays dépend plus de la bonne volonté des combattants des deux camps

En effet, les accords que signeraient les mentors avec les autorités de la transition auraient été plus théoriques que pratiques. Ceux signés par les acteurs directs des violences peuvent être plus porteurs d’effets. En effet, les mentors ont déjà montré leur incurie en ce qui concerne la défense de l’intérêt général de leur pays et il est difficile de parier sur leur bonne foi, quand bien même ils prendraient des engagements en faveur de la pacification du pays. Il n’est donc pas évident que les engagements qu’ils viendraient à prendre seraient matérialisés sur le terrain par leurs soins. De plus, il n’est pas évident que leurs consignes seraient suivies à la lettre par les exécutants sur le terrain. Leur influence sur les troupes relève peut-être plus du mythe que de la réalité. Il est contreproductif de délaisser la contribution de quelqu’un qui a assisté à un événement pour solliciter le concours de celui qui pourrait seulement imaginer comment les choses se sont passées, dit en substance une sagesse de chez nous. Il est contreproductif donc de laisser les acteurs directs du conflit pour compter sur les cerveaux qui se cacheraient derrière eux. Si c’est à choisir, il est préférable de parier sur des combattants qui décident eux-mêmes et en toute responsabilité, de déposer les armes que sur leurs parrains supposés. Il paraît plus facile aux combattants de la Séleka et aux Anti-Balaka d’obliger leurs mentors à changer leur fusil d’épaule qu’à Bozizé et Djotodia d’obtenir de leurs bases respectives, l’arrêt effectif des violences. La pacification du pays dépend plus de la bonne volonté des combattants des deux camps à la base que du bon vouloir de leurs mentors. « C’est l’existence de sujets qui donne un sens au statut de chef », dit-on. C’est parce qu’ils ont des combattants qui leur obéissent que Djotodia et Bozizé sont des « chefs de guerre ».

Il convient, de ce fait, de mettre donc l’accent sur les combattants, les hommes de terrain, même s’il ne faut pas rejeter la contribution de Bozizé et de Djotodia au retour à la paix. Cet engagement des combattants à respecter les accords de Brazzaville qu’ils ont signés, est un signe d’espoir non négligeable. La lassitude qui a certainement gagné les combattants des deux camps et la pression qu’exercent sur eux l’équipe de Samba-Panza et la communauté internationale, ont certainement contribué à forger leur volonté de faire taire les armes. Quoi qu’il en soit, on ne peut que se réjouir de ce nouvel engagement des combattants anti-Balaka et Séléka, de travailler au retour définitif de la paix dans le pays. Il faudra espérer que la flamme de cet espoir brille longtemps, mieux, pour de bon. Il faudra croiser les doigts pour que cet engagement soit suivi d’effets concrets sur le terrain et ce, sans plus tarder, pour que la RCA sorte le plus vite possible de l’ornière.

« Le Pays »


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