RDC


 Faut-il continuer à organiser des élections au pays de Joseph Kabila ?

Au lendemain de la proclamation des résultats provisoires de la présidentielle du 30 décembre dernier, qui donnent l’opposant Félix Tshisékédi vainqueur et qui font des vagues en République démocratique du Congo, la SADC (Communauté de développement d’Afrique australe) et la CIRGL (Conférence internationale sur la région des Grands Lacs), deux organisations sous-régionales africaines, ont donné de la voix pour demander « un recomptage des voix » et lancer un appel aux autorités de Kinshasa, pour la formation d’un gouvernement d’union nationale.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que la position de ces deux entités sous-régionales est assez osée, quand on sait que le pouvoir de Kinshasa a toujours fait la sourde oreille concernant l’organisation de ces élections qui continue de faire couler beaucoup d’encre et de salive.

 Le recomptage des voix semble un exercice risqué pour le pouvoir

La question que l’on pourrait se poser, est de savoir si elles seront entendues. Rien n’est moins sûr. D’autant plus que du côté de Kinshasa, l’on semble non seulement remettre en cause l’authenticité même du document de la SADC, mais aussi l’on fait remarquer que le contentieux électoral est du ressort de la Cour constitutionnelle sur laquelle « ni les coalitions politiques ni les autorités étrangères ne devraient appliquer une quelconque injonction ». Voilà qui est clair et qui ne devrait pas surprendre si les autorités de Kinshasa opposaient une fin de non recevoir à une requête qui a toutes les allures d’une remise en cause des résultats provisoires proclamés à la faveur des scrutins du 30 décembre dernier et qui font visiblement la part belle au parti au pouvoir qui, malgré la défaite de son candidat à la présidentielle, garde cependant toute son influence sur la vie politique congolaise en raison de sa razzia lors des législatives. Toute chose qui en fait la première force politique du pays, loin devant ses concurrents de l’opposition. Une situation de cohabitation qui ne devrait pas donner les coudées franches au nouveau président pour dérouler son programme.

Cela dit, si le recomptage des voix semble un exercice risqué pour le pouvoir, la question de la formation d’un gouvernement d’union nationale pourrait permettre à la RDC de fermer sans trop de grabuge, la page de cette élection qui a toutes les allures d’une épée de Damoclès suspendue sur le pays de Joseph Kabila qui n’est toujours pas à l’abri de violences postélectorales. Et comme nul n’a intérêt à voir la RDC brûler, il revient aux Congolais eux-mêmes, au-delà des enjeux, de savoir raison garder en jouant balle à terre pour s’éviter une crise postélectorale inutile. Quant à la communauté internationale, elle devrait se faire le devoir d’accompagner au mieux ce pays pour lui éviter les affres de violences fratricides. Car, la RDC revient de loin, pour une élection qui devait avoir lieu il y a de cela déjà deux ans et qui continue de diviser les Congolais.

En tout état de cause, si Laurent Gbagbo n’a pas obtenu le recomptage des voix en Côte d’Ivoire en 2010, si Jean Ping n’a pas obtenu le recomptage des voix au Gabon en 2016, l’on ne voit pas comment cette solution pourrait prospérer en 2019 en RDC où le président Kabila joue son avenir politique, sachant que beaucoup, au sein de la communauté internationale, ne rêvent que le voir débarrasser le plancher au plus vite. En tout cas, l’homme est visiblement loin d’avoir dit son dernier mot.

Tout a visiblement été intentionnellement fait dans le plus grand capharnaüm

Et il serait étonnant qu’au moment où il semble tenir le bon bout au point de faire mentir ceux qui l’avaient enterré trop tôt, il se fasse hara-kiri en accédant à une requête qui pourrait lui réserver des surprises désagréables. Du reste, l’on ne voit pas de quels moyens coercitifs disposent ces instances sous-régionales pour contraindre Kabila à les suivre.

Du reste, on ne le sait que trop, le processus électoral en RDC, a été biaisé dès le départ et a fait l’objet de tiraillements. De l’établissement du fichier électoral à la proclamation des résultats provisoires en passant par les machines à voter, l’opposition n’a cessé de ruer dans les brancards pour une élection qui verra finalement l’exclusion d’une partie de l’électorat pour des raisons farfelues, ainsi que le black out total sur la compilation des résultats et des PV de candidats qui se retrouvent dans la nature. Bref, tout a visiblement été intentionnellement fait dans le plus grand capharnaüm pour que l’on aboutisse aux résultats que l’on sait. C’est pourquoi le recomptage des voix semble une solution inenvisageable. En tout cas, de ce grand bordel organisé en amont, l’on pouvait difficilement aboutir en aval à des résultats propres ; l’objectif final étant manifestement que Joseph Kabila continue de rester dans le jeu politique de son pays, au moment où nombre de ses compatriotes ne jurent que par l’alternance. Et c’est ce qu’il est en passe de réussir si ce n’est déjà fait, avec la victoire éclatante de son parti et alliés aux législatives. Mais si tout doit finalement partir de Joseph Kabila et aboutir à Joseph Kabila, l’on se demande s’il faut continuer à organiser, en RDC, des élections avec le risque permanent qu’elles débouchent sur des violences. Dans le cas d’espèce, les dés sont visiblement pipés sans que personne n’y puisse plus rien. C’est aussi cela, la démocratie chez les Bantous et plus généralement en Afrique Centrale.

 

« Le Pays »


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