HomeA la uneRECOMMANDATIONS DU SOMMET DE JOHANNESBOURG SUR LE BURUNDI : Quand Nkurunziza défie l’UA

RECOMMANDATIONS DU SOMMET DE JOHANNESBOURG SUR LE BURUNDI : Quand Nkurunziza défie l’UA


 

S’il avait voulu adresser une déculottée à l’Union africaine (UA), le  président burundais Pierre Nkurunziza ne s’y serait pas pris autrement. Profitant d’un simple communiqué de presse en conclusion d’une banale visite ministérielle de l’EAC (Communauté des Etats d’Afrique de l’Est) à Bujumbura, l’homme a balayé d’un revers de la main toutes les recommandations du XXVe sommet de l’UA, au nom de la souveraineté nationale. Droit dans ses bottes, il estime qu’il n’y a pas nécessité de modifier une nouvelle fois le calendrier électoral, tout comme d’ailleurs, il ne voit pas la nécessité pour l’UA de déployer des observateurs de droits de l’Homme et d’experts militaires devant vérifier le processus de désarmement.

C’est une fin de non-recevoir que le dictateur de Bujumbura a opposée aux déclarations de l’UA

Les violations des droits de l’Homme, se défend-il, ne seraient que des répliques des forces de l’ordre consécutives aux provocations des manifestants. Quant au désarmement, une unité commise à cette tâche, dit-il, est déjà active sur le terrain et participe à la sécurisation des élections, de concert avec les autres forces de défense et de sécurité. C’est donc une fin de non-recevoir que le dictateur de Bujumbura a opposée aux déclarations de l’UA.

Ramant seul contre tous, contre vents et marées, en rejetant ainsi sans s’embarrasser de fioritures les recommandations de l’UA, Nkurunziza affirme sa volonté de garder seul la main sur le processus électoral, refusant toute immixtion étrangère. Ce comportement cavalier dénote même d’un certain empressement à tourner au plus vite cette page, quitte à amadouer l’institution après les élections  pour se faire accepter.

Cette attitude du président burundais, si elle le met en phase avec la cadence de la marche forcée qu’il a entreprise, constitue, à n’en point douter, un grand acte de défiance vis-à-vis de la communauté africaine.

Pour l’heure, si ce communiqué de la présidence burundaise a jeté un grand froid sur le sommet à Johannesbourg, il ne semble pas provoquer l’ouragan qu’on est en droit de s’attendre de l’UA.  La réaction du Commissaire paix et sécurité de l’UA, Smail Chergui, qui constitue jusque-là la réaction officielle, est aux antipodes de l’ire que la défiance de Bujumbura devrait susciter, et ressemble bien plus  à un aveu de faiblesse qu’à de la prudence. Elle  reste bien en phase avec le ton des recommandations de l’UA qui, même si elles constituent une avancée par rapport aux conclusions du sommet de l’EAC, volent plutôt bas par rapport à la fermeté de départ de la présidente de la Commission, Mme Zuma. On peut d’ailleurs s’interroger sur cette dichotomie entre la position de Mme Zuma  et le ton de ces recommandations.

L’UA, certainement, manque de fermeté vis-à-vis du rebelle de Bujumbura parce qu’elle reste fidèle à son statut de syndicat de chef d’Etats. La plupart des têtes couronnées du continent ne pratiquant pas une gouvernance vertueuse, elles ne peuvent que faire profil bas face à l’entêtement de Nkurunziza qui défend avec rage et de façon éhontée, le trait de caractère qu’elles partagent  le plus en commun : l’obsession débordante du pouvoir.

Il n’est pas non plus à exclure dans les causes de cette mollesse de l’UA, une divergence de vues. Les fissures dans le mur étaient d’ailleurs perceptibles dès le sommet de Dar-es- Salaam dont l’appui tacite à Nkurunziza tranchait avec l’opiniâtreté de la présidente de la Commission de l’Union. Quand on sait que le combat de Nkurunziza, aussi répugnant soit-il, suscite des adeptes au sein de cette confrérie des chefs d’Etats, la certitude est vite établie que l’unanimité n’est pas faite sur la condamnation de ses agissements.

Les chefs d’Etat n’ont-ils pas aussi voulu montrer à Mme Zuma que ce sont eux qui, en dernier ressort,  édictent les règles d’homologation au sein de l’UA ?  Il est difficile de ne pas percevoir dans cette apathie du sommet, un désaveu de la présidente de la Commission de l’Union sur la crise burundaise et elle devrait, en toute logique, en tirer les conséquences.

Au-delà de cette position en apparence mitigée de l’UA, la problématique  majeure demeure : quelles solutions reste-t-il aujourd’hui contre l’entêtement de Nkurunziza et quel pourrait être le visage de l’UA après cet affront ?

L’UA devrait impérativement décider de la suspension de ce mouton noir

L’UA, c’est manifeste, joue son destin après cet affront de Nkurunziza. Un succès  de la dictature qui s’installe sur les hauteurs des collines burundaises, malgré les coups de semonce de la communauté africaine, ouvrirait le boulevard à tous ceux qui, tapis dans l’ombre comme Kagamé,  Nguesso  ou Kabila, suivent le cas burundais comme un cas d’école. Et c’en serait fini pour la Charte de la démocratie, de la bonne gouvernance et des élections de l’UA, ouvrant du coup un nouveau printemps aux dictatures sur le continent. Mais l’UA et la communauté internationale ont encore toutes les cartes en main pour éviter aux populations africaines cette apocalypse.

 En plus des décisions unilatérales que les Etats attachés aux valeurs démocratiques et aux droits de l’Homme peuvent prendre, suivant l’exemple de la Belgique qui a suspendu sa coopération avec le Burundi avec le risque de voir Nkurunziza se tourner vers d’autres partenaires économiques  peu regardants en matière de gouvernance politique et de droits de l’Homme comme la Russie et la Chine, l’UA devrait impérativement décider de la suspension de ce mouton noir. La Charte africaine de la démocratie, de la bonne gouvernance et des élections, dispose  aussi d’une batterie de sanctions qui peuvent aller jusqu’à traîner les dirigeants fautifs devant les tribunaux de l’Union.

Une autre possibilité de coercition serait la communauté économique sous- régionale qui peut infléchir, par des sanctions économiques, le dictateur, comme la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) l’avait fait avec succès au Mali pour Amadou Haya Sanogo, même si l’EAC est encore à un stade peu évolué d’intégration économique.

Il y a urgence à le faire sous peine de voir le Burundi s’enliser dans une nouvelle guerre civile, quand on sait que près de 300 militaires sont en fuite, parmi lesquels de hauts gradés.

« Le Pays »


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