HomeA la uneRECONVERSION DE LA LICORNE EN FORCES FRANCAISES DE COTE D’IVOIRE : L’emballage change, mais le contenu reste le même

RECONVERSION DE LA LICORNE EN FORCES FRANCAISES DE COTE D’IVOIRE : L’emballage change, mais le contenu reste le même


Elle s’appelle désormais  Forces françaises de Côte d’Ivoire. La Licorne, puisque c’est d’elle qu’il s’agit, est en fin de mission. Elle aura été un témoin privilégié de toutes les crises qu’a connues la Côte d’Ivoire, même si, faut-il le rappeler, elle n’a jamais fait l’unanimité auprès des Ivoiriens ; certains estimant, par moments, qu’elle est partiale et partisane. C’est selon. On se rappelle qu’acculé politiquement et coincé militairement, le régime de l’ex-président Laurent Gbagbo a été sauvé in extremis grâce à l’intervention de la Licorne qui avait tracé une ligne rouge à ne pas franchir, obligeant les rebelles qui descendaient sans coup férir sur Abidjan à stopper net leur progression. Naturellement, les rebelles conduits par Guillaume Soro, à l’époque, avaient traité les forces françaises de tous les noms d’oiseaux, les accusant à tort ou à raison d’avoir volé leur victoire en s’interposant entre combattants. La suite, on la connaît. Il s’était installé une méfiance entre la Licorne et les rebelles jusqu’à ce qu’intervienne, en 2004, l’attaque par deux Sukoi loyalistes de la base française de Bouaké, située en zone rebelle, qui avait laissé 9 soldats français sur le carreau. En guise de riposte, la Licorne avait tiré sans discernement sur les manifestants, provoquant ainsi un sentiment anti-français à Abidjan. On revoit encore l’homme-lige de Gbagbo, Charles Blé Goudé, usant du bagou qu’on lui connaît, pour haranguer les foules qui demandèrent aux troupes françaises de plier bagages. Ce fut une véritable traversée du désert pour les soldats français qui, naguère portés au pinacle, passaient pour des ennemis du régime Gbagbo, à abattre. Pourtant, on ne le sait que trop bien. N’eût été l’intervention de la Licorne, la Côte d’Ivoire, à l’époque, aurait connu un génocide pire que celui du Rwanda, en 1994 ; tant le conflit avait pris des allures ethnique et confessionnelle.

La France a de nombreux intérêts à défendre dans ce pays

Elle a contribué à éviter des massacres à grande échelle dans un pays où la chasse à l’homme était devenue la chose la mieux partagée ; tant la haine était tenace. Cela dit, on ne saurait passer par pertes et profit les 57 manifestants froidement abattus par la Licorne pendant la période de braise, si fait que d’aucuns l’accusaient d’être devenue une force d’occupation, faisant de la Côte d’Ivoire une sous-préfecture de la France métropolitaine. Cette image de force d’occupation restera collée à la peau de la Licorne qui, en 2011, a dû intervenir pour départager l’actuel président Alassane Ouattara et son ennemi à abattre, Laurent Gbagbo. En effet, l’armée française, qui n’avait d’ailleurs pas fait mystère de son soutien à Alassane Ouattara, avait aidé les ex-rebelles devenus Forces républicaines de Côte d’Ivoire à déloger Gbagbo de sa résidence, provoquant de nouveau la colère de certains Ivoiriens qui, d’ailleurs, ne la portaient pas dans leur cœur. Tout cela fait dire à certains qu’après 12 ans d’opération sur le sol ivoirien, le bilan de la Licorne est mi-figue mi-raisin. Mi-figue parce qu’elle a, à son passif, de nombreux cadavres tombés sous ses balles, et mi-raisin parce qu’elle a contribué au dénouement d’une crise qui n’en finissait pas avec son lot de violences quotidiennes. Adieu donc la Licorne et vive les Forces françaises de Côte d’Ivoire dont on dit qu’elles seront une base avancée pour l’Afrique de l’Ouest. Alors, question : pourquoi donc, plutôt que de plier bagage, la Licorne a-t-elle préféré se reconvertir tout en restant en Côte d’Ivoire ? Question à mille tiroirs . Certes, on dira que la France est liée à la RCI par des accords de défense. Certes, certains pourraient prétexter que cela peut avoir été fait à la demande de la Côte d’Ivoire. Mais comme on le sait, la France a de nombreux intérêts à défendre dans ce pays, si fait qu’elle ne saurait facilement larguer définitivement les amarres. C’est donc, en réalité, l’emballage qui change, mais le contenu reste le même. La France veut avoir un œil sur ce qui se passe dans ses anciennes colonies. Sinon, plutôt que d’une simple reconversion, on aurait pu dissoudre complètement la Licorne, étant donné que l’Opération Barkhane est déjà en marche depuis près de quatre mois.

Boundi OUOBA


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