HomeA la uneREFUS DE DEPLOIEMENT D’UN CONTINGENT AFRICAIN PAR LE PRESIDENT SUD-SOUDANAIS : A quoi joue Salva Kiir ?

REFUS DE DEPLOIEMENT D’UN CONTINGENT AFRICAIN PAR LE PRESIDENT SUD-SOUDANAIS : A quoi joue Salva Kiir ?


Un des dossiers brûlants qui étaient inscrits à l’ordre du jour du 27e sommet de l’Union africaine (UA), se rapportait au Soudan du Sud. L’on se rappelle aussi que le principal concerné, c’est-à-dire le président de ce pays, Salva Kiir, n’avait pas daigné faire le déplacement de Kigali. Une des raisons de cette absence pourrait être liée aux affrontements meurtriers entre les forces qui lui sont fidèles et les ex-rebelles aux ordres du vice-président, Riek Machar. Une autre raison de l’absence à Kigali de l’homme fort de Juba, pourrait être recherchée à la lumière de l’adage africain suivant : « la musaraigne sait que les gens ne l’aiment pas, et c’est pourquoi elle évite de se rendre au marché ». En effet, Salva Kiir et son vice-président sont conscients que les drames que vivent les populations de leur pays depuis 2013, leur sont imputables. De ce fait, bien des chefs d’Etats présents à Kigali pourraient ne pas les porter dans leur cœur et auraient été capables de le leur signifier droit dans les yeux, au cas où ils auraient fait le déplacement de Kigali. Mais l’absence des deux hommes à ce sommet, n’a pas empêché les chefs d’Etat, et il faut s’en féliciter, de prescrire une thérapie à appliquer au mal du Soudan du Sud. Celle-ci consiste en une proposition de déploiement d’une brigade africaine d’intervention dans le pays. Cette force, qui sera essentiellement constituée de soldats en provenance des pays de l’Afrique de l’Est, se verra doter d’un mandat plus robuste que celui de l’actuelle mission des Nations unies sur place.

 

Salva Kiir et Riek Machar ont pris l’habitude de se parler rien que par les armes

 

Les objectifs sont clairs. Il s’agit pour l’UA, d’imposer la paix dans ce pays meurtri, et au besoin par la force. Il n’en fallait pas plus pour susciter l’ire de Salva Kiir. Ce dernier a affirmé ne pas vouloir un soldat étranger de plus sur son sol. Le moins que l’on puisse dire est que cette attitude s’apparente à la situation de l’hôpital qui refuse la charité. En effet, depuis 2013, année à laquelle la guerre civile a éclaté dans ce pays, l’on a enregistré 50 000 morts dans des conditions très souvent effroyables. Plus récemment, les combats dont Juba a été le théâtre, ont fait en 3 jours 300 morts et 42 000 déplacés. Certes, l’on assiste pour l’instant à une sorte de trêve. Mais tout indique que celle-ci pourrait être de courte durée puisque Salva Kiir et Riek Machar ont pris l’habitude de se parler rien que par les armes. La solution est rendue davantage            précaire et imprévisible par le fait qu’une des dispositions de l’accord de paix, autorise les combattants des deux camps rivaux à se pavaner, peut-on dire, dans la capitale avec leurs armes. Le danger donc rôde dans les rues de Juba. A tout moment, le pire peut arriver. Et ce d’autant plus que les forces de l’ONU sur place ont déjà montré leurs limites. Dans ces conditions, l’on a du mal à comprendre que Salva Kiir ait craché sur le déploiement d’une brigade régionale dans son pays pour permettre une exécution sans accroc de toutes les dispositions contenues dans l’accord de paix signé, il faut le rappeler, par les deux parties, il y a de cela peu de temps. De ce point de vue, l’on peut se poser la question suivante : A quoi joue Salva Kiir ? Pour y répondre, l’on peut envisager les hypothèses suivantes : d’abord, Salva Kiir pourrait craindre que derrière la formule proposée par l’UA, se cache l’intention de pays qui ont pris fait et cause pour Riek Machar, de voler au secours de ce dernier.

 

Il se pose l’impérieuse nécessité pour l’UA de revoir ses textes

 

Cette crainte peut se justifier, puisque l’on sait qu’au sein de l’organisation des pays d’Afrique de l’Est, Riek Machar a des amis. Cela est de notoriété publique. C’est d’ailleurs ce soutien qui peut expliquer en partie que l’ex-chef rebelle ait pu tenir la dragée haute à l’homme fort de Juba et ce, depuis le début de la guerre civile. Ensuite, en disant niet à l’envoi d’une brigade régionale d’intervention de l’UA, Salva Kiir pourrait avoir été motivé par le sentiment qu’il peut venir à bout des ex-rebelles par la force des armes. En tout cas, les affrontements meurtriers dont Juba vient d’être le théâtre, pourraient confirmer cette hypothèse. En effet, les troupes du président semblent avoir dicté à cette occasion, leur loi à celles fidèles à son frère ennemi, Riek Machar. Fort d’avoir emporté la dernière bataille de Juba, Salva Kiir pourrait avoir pris in petto la résolution de terminer le ménage en boutant les ex-rebelles hors du territoire du Soudan du Sud. Cette hypothèse n’est pas à écarter, même si dans le même temps, Salva Kiir dit regretter la tournure prise par les événements et affirme avoir aidé son vice-président aux temps forts des combats de Juba, à ce que rien de fâcheux ne lui arrive. Même si cela est vrai, l’on peut se risquer à dire, à la suite de l’artiste ivoirien Tiken Jah, que c’est du « blaguer tuer ». Cela dit, face à l’attitude de Salva Kiir qui ne veut pas d’un soldat étranger de plus sur son sol, qu’il soit africain ou pas, alors que son pays est en pleine tourmente et que les populations vivent avec la psychose et la peur de voir leur patrie toucher le fond de l’abîme en cas de reprise des combats, l’on peut se demander ce que peut bien faire l’UA. En l’état actuel de ses textes, elle ne peut rien faire. En effet, pour que cette structure dépêche dans un pays des troupes offensives, les dirigeants de ce pays doivent au préalable donner leur accord. C’est au nom de ce principe qu’elle n’avait pas pu envoyer un contingent au Burundi, comme l’avait suggéré Dlamini-Zuma. Cette disposition est fort regrettable. Car, elle fait l’affaire des satrapes qui tiennent leur peuple en otage. Il se pose alors l’impérieuse nécessité pour l’UA de revoir ses textes de manière à se donner les moyens légaux de voler au secours des peuples en détresse, comme c’est le cas aujourd’hui au Soudan du Sud ou encore au Burundi. L’ONU a déjà évité cet écueil en adoptant le principe du droit d’ingérence humanitaire. L’UA gagnerait, dans l’intérêt des peuples, à aller dans ce sens.

 

« Le Pays » 


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