HomeDroit dans les yeuxREGLEMENT DES DETTES DES MEDIAS PAR L’ETAT : La presse privée oubliée et discriminée

REGLEMENT DES DETTES DES MEDIAS PAR L’ETAT : La presse privée oubliée et discriminée


Le Conseil des ministres du mercredi 23 mars dernier a révélé que des départements ministériels doivent d’importantes sommes d’argent aux médias d’Etat. Ainsi a-t-on appris que la somme due aux Editions Sidwaya s’élève à deux cent trente-cinq millions sept cent soixante-onze mille soixante quinze (235 771 075) F CFA et que les arriérés dus à la RTB sont de huit cent trente-deux millions six cent quarante-sept mille cent cinquante (832 647 150) F CFA. Pour permettre à ces deux organes d’apurer leur portefeuille de créances, le Conseil a instruit les ministères concernés de prendre les dispositions nécessaires pour régulariser la situation. L’on aurait applaudi le gouvernement à tout rompre si celui-ci avait pris en compte l’ensemble des médias auxquels l’Etat est redevable. Mais dans le cas d’espèce, l’on peut faire le constat que le gouvernement ne se préoccupe que du cas des médias d’Etat. De ce fait, cette mesure pose un problème d’équité et de décence. En effet, il est de notoriété publique que l’Etat doit de l’argent à bien des médias privés au titre des prestations de service que ceux-ci ont rendues au profit des départements ministériels. De ce point de vue, que l’Etat ait choisi de manière discriminatoire d’inviter ses démembrements à s’acquitter de leurs dettes vis-à-vis des médias d’Etat, tout en oubliant les médias privés, est tout simplement inacceptable et peut susciter la question suivante : le gouvernement a-t-il conscience du rôle de la presse privée dans l’édification de la démocratie en général et du rôle qu’elle a déjà courageusement joué en particulier pour sauver la démocratie au Burkina quand celle-ci était sérieusement menacée par les forces qui avaient choisi délibérément de prendre en otage le peuple burkinabè par le mensonge et la terreur ? A cette question, l’on est en droit de répondre malheureusement par la négative et les faits parlent d’eux-mêmes. Bien que la situation économique dans laquelle les médias privés se trouvent aujourd’hui soit des plus difficiles, ils sont obligés de payer rubis sur ongle la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) pour les prestations rendues à crédit aux démembrements de l’Etat. Ensuite, l’Etat leur fait vivre toutes les misères du monde lorsqu’ils entament le parcours du combattant pour recouvrer leur dû. Tout se passe comme si le gouvernement a choisi de manière subtile, de mettre les médias privés à la diète noire au point de les amener à cesser leurs activités et de disparaître du paysage médiatique burkinabè. Or, tout le monde sait que ces médias, dans leur écrasante majorité, font du bon boulot. Ce n’est pas pour rien qu’à l’extérieur, ils ont bonne presse. Pour cela, ils méritent mieux, comme traitement de la part de l’Etat. Que l’on n’aille surtout pas croire par là que les médias privés attendent de l’Etat de l’aumône. Loin de là, ils attendent que l’Etat, de la même manière qu’il a pris des mesures pour permettre aux médias d’Etat de recouvrer leurs créances, en fasse de même en direction des médias privés. Et c’est le minimum qu’ils puissent demander au pouvoir de Roch Marc Christian Kaboré. Car, sans vouloir s’attribuer la paternité de la restauration de la démocratie au Burkina Faso, force est de reconnaître que les médias privés y ont joué de manière téméraire, peut-on dire, leur partition. L’opinion publique a été témoin du fait que bien de ces médias privés se sont montrés intraitables dans le traitement de l’information par rapport à l’article et pendant les pires moments de notre histoire récente où l’arbitraire s’était emparé des rênes de l’Etat. Pour cela, certains de ces médias ont payé un lourd tribut, en termes de traitements inhumains de leurs agents et de dégâts matériels. Le gouvernement de Roch Marc Christian Kaboré, qui, de surcroît, a en son sein, des ministres en provenance de ces médias, doit au plus vite réparer les torts faits aux hommes et aux femmes qui tirent leur pitance de ce domaine d’activités, si réellement il croit en la démocratie et au rôle de vigile que les médias privés en particulier jouent et ont joué au Burkina Faso. Dans les discours officiels, il ne tarit pas d’éloges et de promesses à l’endroit de ces médias, mais dans les faits, l’on peut avoir l’impression que c’est du « blaguer tuer », pour reprendre l’expression du musicien ivoirien Tiken Jah. Une des preuves palpables de cela, s’il en est besoin, est la mesure qu’il vient de prendre pour permettre aux médias d’Etat de recouvrer leurs dettes tout en oubliant et en discriminant royalement la presse privée qui est déjà accablée par les charges sociales et fiscales auxquelles elle doit faire face, à la différence des médias d’Etat sur lesquels la coopération étrangère déverse régulièrement des aides en tous genres.

 

Sidzabda   

 


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