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 RENCONTRE DE GENEVE SUR LE FRONT POLISARIO


Que peut-on en attendre ?

Les 5 et 6 décembre 2018, le dialogue sur le Sahara Occidental reprend à Genève, en Suisse, sous l’égide des Nations unies. La nouveauté est qu’en plus des deux protagonistes que sont le Maroc et le Front Polisario, cette rencontre de Genève connaîtra la présence de l’Algérie et de la Mauritanie, tous frontaliers de cette entité territoriale qui cherche son autodétermination que rechigne à lui concéder le Royaume chérifien qui est plutôt disposé à lui accorder une autonomie. Un problème vieux de quarante ans et dont les négociations étaient ensablées depuis six ans. Quand on connaît la position de l’Algérie que l’on dit plutôt acquise à la cause du Front Polisario, l’on peut se demander de quoi accouchera la rencontre de la capitale helvétique, sachant que le Royaume chérifien est aussi intraitable sur la question et multiplie d’ailleurs les initiatives diplomatiques pour une reconnaissance de ses droits sur ce territoire.

Une partie qui s’annonce comme un marquage à la culotte

C’est dire si ces négociations s’annoncent, d’ores et déjà, difficiles et serrées, quand on sait que la confiance n’est pas la chose la mieux partagée entre ces deux géants du Maghreb qui seront autour de la table des négociations. En tout cas, c’est la conclusion à laquelle l’on peut parvenir, quand on écoute le représentant permanent du Maroc à l’Organisation des Nations unies (ONU) qui déclare : « Si l’Algérie quitte la salle pour boire du thé ou du café, nous sortirons, nous aussi, pour siroter un thé ou un café ». Une partie qui s’annonce donc comme un marquage à la culotte dont on attend de voir ce à quoi elle va aboutir.

Mais avant tout, l’on peut déjà se féliciter qu’après tant d’années de rupture du dialogue, l’organisation internationale ait réussi à rassembler autant d’acteurs autour d’une même table, pour discuter d’un problème qui divise bien au-delà du cercle restreint des principaux protagonistes.  Car, sur la question, le Maroc semble bien isolé sur le continent africain où le peuple sahraoui continue de bénéficier du soutien inconditionnel de l’Union africaine (UA), depuis que son ancêtre, l’OUA (Organisation de l’unité africaine), avait accepté son admission au sein de l’organisation panafricaine au milieu des années 80. Même le retrait du Maroc, dans la foulée, en guise de protestation contre cette reconnaissance de fait de la RASD, n’a pas amené l’organisation continentale à changer sa position. Et ce, jusqu’au retour du Royaume chérifien dans la maison commune en début 2017, après 32 ans d’absence. C’est dire que n’eût été la force de la diplomatie marocaine, le problème aurait peut-être connu son épilogue depuis longtemps. D’autant plus que même au sein de l’ONU, la question du référendum d’autodétermination du Sahara occidental  fait son petit bonhomme de chemin depuis 1991, même si elle connaît des difficultés d’application.

D’un autre côté, l’on peut aussi se féliciter que les armes se soient tues, pour faire place aux discussions. Mais que peut-on véritablement attendre de ce sommet de Genève ? Qu’il fasse au moins bouger les lignes ? Mais là aussi, l’on peut être gagné par un certain pessimisme car l’on peut se demander si les protagonistes sont véritablement  animés de la volonté d’aller à un consensus et s’ils sont dans des dispositions d’esprit favorables à  des concessions.

Il est temps de trouver une solution à cette crise qui ressemble à une épine dans le pied de l’ONU

Mais une chose semble certaine, ce n’est pas en deux jours, encore moins  en une seule réunion, que l’on pourrait trouver la solution à un problème vieux de quatre décennies. D’autant que sur la question, au-delà des enjeux politiques, économiques, géographiques et diplomatiques, il se joue, en toile de fond, comme  une sorte de rivalité hégémonique entre ces deux grands nord-africains. Et si toute éventuelle concession devait être vécue par l’une ou l’autre des deux parties comme une capitulation, il serait étonnant que ces pourparlers puissent connaître une avancée significative pour aboutir aux résultats escomptés. Mais, à la vérité, il y a lieu de croire que si le dossier en est toujours là aujourd’hui, cela est dû à la force de la diplomatie marocaine. Assurément, l’héritage de la lutte pour le prestige du Royaume a visiblement été bien transmis dans la famille royale où le fils se montre pratiquement à la hauteur de son père dans la défense de ce dossier.

Cela dit, la question du Sahara occidental ressemble à un problème de décolonisation mal ficelé et mal géré. Du reste, l’occupation de ce territoire par l’Espagne jusque dans les années 70 en tant que puissance coloniale, apparaissait comme un anachronisme sur le continent où la plupart des pays avaient acquis leur indépendance depuis plusieurs années déjà. Mais après le retrait de l’Espagne en 1975, le Maroc a fait valoir ses prétentions sur ce territoire qu’il considère comme ses « provinces du sud », en plus de la Mauritanie qui avait aussi occupé le sud du Sahara occidental dont il a dû se retirer en 1979 après une guerre d’usure de trois ans et demi contre les indépendantistes du Front Polisario. Mais le Maroc s’empressera d’occuper la partie abandonnée par la Mauritanie.

En tout état de cause, il est temps de trouver une solution à cette crise qui ressemble à une épine dans le pied de l’ONU. D’autant plus que l’on peut déplorer qu’en plus de durer depuis des décennies, elle contribue aussi à diviser le continent sur un sujet aussi sensible que délicat.  Il revient à l’ONU de prendre ses responsabilités.

« Le Pays »


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