HomeA la uneRENCONTRE DES CHEFS D’ETAT EST-AFRICAINS SUR LE BURUNDI : Encore un sommet de plus

RENCONTRE DES CHEFS D’ETAT EST-AFRICAINS SUR LE BURUNDI : Encore un sommet de plus


La capitale tanzanienne abritera à nouveau, aujourd’hui 6 juillet 2015 et pour la 3è fois en seulement deux mois, un sommet de chefs d’Etat de la Communauté est-africaine (CEA) consacré à la crise politique au Burundi. Ce sommet qui se tient au lendemain des élections législatives et communales controversées et à la veille de la présidentielle qui consacrera, sauf retournement extraordinaire de situation, Pierre Nkurunziza comme « timonier en chef » du Burundi, n’accouchera à coup sûr que d’une minuscule souris, pour le bonheur du camp présidentiel et la désillusion de ceux qui exigent le respect des accords d’Arusha. Le président burundais dont la présence en terre tanzanienne n’est pas confirmée, sait déjà que ses homologues, pour ne pas dire ses comparses de la CEA, n’iront pas jusqu’à le contrarier dans sa décision irrévocable de briguer le mandat de trop, le 15 juillet prochain. On se rappelle en effet qu’à l’exception notable du Rwanda, tous les pays membres de cette organisation sous-régionale avaient adressé une lettre de félicitation à la Commission électorale indépendante et au peuple burundais pour l’organisation réussie des élections législatives et communales le 29 juin dernier.

Cette sortie des diplomates de la CEA auxquels s’est étonnamment associé celui de l’Afrique du sud, aurait prêté à sourire si elle n’avait pas conforté le boucher de Bujumbura dans sa logique répressive et sa détermination à obtenir du temps additionnel pour continuer à présider aux destinées du Burundi, malgré les protestations et les condamnations tous azimuts. Nkurunziza est d’autant plus convaincu de son bon droit qu’il dispose encore de soutiens, principalement à l’intérieur du pays et au sein des forces de sécurité, qui lui servent de bouclier et de « dissuasion nucléaire » pour réduire ses contempteurs au silence ou les contraindre à l’exil. Plus de 70 Burundais ont en effet trouvé la mort depuis avril dernier, suite à la décision du président burundais de donner un coup de poignard aux accords d’Arusha, et près de 140 000 autres se sont réfugiés dans les pays voisins, principalement au Rwanda. Cela ne semble pas émouvoir outre mesure le pasteur Nkurunziza qui vient de récuser le représentant spécial des Nations Unies, Abdoulaye Bathily, dont le péché est d’avoir dénoncé l’organisation chaotique des législatives et des locales passées. Et tout cas, on est bien loin de la fin de la comptabilité macabre, d’autant qu’on enregistre de plus en plus, dans la capitale burundaise et dans la province de Bujumbura rurale, des actions de guérilla perpétrées par des individus pas toujours identifiés, et qui laissent présager des replis identitaires et des massacres à grande échelle dans ce petit pays qui a déjà connu, à plusieurs reprises, les douloureuses expériences de la guerre civile.

Plus on perd du temps avec ces sommets qui se suivent et se ressemblent, plus on s’achemine vers un embrasement de toute la région des Grands lacs

Ne nous voilons pas la face, cette crise politique pourrait bien réveiller les tensions ethniques qui avaient détricoté le tissu social en opposant les deux principales ethnies du pays que sont les hutus et les tutsis. Le risque est grand, en effet, qu’une fois que les négociations et les pressions auront échoué à convaincre le président burundais de passer le témoin à un Tutsi comme le prévoient les accords qui ont consacré la fin de la guerre civile, les Tutsis prennent des armes pour apporter la contradiction aux miliciens Imborenakure très majoritairement constitués de Hutus favorables à Nkurunziza. On assistera alors à une régionalisation du conflit, et dans ce scénario-catastrophe, on verra les autorités rwandaises en première ligne soutenir les Tutsis burundais, avec tout ce que cela pourrait engendrer comme désastre à l’intérieur même du Rwanda. On n’en est pas encore là certes, mais plus on perd du temps avec ces sommets qui se suivent et se ressemblent, plus on s’achemine vers un embrasement de toute la région des Grands lacs où des populations risquent de se massacrer les unes les autres, sur des bases ethniques ou identitaires. C’est seulement à ce moment-là qu’on aura peut-être droit à une réaction ferme de la communauté internationale dont l’apathie et l’attentisme actuels pourraient être des charges retenues contre elle, quand elle comparaîtra devant le tribunal de l’histoire pour non-assistance à peuple (burundais) en danger. Certains pays comme la Belgique et la Suisse ont suspendu une partie de leur coopération avec le Burundi, mais que valent ces mesures face à un Nkurunziza droit dans ses bottes et auréolé du soutien tacite de ses pairs de la CEA, et dans une certaine mesure de l’Union africaine (UA) ? Absolument rien, sinon donner l’occasion au président burundais de surfer sur un nationalisme de mauvais aloi. On aura remarqué qu’aucun pays membre du tout-puissant Conseil de sécurité de l’ONU n’a encore pris de sanctions contre le régime burundais. Des pays comme les USA, la France ou la Grande Bretagne auraient pu saisir l’occasion de l’organisation calamiteuse des récentes élections législatives et communales, pour annoncer une batterie de mesures contraignantes pour empêcher Nkurunziza d’aller jusqu’au bout de sa logique meurtrière et dictatoriale, en maintenant sa candidature. Mais non, on a seulement eu droit, de la part de la grande Amérique, à un petit communiqué pour dénoncer la tenue des élections dans « des conditions terriblement inadéquates ». La communauté internationale, dans son ensemble, doit se rendre à l’évidence que le plus terrible dans le cas du Burundi, ce n’est pas l’organisation chaotique des élections législatives et communales, mais plutôt le fait de laisser un despote franchir allègrement le Rubicon de la bêtise, en maintenant sa candidature aux fonctions de président de la République, envers et contre tous.

Hamadou GADIAGA


Comments
  • A propos de “RENCONTRE DES CHEFS D’ETAT EST-AFRICAINS SUR LE BURUNDI : Encore un sommet de plus” sorti dane LE PAYS N05891 du 06/7/2015, vous indiquez que :

    “Le risque est grand, en effet, qu’une fois que les négociations et les pressions auront échoué à convaincre le président burundais de passer le témoin à un Tutsi comme le prévoient les accords qui ont consacré la fin de la guerre civile, les Tutsis prennent des armes pour apporter la contradiction aux miliciens Imborenakure très majoritairement constitués de Hutus favorables à Nkurunziza.”, or dans les accords d’ARUSHA rien ne dit qu’il doit y avoir passage du temoin à un Tutsi à la fin de la période de deux mandats successifs présidentiels. Il peut être Tutsi, Hutu ou Twa selon les réultats des urnes.

    6 juillet 2015

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