HomeA la uneRENCONTRE GOUVERNEMENT/CORPS DIPLOMATIQUE : La transition peut continuer son bonhomme de chemin

RENCONTRE GOUVERNEMENT/CORPS DIPLOMATIQUE : La transition peut continuer son bonhomme de chemin


Le gouvernement, suite à l’adoption du projet de loi portant révision du Code électoral et l’arrestation d’anciens dignitaires du régime déchu, a rencontré le lundi 13 avril  dernier, le corps diplomatique. L’objectif de cette démarche était de justifier les mesures contenues dans le nouveau Code électoral. Pour le gouvernement, en effet, il n’a fait que traduire dans les actes la volonté explicitement exprimée du peuple de « ne plus voir les dirigeants de l’ancien régime qui se sont  obstinés à modifier l’article 37 de la Constitution » et de mettre en application les dispositions de la Charte africaine de la démocratie et de la bonne gouvernance. Il n’y a pas lieu donc de lui faire un procès en sorcellerie.

Sans l’accompagnement du corps diplomatique, la transition ne pourra pas tenir les élections à bonne date

Après les explications gouvernementales, l’ambassadeur des Etats-Unis et celui de l’Union Européenne (UE) ont dit leur satisfaction d’avoir été conviés à cette rencontre, puis se sont engagés à étudier les informations reçues avant, disent-ils, de « décider de la démarche à adopter ». En attendant cette décision, ils ont tenu à réaffirmer leur attachement « au caractère inclusif du processus »

Mais le diplomate américain a apporté la précision suivante qui, à notre sens, vaut son pesant d’or :  « Nous sommes des partenaires, nous allons accompagner le peuple burkinabè dans ses choix ». La question que cette nuance peut susciter est la suivante : la transition politique mise en place après les évènements des 30 et 31 octobre derniers est-elle un choix du peuple burkinabè ? A cette question, il est difficile de trouver des arguments pour répondre par la négative. Car les faits parlent d’eux-mêmes. C’est pour cette raison d’ailleurs que le Burkina n’a pas été sanctionné. Mieux, il a même été félicité.

Evoquant la question des arrestations d’anciens dignitaires du régime de Blaise Compaoré, l’ambassadeur de l’Union européenne (UE), dans les colonnes de notre édition du 14 avril 2015, a dit ceci : « ce que l’on souhaite, c’est que tout ce qui est conduit par qui que ce soit, le soit dans le respect de la loi ». Cet avis est également partagé par son collègue des Etats-Unis. A propos de l’initiative du gouvernement de rencontrer le corps diplomatique et la réaction que cela a suscitée de la part des chancelleries, l’on peut faire les observations suivantes. D’abord, l’on peut apprécier le souci du gouvernement d’échanger avec les ambassadeurs sur ce qui marque l’actualité ces temps-ci, et qui suscite une grave polémique au pays « des Hommes intègres ». Cette démarche est d’autant plus à saluer que l’on sait que sans l’accompagnement du corps diplomatique, la transition ne pourra pas tenir les élections à bonne date. Ensuite, pour que le Burkina évite de donner à l’extérieur, l’image d’un pays où les opposants politiques sont persécutés systématiquement et où les arrestations sont dignes d’un Etat policier, cette démarche du gouvernement était, on ne peut plus impérative. En ce qui concerne les réactions des ambassadeurs de l’UE et des Etats-Unis, l’on peut en dire ce qui suit. Ils se sont souciés de la bonne marche de la transition et de la nécessité de la cohésion sociale, en insistant sur des  principes qui sont au cœur même de toute élection qui se veut ouverte et démocratique dans tout Etat de droit digne de ce nom. De ce point de vue, nul ne peut leur jeter la première pierre, pour avoir plaidé la cause de ce qui semble être à leurs yeux, celle du peuple.

Le peuple burkinabè attend de voir  la nature de la réponse  des ambassadeurs aux explications du gouvernement

Tout ce que l’on peut souhaiter, en l’état actuel des choses, est que l’inclusion prônée par les ambassadeurs ne soit pas synonyme d’impunité et ce, dans l’intérêt supérieur de la démocratie et du peuple burkinabè. Et les intérêts pourraient se décliner de la façon suivante. D’abord, les Burkinabè pourraient s’attendre à ce qu’enfin, un début de suite judiciaire soit apporté à tous les dossiers de crimes économiques et de sang. En effet, ce préalable ne peut pas être passé par pertes et profits, si l’on veut véritablement que le Burkina édifie sur les cendres du régime de Blaise Compaoré une démocratie solide, un peu à l’image des démocraties occidentales. Car l’impunité est aux antipodes de tout Etat de droit et constitue de ce fait un véritable handicap pour la promotion de la démocratie. Si l’Afrique, depuis toujours, porte le bonnet d’âne dans le domaine de la lutte contre la corruption et dans celui de la  protection des droits humains, c’est parce que justement, des fils et filles de ce continent se sont arrogés le droit de le piller et de disposer de la vie de leurs concitoyens comme s’ils étaient à l’âge d’or du Moyen Age. Ensuite, le peuple voudrait que plus jamais, il ne vienne à l’esprit de personne qu’il peut torturer impunément la démocratie au Burkina Faso. Or, cela exige, pour des raisons pédagogiques évidentes, que ceux qui s’y sont déjà essayés en toute conscience dans notre pays, fauchant de ce fait la vie  à des Burkinabè, ne soient pas associés, six mois  seulement après leur tentative d’assassinat de la démocratie, à l’animation de la vie politique au point de vouloir briguer des mandats électifs. Est-ce cela l’exclusion ? D’ailleurs, nulle part dans le nouveau Code électoral, il n’a été mentionné l’exclusion d’un parti politique. Le peuple burkinabè attend de voir quelle sera la nature de la réponse que les ambassadeurs se proposent d’apporter aux explications du gouvernement. Ira-t-elle dans le sens de la promotion de la démocratie et de la responsabilité sociale des hommes politiques ou s’inspirera-t-elle de la thèse de l’ancien président français, Jacques Chirac, à laquelle souscrivent tous les satrapes du continent noir et selon laquelle : « la démocratie est un luxe pour l’Afrique » ?

« Le Pays »


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