HomeA la uneREOUVERTURE DU DOSSIER NORBERT ZONGO : Connaîtra-t-on enfin la vérité, toute la vérité ?

REOUVERTURE DU DOSSIER NORBERT ZONGO : Connaîtra-t-on enfin la vérité, toute la vérité ?


« Le peuple veut la justice ! Alors Justice sera rendue au camarade Norbert Zongo et à tous ceux qui sont tombés sous les balles assassines du pouvoir de Blaise Compaoré ». Ainsi s’exprimait, le 13 décembre dernier, le Premier ministre Yacouba Isaac Zida à la Place de la Nation, à l’occasion de la commémoration du 16e anniversaire de l’assassinat du journaliste Norbert Zongo et de ses compagnons d’infortune, devant des milliers de Burkinabè. Ils étaient sortis nombreux pour exiger que toute la lumière soit faite dans cette affaire qui avait abouti à un non-lieu en 2006, sous le régime du président déchu Blaise Compaoré.

Pour joindre l’acte à la parole, les autorités de la transition ont décidé de la réouverture de ce dossier brûlant et très attendu par bien des Burkinabè et des non-Burkinabè. L’annonce en a été faite par la ministre de la Justice, Joséphine Ouédraogo,  lors du Conseil des ministres du mardi 23 décembre 2014.

Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il était temps que l’on rouvre ce dossier, surtout que, si l’on en croit les déclarations du très contesté et éphémère ministre de la Culture et du tourisme de la transition, Adama Sagnon, ce dossier devrait être définitivement prescrit en 2016, si aucun fait nouveau ne permet de le rouvrir entre-temps. Ce fait nouveau sera justement la chute de Blaise Compaoré, accusé d’avoir mis le pied sur ce dossier, pour couvrir son clan et sa famille sur qui pesaient et convergeaient tous les soupçons.

Après seize ans d’obscurité, d’opacité, de déni de justice et de refus de la lumière, les Burkinabè pensent le moment venu pour enfin voir la lumière jaillir de l’autodafé de Sapouy ; chose qui ne serait pas possible si Blaise Compaoré était toujours au pouvoir.

Mais si les Burkinabè épris de justice ont des raisons de se réjouir de la réouverture de ce dossier, les  difficultés ne sont pour autant pas toutes levées pour son aboutissement heureux, malgré l’éloignement de Blaise Compaoré et de ses proches, notamment son petit frère François dont le nom revient comme une rengaine dans cette affaire. C’est pourquoi l’on est fondé à se poser certaines questions, notamment celle fondamentale de savoir si l’on connaîtra enfin la vérité, et toute la vérité sur ce dossier. A la suite de cette question, l’on se demande justement si des acteurs-clé, qui ont pris la clé des champs, pourront être entendus dans cette affaire, pour que toute la lumière puisse jaillir et que toutes les responsabilités soient situées. En tout cas, toute personne qui serait mise en cause dans ce dossier a le droit de se défendre, et les Burkinabè seraient intéressés au plus haut point d’entendre éventuellement Blaise Compaoré ou François Compaoré sur la question. Ce rêve est-il seulement permis ? L’histoire nous le dira.

Si l’on devait aboutir aux mêmes résultats, il n’est pas certain que la soif de justice des Burkinabè soit étanchée

Par ailleurs, même si l’on peut espérer qu’avec la chute de Blaise Compaoré, les langues se délieront plus facilement, il y a lieu de se demander si tous les acteurs touchés de près ou de loin par cette affaire, accepteront de coopérer franchement avec la Justice, sans certaines garanties. En cela, il ne serait pas superflu de prendre des mesures conservatoires pour sécuriser d’abord les deux survivants qui restent des six suspects sérieux qui avaient été écroués à l’époque. Cela, pour éviter qu’ils ne disparaissent d’eux-mêmes ou par le fait ou le concours d’autres personnes.

En tout cas, les juges qui auront à traiter ce dossier ont l’occasion de s’assumer en vérité et en toute conscience. Pour cela, il faut aussi espérer que les éventuels témoins ne s’imposent pas une auto-censure, au nom d’une prétendue morale ou toute autre raison farfelue. La morale voudrait justement que face à un acte barbare d’une telle cruauté, l’on rende à l’histoire ce qui lui revient de droit, pour que jaillisse la vérité, toute la vérité,  afin que les âmes des disparus reposent en paix et que leurs familles puissent en faire dignement le deuil.

Si Blaise Compaoré, au nom de l’amour pour sa famille et son clan, les a protégés au mépris de toute une nation – voire au-delà- qui aspirait à la vérité, il faudrait qu’au nom de l’amour pour la justice, tous ceux qui peuvent apporter leur contribution pour la manifestation de la vérité, puissent le faire en toute âme et conscience, pour qu’on en finisse une fois pour toute avec ce dossier qui a pourri l’atmosphère nationale et le mandat de Blaise Compaoré, ce dernier restant dans la mémoire collective comme ayant travaillé à couvrir des coupables. Toute chose qui justifierait quelque part son obstination à vouloir rester au pouvoir ad vitam aeternam, pour éviter qu’en son absence, l’on ne soulève la dalle de l’opacité qui recouvrait ce dossier, que la lumière ne jaillisse dans toute sa crudité, et la vérité dans toute sa laideur.

Toutefois, l’une des difficultés majeures de ce dossier, c’est que si l’on devait aboutir aux mêmes résultats, il n’est pas certain que la soif de justice des Burkinabè soit étanchée, tant il est vrai que chacun a déjà fait son propre jugement sur l’affaire et que certains ont leurs coupables déjà désignés. C’est pourquoi la réouverture de ce dossier doit s’entourer de toutes les garanties de respect des règles, aussi bien dans la forme que dans le fond, pour la recherche de la vérité. Il y va de la crédibilité des autorités de la transition et de tous ceux-là qui seront appelés à intervenir dans ce dossier, surtout quand on sait que certains acteurs majeurs de la Justice, qui avaient joué un rôle important dans le traitement de cette affaire, sont toujours dans le système. Leur bonne connaissance du dossier devrait être un atout pour que les choses aillent vite et dans le bon sens. Mais en même temps, quand il se dit que le traitement de ce dossier avait valu bien des avantages, des promotions et même des galons à certaines personnes sous le régime Compaoré, l’on est en droit de se demander si ces derniers joueront le jeu jusqu’au bout et si certains accepteront de se dédire aussi facilement. Est-ce du reste dans l’intérêt de tous que ce dossier aille jusqu’au bout ? La question reste posée.

Mais d’ores et déjà, l’on peut dire que la seule volonté ne suffira pas à faire jaillir toute la vérité dans cet épineux dossier. Au-delà, il va falloir aussi beaucoup d’audace. Quoi qu’il en soit, les dés sont jetés et le peuple attend de voir.

 

Outélé KEITA


Comments
  • Nous sommes tous contents pour la réouverture du dossier. Mais la meilleure façon de bien gérer ce dossier, c’est d’anticiper à chaque étape sur les débats possibles. Et sur ce point, ça commence mal et pour cause: un dossier dans lequel il y a eu un non lieu ne peut être rouvert que s’il y a un fait nouveau. Le fait nouveau s’entend de tout élément de fait qui, s’il avait été connu avant l’intervention du non lieu, aurait pu conduire à une décision contraire, ou à tout le moins, à d’autres actes supplémentaires d’instruction pour établir la vérité. Est ce que le fait que la Cour africaine des droits de l’homme ait dit que le dossier n’a pas été bien géré est un élément de fait? Allons en acceptant les débats dépassionnés si on veut éviter un autre non lieu sinon chacun en sera comptable aussi bien les juges que nous.

    26 décembre 2014
    • œil divin, tout le peuple se réjouit de la réouverture du dossier Norbert ZONGO, mais au préalable il faut des jalons. Ce dossier connaitra le même sort, si le magistrat qui est au commande du parquet de la cour d’appel y demeure. Il s’y trouve aujourd’hui parce qu’il a géré ce dossier à la guise de certaines personnes partisanes et pour ultime récompense à cette fidélité, nous en sommes là. Rouvrir le dossier oui, mais si la personne qui a prononcé le non lieu est actuellement au point d’arrivée du dossier, qu’attendez-vous au fait? trouvez-nous d’abord un Procureur du Faso, un juge d’Instruction et un procureur général au service de la justice pour rendre justice, c’est tout ce qu’on attend. Ne nous parlez de ce dossier si cette question primordiale n’est pas réglée, sinon les non-lieu y’en aura toujours et pour ce même dossier.

      26 décembre 2014
  • Apparemment meme Balla Kéita fut victime de ce régime.Les burkinabé ont intéret a juger ces ex dictateurs assassins pour que les peuples qui en ont fait les frais puissent avoir la paix au cas ou ils ne voudraient pas le faire pour eux

    26 décembre 2014
  • œil divin, tout le peuple se réjouit de la réouverture du dossier Norbert ZONGO, mais au préalable il faut des jalons. Ce dossier connaitra le même sort, si le magistrat qui est au commande du parquet de la cour d’appel y demeure. Il s’y trouve aujourd’hui parce qu’il a géré ce dossier à la guise de certaines personnes partisanes et pour ultime récompense à cette fidélité, nous en sommes là. Rouvrir le dossier oui, mais si la personne qui a prononcé le non lieu est actuellement au point d’arrivée du dossier, qu’attendez-vous au fait? trouvez-nous d’abord un Procureur du Faso, un juge d’Instruction et un procureur général au service de la justice pour rendre justice, c’est tout ce qu’on attend. Ne nous parlez de ce dossier si cette question primordiale n’est pas réglée, sinon les non-lieu y’en aura toujours et pour ce même dossier.

    26 décembre 2014

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