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REPORT DES LEGISLATIVES AU MALI


 Une décision qui arrange tout le monde

Initialement prévues pour le 28 octobre 2018 et reportées une première fois d’un mois en raison d’une grève des préfets, les élections législatives au Mali ont à nouveau été repoussées, cette fois-ci, de six mois et devront se tenir en 2019. Ce, au terme d’un arrêt de la Cour constitutionnelle qui, « pour raison de force majeure, proroge jusqu’à la fin du premier semestre de 2019, le mandat des députés ». Si la juridiction électorale suprême n’a pas voulu  s’expliquer sur les motifs de cette « raison de force majeure », il reste que le report de ces élections législatives ne semble pas déplaire à la classe politique. Quand on sait que sous nos tropiques, ce sont autant de sujets à polémique, il y a lieu de croire que dans le cas d’espèce, c’est une décision qui arrange tout le monde.

Ce report apparaît comme une bouffée d’oxygène pour le gouvernement

Et pour cause. Primo, en tant que premiers bénéficiaires de la mesure de prorogation, on voit mal les députés de la présente législature se plaindre d’une telle décision. Secundo, du côté du pouvoir, c’est une décision qui lui permettra sans nul doute d’avoir du répit, en attendant d’avoir peut-être un terrain d’entente avec le front de refus de l’opposition politique qui est toujours dans la contestation des résultats de la présidentielle. Tertio, du côté de l’opposition, c’est une mesure qui permettra aussi de mieux se préparer pour les législatives après l’échec à la présidentielle, dans l’espoir de contraindre le président Ibrahim Boubacar Kéïta (IBK) à la cohabitation, en cas de succès. Et en la matière, l’on n’a jamais fini de se préparer. C’est dire   que c’est un report qui profite à tout le monde, étant entendu que dans le même temps, le pouvoir pourra s’atteler à la résolution de problèmes domestiques qui s’annoncent comme autant de défis pour le président IBK, à l’entame de son dernier mandat constitutionnel. Entre autres, en travaillant à déplomber l’accord d’Alger dont l’application sur le terrain est toujours attendue comme le remède à la grave crise que traverse le pays depuis maintenant bientôt six ans, à travers notamment des réformes institutionnelles qui pourraient permettre de parvenir à une décrispation de la situation. C’est pourquoi l’on ne saluera jamais assez le report de ces législatives, qui semble du reste faire l’affaire des Maliens eux-mêmes. D’autant   que la tension consécutive à la présidentielle contestée d’août dernier, est encore loin d’être complètement retombée. Dans ces conditions, le risque était grand que les frustrations nées du scrutin passé et encore vivaces dans les cœurs, ne rejaillissent négativement sur les échéances électorales à venir, tant certains esprits sont encore surchauffés. Aussi ce report du scrutin jusqu’à la mi-2019, apparaît-il comme une bouffée d’oxygène pour le gouvernement malien acculé par une opposition qui continue de ruer dans les brancards. C’est aussi, peut-on dire, le moindre mal, face au risque de tenir ces élections dans la foulée de la présidentielle, dans une atmosphère sociopolitique aussi tendue.

Car, d’ici là, beaucoup d’eau aura coulé sous les ponts et tout le mal que l’on souhaite au Mali, c’est de pouvoir se redresser pour tenir ces législatives dans le calme et la sérénité.

Il convient de mettre ce report à profit pour travailler à aplanir les difficultés

Il y va de l’intérêt de tous, et surtout du pays qui traverse déjà une zone de turbulences des plus agitées avec des attaques terroristes à répétition et autres affrontements intercommunautaires par endroits, en passe d’hypothéquer l’avenir du pays et de réduire à néant tous les efforts de développement.

Il revient donc au gouvernement de s’employer à  réussir l’organisation de ces législatives en ne prêtant pas le flanc  à la critique, comme lors de la présidentielle passée dont la hache de guerre n’a pas encore été enterrée par Soumaïla Cissé et compagnie. En tout cas, il convient de mettre ce report à profit pour travailler à aplanir les difficultés et à rétablir la confiance entre les parties. Et surtout d’éviter qu’il ne vienne approfondir la fracture entre les militants  de l’opposition et ceux de la majorité qui se regardent aujourd’hui en chiens de faïence. Car, le pire serait de se retrouver, dans huit mois, dans une situation encore plus explosive que celle d’aujourd’hui. Ce serait un échec cuisant dont serait comptable toute la classe politique malienne, principalement le pouvoir qui a ici l’occasion de se racheter des nombreux griefs et autres défaillances décriées dans l’organisation du scrutin présidentiel. En même temps, ce report qui a toutes les allures d’un coup gagnant pour le pouvoir, sonne comme un appel à la réconciliation et à l’apaisement des cœurs, pour permettre au pays de bien amorcer le virage du deuxième quinquennat du président IBK. Les Maliens sauront-ils saisir la perche ? Wait and see.

« Le Pays » 


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