REPRESAILLES CONTRE LES MUSULMANS A ORLANDO : Déconstruire le discours de la haine et de la division

 

La communauté musulmane d’Orlando aux Etats-Unis est pointée du doigt depuis le massacre de la boîte de nuit « Pulse ». Le fait que l’auteur de cette boucherie, Omar Mateen, un Américain d’origine afghane, était de confession musulmane, en est le prétexte. La colère des Américains est compréhensible. Mais, il y a lieu de savoir raison garder. Car les confusions entre le comportement d’un terroriste qui agit par haine viscérale et les préceptes de sa religion, sont à éviter. Les amalgames de ce genre sont à proscrire. C’est un dangereux poison qui peut détruire le vivre-ensemble. Ces amalgames rendent service, in fine, aux terroristes. En effet, face à la stigmatisation, au rejet dont ils sont  victimes, même les musulmans les plus modérés pourraient finir par « craquer ». En réaction à l’adversité, certains peuvent avoir tendance à se radicaliser aussi. Ainsi les auteurs des amalgames facilitent-ils la tâche aux mouvements terroristes et à leurs agents recruteurs. Désespérés, lassés d’être ostracisés, des gens peuvent finir par se convaincre que la réponse qui sied le mieux à leur ostracisme, serait de poser des actes qu’ils détestent le plus : les attentats terroristes.

Les terroristes se frottent les mains chaque fois qu’ils réussissent à fracturer une société

Si on n’y prend garde, la haine de l’autre deviendra une plante vénéneuse que chacun prendra le soin de faire pousser et d’arroser pour en faire un arbre géant au fil des ans. La haine qui trouvera ainsi un terreau si fertile, se déploiera de toutes ses forces. Tout cela aboutira à une société dont le fossé entre communautés sera abyssal. En tout cas, avec un tel manque de cohésion, les terroristes peuvent plus facilement infiltrer les rangs et distiller leur venin mortel. Du reste, ils se frottent les mains chaque fois qu’ils réussissent à fracturer une société. Ils savent que dès cet instant, cette société devient perméable à souhait, pour la réalisation de leurs basses besognes. C’est dire combien il sied d’éviter de laisser prospérer les amalgames. Ce qui arrive à Orlando n’est pas spécifique ou exclusif à cette ville américaine. Un peu partout dans le monde occidental, chaque fois qu’il y a des actes terroristes, le réflexe est de pointer un doigt accusateur, le plus souvent, sur les musulmans. Même dans un pays comme le Burkina réputé pour la coexistence harmonieuse entre ses communautés, on a pu observer, à la suite des attaques terroristes sur l’avenue Kwame N’Krumah à Ouagadougou, certains actes et paroles tendant à jeter l’anathème sur une communauté. Fort heureusement, ces dérives ont été étouffées dans l’œuf. C’est justement ce qu’il convient de faire en pareilles circonstances. L’amalgame entre islam et terrorisme est un phénomène qui ne date pas d’aujourd’hui. Pire, cet amalgame a eu le temps de faire son nid dans l’inconscient collectif. Dans les pays occidentaux, il y en a qui expriment à haute voix, leur rejet du musulman, mais il y en a également qui se taisent, mais qui n’approuvent pas moins ces idées haineuses. La profondeur du mal mérite que des dispositions soient prises à tous les niveaux. Il faut à tout prix déconstruire le discours de la haine et de la division.

Les journaliste se doivent de travailler à mettre à nu les véritables mobiles des terroristes

Il faut, dans bien des pays, réapprendre aux communautés à vivre ensemble dans l’harmonie et la confiance réciproque. Pour réussir ce pari, en Occident notamment, le concours de plusieurs acteurs est nécessaire. Les autorités politiques doivent accentuer la sensibilisation en veillant à ce que les discours haineux ne prospèrent pas. Il convient de sensibiliser, de susciter et d’encourager toute initiative s’inscrivant dans le cadre de la destruction des barrières entre communautés. La contribution des médias est des plus nécessaires dans le sens de mieux éclairer l’opinion sur certaines questions comme le phénomène terroriste et la religion, de sorte à lever les zones d’ombre et éviter les amalgames. Les journalistes, forts de leurs responsabilités sociales, se doivent de travailler à éviter les biais et les insinuations dangereuses et à mettre à nu les véritables mobiles des terroristes. Toujours est-il que les médias peuvent être d’un grand apport dans cette œuvre titanesque de déconstruction des a priori, des amalgames, des discours et actes de stigmatisation entre communautés.

D’autres acteurs et non des moindres comme les leaders et érudits musulmans, ne devraient pas être en reste dans ce combat. Leurs interventions doivent pouvoir aider leurs adeptes à mieux connaître les préceptes de la foi islamique, à faire clairement la part des choses entre les « faux illuminés » et les vrais croyants. L’ignorance de l’autre faisant très souvent le lit des haines, des rejets, des confusions, il convient de travailler à vaincre ou du moins à réduire cette ignorance.

« Le Pays »