HomeA la uneREPRESSION DE MANIFESTATIONS ANTI-CONSTITUTION EN CÔTE D’IVOIRE : Les prémices d’une campagne référendaire électrique

REPRESSION DE MANIFESTATIONS ANTI-CONSTITUTION EN CÔTE D’IVOIRE : Les prémices d’une campagne référendaire électrique


La météo politique est mauvaise en Côte d’Ivoire. En effet, le 20 octobre 2016, à deux jours de l’ouverture de la campagne du référendum prévu le 30 octobre prochain pour permettre aux Ivoiriens de se prononcer sur un projet de nouvelle Constitution, il y a eu du grabuge dans les rues d’Abidjan. Une manifestation interdite de l’opposition, contre ce projet, a, en effet, fait l’objet d’une répression policière. Gaz lacrymogènes et interpellations brutales de leaders comme Aboudramane Sangaré et Mamadou Coulibaly pour ne citer qu’eux. En rappel, l’opposition est vent debout contre le projet de  nouvelle loi fondamentale, défendu par Alassane Dramane Ouattara (ADO), qui permet de rendre le pouvoir hyper-présidentiel, de consacrer une grande concentration de pouvoirs entre les mains du chef de l’Etat. Cette manifestation et la répression qui en a suivi, sont visiblement les prémices d’une campagne référendaire électrique. Certes, cette répression peut se justifier par le fait que la manifestation était interdite par la préfecture d’Abidjan. Seulement, on sait que les interdictions de ce genre cachent en réalité une volonté d’étouffer toute contestation, tout son de cloche contraire à la voix du maître comme on a coutume de le voir en Afrique.

ADO déçoit bien des gens

Dans les démocraties qui se respectent, le point de vue d’un citoyen ou d’un groupe de citoyens, même lorsqu’il n’est pas favorable au pouvoir, doit pouvoir être exprimé en toute liberté. Le pouvoir doit même en être le garant, pour peu que cette expression se fasse de façon pacifique et dans les règles de l’art. D’ailleurs, cette interdiction de manifester brandie à la face des opposants au projet de nouvelle Constitution, contraste avec le traitement bienveillant qui a été réservé récemment aux manifestants favorables au même projet. C’est du deux poids deux mesures. Les conditions doivent être réunies pour permettre à chaque Ivoirien et chaque camp, de dire, en toute liberté et en toute responsabilité, ce qu’il pense. Il appartient au chef de l’Etat d’y veiller. Seulement, on ne peut pas dire qu’ADO fait montre d’une telle disposition d’esprit. En effet, quand un chef d’Etat taille un projet de Constitution à la taille de son camp, tout en prenant le soin de museler et de réprimer ceux qui osent s’y opposer, ce n’est ni plus ni moins que de la dictature. Ce faisant, ADO déçoit bien des gens. En tout cas, ce projet de nouvelle Constitution ivoirienne suscite des questionnements et bien des inquiétudes, tant dans son élaboration que dans son contenu. En effet, la procédure de rédaction du texte n’a pas été des plus participatives. ADO semble avoir décidé d’ignorer royalement tous les sons de cloche contraires dans la rédaction de ce texte fondamental. On peut déplorer cet état de fait. Une Constitution n’est pas l’affaire d’un homme ni de son clan. Elle ne doit pas l’être dans un Etat de droit démocratique digne de ce nom. Par conséquent, elle doit être, autant que faire se peut, le fruit d’un consensus national ardemment recherché. Hélas, la consultation politique et le dialogue n’ont pas été les maîtres-mots dans l’élaboration de ce projet de nouvelle Constitution ivoirienne. Loin s’en faut.

La barre peut encore être redressée

L’enjeu qui est la paix et la stabilité véritables, ne méritait-il pas que tous les efforts nécessaires fussent consacrés à la recherche du consensus ? La situation est d’autant plus inquiétante qu’en plus du caractère non participatif de son élaboration, le projet de Constitution est porteur de dispositions qui amènent à s’interroger sur les véritables objectifs des tenants du pouvoir actuel. Pourquoi le président ADO veut-il renforcer les pouvoirs du locataire du Palais de Cocody, quand on connaît déjà le poids des chefs d’Etat sous nos cieux ? Sera-t-il vraiment disposé à quitter son fauteuil présidentiel à la fin de son mandat où prendra-t-il le risque de s’y accrocher avec tout ce que cela comporte comme germes de conflits ? De façon générale, en démocratie, il n’est pas de bon ton que le déséquilibre des pouvoirs soit prononcé. Surtout dans les démocraties balbutiantes où ce sont les hommes qui sont forts et non les institutions. A l’analyse, les répressions tous azimuts auxquelles on assiste, sont la résultante et le prolongement du refus de la quête d’un consensus autour de ce projet de loi fondamentale. Quand on refuse de résoudre en amont les problèmes de ce genre, il y a de fortes chances qu’on les retrouve en aval du processus électoral, dans les eaux boueuses de la contestation avec tous les dégâts qu’elles peuvent charrier. La répression et le passage en force, ne traduisent pas  moins une certaine frilosité du pouvoir en place. La même frilosité a certainement empêché l’acceptation d’une démarche sage et participative dans l’élaboration du projet de Constitution, qui, du reste, aurait pu être placée sous la houlette, en principe, neutre de la société civile. La situation est certes difficile, mais avec une bonne dose d’humilité et de remise en cause de soi, la barre peut encore être redressée. Comme le dit l’adage, « il n’est jamais tard pour bien faire ». Les Ivoiriens, avec en tête les tenants du pouvoir actuel, seraient bien inspirés de se ressaisir au plus vite, pour rechercher un minimum de consensus sur ce dossier. Compte tenu de l’importance de la Loi dont il est question, le jeu en vaut la chandelle. Ce d’autant que personne n’ignore à quel point les dissensions et mésententes passées et relatives aux dispositions constitutionnelles, auront entraîné la longue et meurtrière guerre fratricide qui a déchiré la Côte d’Ivoire. Pour l’heure, les leçons des errements politiques du passé et de leurs conséquences désastreuses sur la cohésion du pays, ne semblent pas avoir encore été suffisamment tirées. Et c’est bien dommage.

« Le Pays »


Comments
  • ADO REVELE SA VRAIE NATURE IL N’A JAMAIS RESPECTE LA LOI ET CE DEPUIS QU’IL A FAIT IRRUPTION DANS LA VIE POLITIQUE IVOIRIENNE EN 1989 POUR RÉGNER SANS PARTAGE IL A FAIT LA GUERRE TUE DES INNOCENTS LES MASQUES SONT TOMBES

    21 octobre 2016
  • Les hommes politiques ne tirent jamais leçon du passé.

    21 octobre 2016
  • Très bon article. Pendant que chez nous, nous déplorons le pléthore de personnes chargé de rédiger la nouvelle constitution, lui il le fait seul. Souvent, les burkinabes ne savent pas etre tolérants. Peut être que les 29 ans de pouvoir font que nous n,avons plus confiance !

    23 octobre 2016

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