HomeA la uneREPRISE DE LA PRESIDENTIELLE KENYANE : Va-t-il pleuvoir  sur Nairobi ?  

REPRISE DE LA PRESIDENTIELLE KENYANE : Va-t-il pleuvoir  sur Nairobi ?  


Depuis hier 24 octobre 2017, à l’appel de Raïla Odinga, l’opposition kényane est dans la rue. Et pour maintenir la flamme de la mobilisation, elle entend y demeurer jusqu’au 26 octobre prochain afin d’empêcher la tenue du scrutin. En face, le pouvoir bande les muscles. En effet, Uhuru Kenyatta a adressé une mise en garde ferme à ceux qui tenteraient de perturber le bon déroulement de l’élection. Quand on connaît la détermination des deux camps et la haine qu’ils se vouent mutuellement, l’affrontement semble inévitable. Nul doute donc que les secousses sismiques annoncées pour ce 26 octobre vont se solder par un bain de sang et ce, malgré l’appel au calme lancé par une vingtaine d’ambassadeurs occidentaux le 23 octobre dernier à l’endroit des responsables de tous bords. L’on se souvient que la présidentielle de 2007 avait endeuillé les familles de près de 1100 morts et contraint à l’exil  près de 600 000 Kenyans, causant un traumatisme sans précédent au sein de la population.

Il faut déplorer le silence de la communauté internationale

Mais la responsabilité du chaos annoncé échoit plus au tenant du pouvoir, Uhuru Kenyatta qui, contre vents et marées, tient à la tenue de l’élection,  alors que le président de la Commission électorale lui-même, il y a seulement peu, avait mis en doute, en des termes à peine voilés, la possibilité d’organiser dans les conditions actuelles un scrutin libre et crédible. L’on peut donc se demander, pourquoi, alors que tous les signaux de la météo politique sont au rouge, le pouvoir s’entête à vouloir organiser les élections.  Certes, l’on comprend que le souci du président Kenyatta est d’éviter à tout prix la zone de turbulences qui pourrait précipiter le Kenya dans un vide juridique et constitutionnel qui ne prévoit aucun mécanisme de gestion du pouvoir après l’expiration du pouvoir du président sortant. Participent d’ailleurs de ce souci, toutes les retouches constitutionnelles qui sont intervenues ces derniers temps et qui ont dépouillé la Cour suprême de son pouvoir de valider ou d’invalider les scrutins électoraux, tout en donnant pour vainqueur à la présidentielle, le candidat restant après  désistement de son challenger. Mais on le sait, dans le fond, les intentions du président sont bien connues. L’homme a piqué le virus bien répandu en Afrique et entend donc garder les rênes du pouvoir, quitte à réveiller les vieux démons  qui sommeillent d’un œil depuis le dernier scrutin électoral sur les sommets du Mont Kenya. Il a sans doute été inspiré en cela par les exemples du Burundi, du Gabon et du Congo-Brazzaville, pour ne citer que les plus récents. Peut-être faut-il voir dans l’entêtement de Uhuru Kenyatta à se maintenir au pouvoir même au prix d’une mascarade électorale, la crainte que la perte du pouvoir ne soit le début de ses ennuis judiciaires. L’on comprend donc que pour lui, « l’essentiel n’est pas de participer » comme on le dit pour les compétitions aux Jeux olympiques, mais plutôt de gagner. Cela dit, il faut déplorer le silence de la communauté internationale qui   assiste, impuissante, au drame kényan. Car, hormis la voix du Saint Père, les autres pays, sans doute refroidis par leurs sorties prématurées aux lendemains du premier scrutin invalidé par la Cour suprême, attendent hypnotisés, alors que les premières rafales de l’orage soufflent  déjà sur Nairobi.

Uhuru Kenyatta doit admettre que sa tentative de passer en force sera l’acte politique de trop

Et pourtant, nul n’est besoin d’avoir une boule de cristal pour prédire les conséquences internationales d’un embrasement du Kenya.  En effet, en dehors de graves conséquences humanitaires liées aux déplacements des populations dont on ne saurait faire l’économie en cas de nouvelles violences électorales, nul n’ignore l’important rôle que joue le pays dans la lutte contre les extrémistes,  en l’occurrence les Shebabs en Afrique orientale, et le rôle stratégique du Kenya dans la sécurisation des voies commerciales et des activités maritimes dans l’Océan indien. Il est donc temps, s’il n’est pas encore tard, que la Cour pénale internationale (CPI) donne de la voix. En tout état de cause, en attendant cette fin tragique du feuilleton électoral qui se joue à l’ombre du Mont Kenya, l’on peut encore se risquer à espérer un sursaut patriotique de la part du président Uhuru Kenyatta qui doit admettre que sa tentative de passer en force sera l’acte politique de trop pour son mandat. Il devrait, de ce fait, ouvrir sans délai des négociations avec son opposition, pour aller vers une transition consensuelle qui remettrait le pays sur les rails de la démocratie et du développement, plutôt que de s’arcbouter sur des tripatouillages constitutionnels et aux résultats d’un scrutin chaotique. Car, au final, il ne s’agira pas de régner contre son peuple, mais de gouverner avec et pour son peuple.

« Le Pays »


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