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REPRISE DU PROCES DE L’ANCIEN PRESIDENT IVOIRIEN


 Quelles chances pour Gbagbo ?

Les images des portes du pénitencier de Scheveningen se refermant derrière le véhicule transportant  Laurent Gbagbo, avaient fait le tour du monde. Cela remonte à la nuit du 29 novembre 2011. Sept ans après, ces portes vont-elles s’ouvrir pour que ressorte le fils de Mama, leader historique du Front populaire ivoirien (FPI) ? Cette interrogation semble avoir tout son sens aujourd’hui. En effet,  la Cour pénale internationale (CPI) a rouvert, lundi 1er  octobre, les audiences dans l’affaire Gbagbo/Blé Goudé. Accusés de crimes contre l’humanité commis lors des violences qui avaient suivi l’élection présidentielle de 2010, l’ancien chef d’Etat et son ex-ministre de la Jeunesse demandent l’acquittement, avant même d’avoir présenté leurs témoins à décharge. Il revient alors aux juges de décider, dans les semaines ou mois à venir, si le procès intenté contre les deux hommes, doit ou non se poursuivre. Désormais, ce n’est pas une simple vue de l’esprit de penser que l’époux de Simone peut franchir, les bras levés en guise de victoire, les portes du pénitencier de Scheveningen.

Comme une ironie de l’histoire, l’on assiste là, à une réhabilitation de Gbagbo car, quelle que soit l’issue de la procédure en cours, il a déjà gagné la bataille de l’opinion, qu’il a engagée dès les premiers moments de son embastillement. Cette victoire pour l’homme dont on ne vendait pas cher la peau il y a sept ans, a été, en réalité, préparée au fil du temps. En réalité, comme une araignée tissant sa toile, les partisans de l’ancien président n’ont jamais baissé les bras. Aux niveaux national et international, ils ont su faire le lobbying nécessaire pour conquérir le cœur de l’opinion.  Et cela a été  opéré dans un contexte favorable. Primo, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis la crise post-électorale de 2011.

Croire à une libération immédiate de Gbagbo serait faire preuve de beaucoup de naïveté

A ce propos, plusieurs rapports sur les malheureux évènements, ont mis à nu l’implication des deux camps, dans la tragédie ivoirienne à savoir ceux de Gbagbo et de ADO. L’on s’est rendu compte, malheureusement, que la procédure judiciaire, jusque-là, était « unijambiste ». Car le marteau du juge ne cognait que la tête des perdants. Par ailleurs, plusieurs intellectuels, sur les plans africain et mondial, ont pris fait et cause pour le président déchu pendant que, du côté du pouvoir ivoirien, l’on est resté assis, sur ses « acquis ». 

Secundo, la libération de Jean-Pierre Bemba a quelque peu affaibli la CPI et revigoré le  camp Gbagbo. Et puis, en matière de justice, les faits doivent être prouvés. La CPI n’a pas été en mesure de réunir toutes les preuves à charge contre l’ex-président ivoirien. A titre d’exemple, au cours de l’audition des témoins à La Haye, le procureur a eu le plus grand mal à démontrer l’existence d’un plan du camp Gbagbo, visant à tuer ou à trucider des civils ivoiriens, partisans de son concurrent à la présidentielle de 2010,

C’est là aussi les limites du droit napoléonien qui peut soustraire des bourreaux de la justice.  En outre, faute de preuves matérielles, l’institution dirigée par Fatou Bensouda est contestée par des Etats comme la puissante Amérique de Donald Trump. Pour les Etats-Unis, la Cour pénale internationale est « illégitime » et « déjà morte ».  Cette charge de l’Administration américaine est venue renforcer un front anti-CPI constitué, en grande partie, de certains pays du continent africain.

Tertio, de par son comportement, le président Alassane Dramane Ouattara a fait une passe décisive aux défenseurs de son adversaire emprisonné. D’une part, en élargissant Simone Gbagbo, ADO laisse ses adversaires entrevoir que le mari peut espérer sortir du trou de la CPI. De l’autre, la situation politique actuelle en Côte d’Ivoire, marquée par le divorce RDR/PDCI, finit par convaincre une grande partie des Ivoiriens, que ADO n’est pas digne de  confiance. Par ce fait, il y a une redistribution des cartes qui joue en faveur de l’ancien président. Tous les éléments mis ensemble constituent des chances pour le prisonnier le plus célèbre de la Haye de recouvrer la liberté.

Mais attention, croire à une libération immédiate de Gbagbo serait faire preuve de beaucoup de naïveté. Les mêmes réseaux qui ont œuvré pour son transfèrement  à la CPI, sont toujours actifs et sont toujours prêts à faire un travail de fourmi pour prolonger l’enfer du leader du FPI. Sans compter que ce dernier, dans les accusations de crimes contre l’humanité, est loin d’être blanc comme neige.  Enfin, une liberté provisoire ou définitive pour Gbagbo avant 2020, date de la fin du mandat de Ouattara, pourrait créer un désordre socio-politique tragiquement préjudiciable à la stabilité de la Côte d’Ivoire, véritable pièce maîtresse du dispositif économique et stratégique français dans la sous-région ouest-africaine.

Michel NANA


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