HomeOmbre et lumièreREPRISE DU PROCES DU PUTSCH MANQUE : Le soldat Sidiki Ouattara ne reconnaît pas les faits

REPRISE DU PROCES DU PUTSCH MANQUE : Le soldat Sidiki Ouattara ne reconnaît pas les faits


Le procès du putsch manqué de septembre 2015 a repris hier, 16 août 2018, à la salle des Banquets de Ouaga 2000.  Et ce, après un peu plus de deux semaines de suspension.  Etait appelé à la barre, le soldat de 1re  classe, Sidiki Ouattara. A l’instar de ceux qui l’ont devancé à la barre, il est accusé d’attentat à la sûreté de l’Etat, meurtre, coups et blessures volontaires, dégradation et destruction volontaires de biens. L’intéressé nie les faits et plaide non coupable puisque selon lui, il a exécuté des ordres de sa hiérarchie.

 

Après une suspension de deux semaines, le procès du putsch a repris hier 16 août 2018.  Etait à la barre, le soldat de première classe Sidiki Ouattara. Mais avant d’inviter les accusés à la barre, le président de la chambre de première instance du Tribunal militaire de Ouagadougou, Seidou Ouédraogo, a tenu à faire l’appel nominatif des prévenus. De cet appel, l’on note les présences des « stars » de ce putsch manqué de septembre 2015. Il s’agit, entre autres, des généraux Gilbert Diendéré et Djibril Bassolé, du capitaine Aziz Korogo, de Abdoulaye Dao,   du sergent Moussa Nébié dit Rambo, de  Roger Koussoubé dit le Touareg, de   Sidi Lamine Oumar et de  notre confrère, Adama Ouédraogo dit Damiss. Par contre, les accusés   Fatou Diendéré et autres  restent toujours absents.  Après cet appel d’usage, place a été faite aux échanges entre l’accusé, son avocat commis d’office, la chambre de première instance du Tribunal militaire de Ouagadougou, les avocats de la partie civile et le tribunal militaire. Avant ces échanges, un interprète a été affecté à l’accusé pour la circonstance, puisqu’il dit ne pas être à mesure de s’exprimer en français.  Le soldat de première classe Sidiki Ouattara, né le 31 décembre 1993 dans la province du Houet, est célibataire et père d’un enfant. Comme ses prédécesseurs, il est accusé de quatre chefs d’inculpations. Il s’agit d’attentat à la sûreté de l’Etat, de meurtre, coups et blessures volontaires, dégradation et destruction volontaires de biens.  Mais le soldat de 1re  classe nie les faits et plaide non coupable.   En effet, selon son récit, le 16 septembre 2015, il était à la séance de sport dans la matinée.  Comme il n’était pas de garde ce jour-là, il s’est rendu chez des amis pour une partie de  causerie et de thé. Une fois là-bas, un certain Zerbo l’aurait appelé pour un rassemblement au camp Naaba Koom II. C’est ainsi qu’il s’y est rendu sans attendre.  Comme il dit ne pas comprendre français, c’est auprès de ses camarades qui comprennent français qu’il s’est renseigné pour avoir une idée du message et de la conduite à tenir. Il apprendra par la suite que le quartier est consigné. Au cours de cette nuit, il dit avoir fait comme corvée, le tour du camp pour la sécurité des lieux.   A la fin de son récit, le président de la chambre de première instance du Tribunal militaire de Ouagadougou, Seidou Ouédraogo, a invité le soldat de première classe à citer ce qu’il a fait le 17 septembre 2015, soit le lendemain de l’arrestation des autorités de la Transition d’alors.   Le 17 septembre 2015, a poursuivi   le soldat de première classe Sidiki Ouattara, le chef Djerma l’a appelé pour lui intimer l’ordre de monter dans un véhicule pour une destination inconnue.  En cours de route, le sergent-chef Roger Koussoubé est monté et leur a dit d’aller à une radio dont il ignore le nom.  Arrivés sur les lieux, il est resté dans le véhicule, tandis que les autres membres de l’équipe étaient à l’intérieur de la radio. Quelques instants après, le sergent-chef  Roger Koussoubé est venu lui dire de venir prendre du matériel pour le mettre dans le véhicule. Ce qu’il a fait sans chercher à savoir la nature du matériel qu’il transportait. A la question du juge Seidou  Ouédraoo de savoir s’il avait été à la place de la Nation de Ouagadougou, il a répondu par la négative.  A l’en croire, il a grandi à Bobo-Dioulasso et ne connaît pas la ville de Ouagadougou a fortiori la place de la Nation alors qu’il reconnaît avoir visité plusieurs pays de la sous- région lorsqu’il était convoyeur avant de devenir militaire. Il s’agit, entre autres, du Ghana, du Togo et du Bénin.

« Le parquet doit faire la preuve de ce qu’il avance »

L’audition du soldat de première classe, Sidiki Ouattara, s’est poursuivie dans l’après-midi  du 16 août 2018 avec les questions sur sa sortie à la radio Savane FM.  Me Awa Sawadogo  lui demande s’il est descendu du véhicule quand il est allé à ladite radio. « Oui », répond-il, mais sur ordre de son chef hiérarchique, pour prendre du matériel. Le soldat Sidiki  dit avoir pris le sergent-chef Roger Koussoubé à bord. « Etait-il seul quand vous le preniez », demande Me Ali Neya ? Il répond par l’affirmative. En observations, Me Neya  confie que cette réponse accrédite la thèse selon laquelle le sergent-chef Koussoubé avait été appelé en renfort.  L’une des difficultés à cette audition, c’est bien le fait que l’accusé ne s’exprime pas en français mais en dioula. Il est assisté d’un interprète  qui traduit les questions et les réponses en dioula pour l’accusé et les différentes parties à ce procès. L’avocat du sergent-chef Koussoubé, Me Alexandre Sandouidi, n’est pas du même avis que Me Neya, et estime que les déclarations du soldat Sidiki Ouattara n’enlèvent rien à ce qu’on sait jusque-là. Le parquet militaire relève que l’accusé a confié avoir fait l’objet de menaces par le procureur militaire. Ce qu’il rejette, indiquant que le parquet n’a jamais eu de contact d’animosité avec l’accusé. Pour le parquet, le soldat Sidiki Ouattara est en train de tourner les gens en rond. Et de s’interroger en ces termes : « Où va-t-on avec cette  défense de rupture ? On est au pénal et on peut utiliser tous les artifices  pour remettre en cause les déclarations », ajoute-t-il, précisant que le soldat Ouattara peut tout mettre en cause, mais qu’il sache  que  le mensonge ne résiste pas à l’analyse et à la critique. « Connaissiez-vous Modeste Bationo », lui demande le parquet ? « C’est ma classe », répond-il. Le parquet explique, de là, que c’est le soldat Sidiki qui a expliqué les circonstances de la mort de Modeste Bationo et les gendarmes ignoraient que le regretté et lui étaient des promotionnaires. « Comment avez-vous reçu l’information sur l’arrivée du président Macky Sall ? » « Comme tout le monde », répond l’accusé. « Avez-vous su que Macky Sall a échangé avec les éléments du RSP ? » « Oui », répond-il. « As-tu su pourquoi Macky Sall a rencontré vos frères d’armes ? » A cette question, le soldat Ouattara confie qu’il ne sait rien de la politique et n’a pas cherché à le savoir. Et le parquet de dire qu’au regard des éléments du dossier et de ce que l’accusé dit, sa conviction est faite que l’accusé savait ce qu’il y avait. Le conseil de l’accusé, Me Alexandre Daboné,  estime que le parquet accule son client, change de contexte et suppose qu’il est censé savoir  ce qu’on lui demande. L’avocat laisse imaginer ce que serait un interrogatoire dans un bureau devant un juge militaire. Il précise que l’accusé n’avait pas de conseil lors de l’instruction et on n’a pas relu pour lui ce qu’il a dit avant signature. Au regard des distorsions de traduction depuis le matin, il estime que cela donne une idée des choses à l’instruction. Et de s’interroger si son client sait réellement ce que c’est qu’un attentat à la sûreté de l’Etat. Si on n’a rien dans les procès-verbaux, qu’on se contente de ce qui est dit à la barre. Face au fait que l’accusé dit ne pas comprendre français, Me Yanogo lui demande où il a fait sa formation militaire. « A Bobo et à Pô », répond l’accusé. « Dans quelle  langue  se faisait la formation », continue-t-il ? L’accusé ne répond pas à la question. « Avez-vous su à un moment que le Général Gilbert Diendéré était devenu Président du Faso »,  demande-t-il ? « Oui , je l’ai su après », dit l’accusé. Celui-ci demande que Me Yanogo lui explique ce que signifie «attentat à la sûreté de l’Etat». A sa sortie d’audience, Me Daboné,  conseil de l’accusé, estime que le parquet est là normalement pour accuser avec des éléments précis, concrets, sur la culpabilité  de son client. Ce qui n’est pas son constat quand il se réfère aux procès-verbaux d’interrogatoire, le parquet estimant que la contradiction entre ce que l’accusé a dit pendant l’enquête et aujourd’hui à la barre est une défense de rupture. Une qualification abusive, selon le Conseil de l’accusé qui rejette cette idée de défense de rupture. Il estime que le contexte dans lequel l’accusé a été interrogé à la gendarmerie, ne permettait pas d’avoir des déclarations probantes  devant une juridiction. Même devant le juge d’instruction où l’accusé était libre, il a remis en cause tout ce qu’il a déclaré devant la gendarmerie.  Pour lui, le parquet s’acharne sur son client.  Le procès pénal commande qu’on revienne aux fondamentaux et en l’espèce, le parquet n’a rien concernant le soldat Sidiki Ouattara.  Celui-ci a été aperçu dans une vidéo  à Savane FM où il regardait le plafond, comme l’accusé lui-même l’a dit, relève-t-il. De là, on l’accuse d’avoir participé au coup d’Etat, alors qu’il n’en est rien à son avis. Le parquet doit faire la preuve de ce qu’il avance pour convaincre la juridiction afin qu’on condamne l’accusé s’il y a lieu, au lieu de chercher à lui imputer des déclarations qui ne tiennent pas.

 

Issa SIGUIRE et Lonsani SANOGO

 

 


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