HomeA la uneRESULTATS PROVISOIRES DES MUNICIPALES : Les enseignements à  tirer

RESULTATS PROVISOIRES DES MUNICIPALES : Les enseignements à  tirer


 

Les résultats officiels provisoires des municipales du 22 mai dernier sont désormais connus.  En effet, l’équipe de Me Barthélémy Kéré, en attendant la validation du Conseil Constitutionnel, a levé le voile sur  le contenu du « ventre » des urnes. Sans grande surprise, le tiercé gagnant est le MPP, suivi de l’UPC et du CDP. Des partis comme le NTD, la NAFA, l’ADF/RDA ou le PDS-METBA, font plus qu’un score honorable. Et puis, suit le reste du peloton dont la queue bat le vide. Au-delà des résultats, la caractéristique principale de ce scrutin a été le faible taux de participation. Sur les 5 522 979 de Burkinabè inscrits sur les listes électorales, seuls 2 631 799, soit 47,65%, ont répondu à la convocation du corps électoral pour désigner leurs élus locaux. Ce taux a de quoi interloquer car il s’agit d’élections de proximité, où sont en jeu les besoins primaires des citoyens. On peut épiloguer longuement sur les raisons de cette forte abstention, mais l’un des facteurs de démobilisation de l’électorat pourrait être le mode de désignation des maires. Ceux-ci, en effet, sont élus par les conseillers, le plus souvent sur imposition du parti majoritaire dans la commune. Toute chose qui a de quoi dégoûter les populations des élections municipales, car convaincues que les choix sont déjà faits.

L’élection du maire devrait se faire à l’image de celle du président ou du député

Même si on peut comprendre le souci des partis et formations politiques de garder la main sur leurs élus et à travers eux, sur les communes, cela ne doit pas se faire au détriment des populations qui devraient opérer le choix de leurs dirigeants, en toute connaissance de cause. La transparence est d’ailleurs un principe démocratique de base. Mieux, parallélisme de forme oblige, l’élection du maire devrait se faire à l’image de celle du président ou du député où les candidats des partis sont connus d’avance. Il devient donc urgent de procéder à une relecture du Code électoral pour prendre en compte cet aspect, si l’on ne veut pas assister à une désaffection grandissante des populations pour la chose politique. En effet, le fort taux d’abstention a de quoi inquiéter puisque les maires élus souffriront d’un problème de légitimité ; ce qui n’augure rien de bon, avec les risques d’instabilité dans les conseils municipaux avec en prime les retours aux délégations spéciales. Ce risque d’instabilité est d’autant plus accru que dans de nombreuses communes, aucune formation politique n’a une réelle avance confortable et la règle sera à la formation de coalitions qui sont par essence assez éphémères. Quant aux résultats proprement dits de l’élection, ils confirment globalement les tendances qui se sont dessinées lors des élections couplées passées. Le MPP, au pouvoir, reste la tête d’affiche de la scène politique nationale, même si ce parti  ne dispose pas dans nombre de cas, d’une avance confortable pour gérer seul les municipalités.  Dans les conseils municipaux, ce sera un remake du scénario de l’Assemblée nationale, avec la formation de coalitions pour obtenir la majorité.  L’UPC et le CDP confortent leur place de dauphins.  Il y a donc tout à la fois, une reconfiguration de la scène et de la carte politique, qui rompt avec celles de l’ère Compaoré. On y lit plus d’équilibre, ce qui préfigure des débats démocratiques plus intéressants. Il reste à espérer que de la dialectique des positions contradictoires, il se dégage une synergie d’actions positives pour l’édification des communes et l’amélioration des conditions de vie des populations. Ce nouveau  visage du paysage politique national confirme la chute déjà constatée  lors des élections présidentielle et législatives, de certains partis politiques.

Le Burkina doit tourner définitivement la page de l’image écornée de maires affairistes et dealers de parcelles

Ces derniers sont donc contraints à redimensionner leur ego dans les coalitions où ils sont parfois plus saprophytes que de véritables alliés. Mais, plus inconfortable est la position de la cinquantaine de partis qui sortent de cette saison des moissons sans avoir réussi à glaner le moindre siège de conseillers sur les 19 212 postes à pourvoir dans les 365 communes du pays. On peut légitimement se poser la question sur leur raison d’être. En effet, si on peut comprendre leurs scores lors des scrutins présidentiel et législatifs du fait de la modestie de leur envergure, on ne peut les excuser pour les élections locales, chaque candidat étant supposé avoir son fief. Ils doivent tirer toutes les leçons de leur échec et rallier les grands partis pour assainir le paysage politique et en permettre une meilleure lisibilité. A défaut, l’Etat devra prendre ses responsabilités et trouver les mesures appropriées pour les y contraindre. La publication de ces résultats provisoires par la Commission électorale nationale indépendante (CENI) ouvre l’ère des tractations pour l’élection des maires. Et pour qui connaît les pratiques et les mœurs politiques sous nos cieux, c’est la porte ouverte aux achats de consciences, aux trafics d’influence et à la corruption sous toutes ses formes. On  comprend donc déjà la mise en garde du chef de file de l’opposition politique (CFOP) contre les retournements de veste de dernière minute, mais on peut douter de son efficacité dans un mode de désignation du maire qui se fait à bulletin secret. Les risques de débordement existent aussi dans de nombreuses communes où l’élection du maire a un potentiel confligène très élevé. L’administration doit prendre les devants pour prévenir les actes de violence et assurer la quiétude des populations. Quoi qu’il en soit, ces élections municipales doivent ouvrir une nouvelle ère pour nos communes. Et l’opposition qui a réussi à rafler de nombreux sièges, a un important rôle à jouer. En effet, elle a là l’opportunité de contribuer profondément à l’avènement d’une nouvelle gouvernance et  faire la preuve de sa capacité à gérer demain l’Etat. Pour paraphraser la parabole des talents dans l’Evangile, si elle se montre responsable dans les petites tâches, on lui en confiera de plus grandes. Mais si elle se montre défaillante, on lui enlèvera même le peu qu’on lui a confié. En tout état de cause, le Burkina doit tourner définitivement cette page de l’image écornée de maires affairistes et dealers de parcelles, pour faire émerger une nouvelle génération de bourgmestres plus responsables et plus honnêtes.

« Le Pays »


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