HomeA la uneRETRAIT DE RAILA ODINGA : De quoi sera fait demain ?

RETRAIT DE RAILA ODINGA : De quoi sera fait demain ?


On le sait depuis quelques jours, l’opposant kényan Raïla Odinga s’est retiré des starting-blocks de la course à la présidentielle dont la finale est prévue pour ce 26 octobre. Ce retrait du challenger du président sortant, Uhuru Kenyatta, constitue un nouveau rebondissement dans le feuilleton électoral qui se joue à l’ombre du mont Kenya,  après l’annulation du premier scrutin par la Cour constitutionnelle. Avec tous ces soubresauts, l’élection présidentielle kényane  de 2017 est en train de devenir véritablement un cas d’école en Afrique où de mémoire d’homme, on n’a jamais vu un tel scénario.

Cela dit, l’on peut longuement épiloguer sur les raisons de cette défection de Raïla Odinga, à quelques encablures de la consultation électorale. D’aucuns y voient une marque de réalisme. L’homme ne veut pas aller à une élection où les dés sont déjà pipés. Certains y lisent l’empreinte de la forte personnalité de l’individu. En décidant de freiner des quatre fers à l’orée du scrutin, il montre qu’il n’est pas « pouvoiriste » et que seule compte à ses yeux la transparence du processus électoral. Mais au-delà de ces considérations, il faut souligner que l’homme reste fidèle à lui-même : il n’a cessé de clamer son intention de ne pas aller aux élections tant qu’une réforme de la commission électorale n’a pas été entreprise pour la dessoucher des mauvaises racines qui l’arriment au pouvoir en place. Son retrait de la course participe de ce fait, de la stratégie qu’il a adoptée pour mettre la pression sur le gouvernement et sur la commission électorale. L’opposant kényan montre ainsi qu’il a du génie car, en plus d’acculer le régime de Nairobi, il prend les rênes du jeu,  devançant toujours le gouvernement d’une longueur, obligeant ce dernier à une espèce de course-poursuite dans un champ sciemment semé d’embuches.

Ce qu’il faut cependant redouter de ce jeu du chat et de la souris, ce sont les conséquences sur la stabilité des institutions et sur la sécurité tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays.

Il plane sur le Kenya comme un parfum d’apocalypse

En effet, le retrait de Raïla Odinga pose un gros point d’interrogation. Le 1er novembre prochain, expirent les pouvoirs du président en exercice,  alors que la loi kényane ne prévoit rien dans le cas où aucun président n’aura été élu avant terme. En attendant, comme le prévoit un arrêt de la Cour Constitutionnelle de 2013, qu’un nouveau processus électoral soit lancé et que de nouveaux candidats  soient nommés dans 90 jours, il risque d’avoir un vide constitutionnel qui est celui de tous les dangers. En effet, il plane sur le Kenya comme un parfum d’apocalypse lié à la possibilité du réveil des vieux démons qui sommeillent d’un œil dans  les anfractuosités de la Rift Valley ou sur les hauts sommets kényans. L’on se souvient encore de l’hécatombe consécutive au scrutin de 2007, occasionnant près de 1100 morts et contraignant  à l’exil  près de 600 000 personnes. Il ne faut pas non plus occulter les  Shebabs  en embuscade aux frontières du pays et qui se délecteraient d’un éventuel chaos dans de sanglantes orgies.

En attendant que les sages du Conseil Constitutionnel trouvent la parade pour éviter la dérive au pays, le cas kényan vient rappeler aux Africains deux grandes tares qui, si l’on n’y prend garde, finiront par brûler tout le continent. La première,  c’est la récurrente compromission des structures chargées de l’organisation des élections. Grassement payées, elles mettent tout leur génie à tronquer le jeu démocratique avec les risques évidents que sont les crises post-électorales, avec tout ce qu’elles comportent de violences. L’on en vient à se demander pourquoi l’on jette autant d’argent si le résultat est identique à ce que donne à voir la Commission Electorale kényane. La seconde tare est celle des failles dans les Constitutions. Elaborées souvent très hâtivement pour se mettre à l’air du temps ou faites sur mesure pour les princes régnants ou pour éloigner de féroces adversaires, elles n’envisagent pas tous les scenarii possibles, devenant ainsi les causes des incendies alors qu’elles sont censées les éteindre. C’est pourquoi, au lieu de regarder à distance le feuilleton kényan comme une curiosité, beaucoup d’Etats africains gagneraient, comme le dit l’adage, « à mouiller leur barbe avant qu’elle ne soit la proie des flammes de l’incendie de la barbe du voisin. »

 

SAHO


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