HomeA la uneROCH MARC CHRISTIAN KABORE FACE AUX PAYSANS : « Il appartient au monde rural de s’assumer jusqu’au bout »

ROCH MARC CHRISTIAN KABORE FACE AUX PAYSANS : « Il appartient au monde rural de s’assumer jusqu’au bout »


La 19e Journée nationale du paysan (JNP), tenue à Tenkodogo du 28 au 30 avril, s’est achevée par des échanges entre le président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré, et les producteurs venus des 13 régions du Burkina. Une rencontre qui a permis au monde rural d’évoquer les difficultés qu’il rencontre, de faire des recommandations et de prendre des engagements. Le gouvernement, quant à lui, a assuré avoir pris bonne note et promis de jouer sa partition. C’était dans la matinée du 30 avril 2016.

 

C’est dans une salle comble que le face à face entre le président Roch Marc Christian Kaboré et le monde rural s’est tenu le 30 avril dernier à Tenkodogo. Le chef de l’Etat, qui avait souhaité qu’aucune question ne lui soit épargnée, a été bien servi. En effet, les représentants des régions se sont succédé au parloir. Chacune des régions, par la voix de son porte-parole, a pu poser 3 questions au président du Faso. Seule la région du Centre-Sud a dit se conformer aux conclusions du forum.

Pour l’essentiel, les préoccupations du monde rural portaient sur la sécurisation foncière et la non application de la loi 034 portant régime foncier rural sur l’ensemble du territoire. Ils ont également fait noter l’enclavement de certaines régions dû au manque d’infrastructures routières, le manque d’unités de transformation des produits et l’accès difficile des femmes et des jeunes à la terre. La question de la mise en place d’une centrale d’achat d’intrants et de matériels agricoles a aussi été évoquée par les producteurs, ainsi que celle liée à l’octroi des crédits agricoles.

Par conséquent, les producteurs ont, entre autres, recommandé la mise en œuvre effective des lois 034 de 2002, 2009 et 2012 portant respectivement sur le foncier rural, le pastoralisme et les réformes agraires et foncières, ainsi que la dynamisation des cadres de concertation entre acteurs. Pour plus d’efficacité du secteur rural, les producteurs ont aussi recommandé la mise en place d’unités de  montage et de fabrication de certains équipements de transformation des produits bruts ; l’accélération de la mise en place de la Centrale d’achat d’intrants et de matériels agricoles (CAIMA) ; la facilitation de l’accès aux crédits et aux fonds de garantie et la création d’une institution financière spécifique aux financements du secteur agro-sylvo-pastoral, halieutique et faunique. En outre, les producteurs ont souligné que plusieurs engagements pris lors des précédentes éditions de la JNP, n’ont pas été tenus.

 

« Le temps où l’Etat faisait tout est révolu »

 

Les producteurs, la Confédération paysanne du Faso notamment, ont également souhaité des rencontres avec le gouvernement au moins 2 fois par an, pour un meilleur suivi de la mise en œuvre des engagements. Une proposition que le président du Faso a promis d’examiner. « Le gouvernement prendra en compte l’ensemble de vos préoccupations, mais il faut que les mentalités changent », a dit pour sa part le président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré. Cela, après que les différents ministres concernés par les questions des producteurs aient donné des éléments de réponse. Au monde rural, le président Roch Marc Christian Kaboré a expliqué que le temps où le gouvernement faisait tout est révolu. Le rôle de l’Etat, a-t-il rappelé, n’est pas la création d’entreprises ou d’unités pour moudre de la farine, mais de réunir les conditions et de créer les cadres institutionnels nécessaires pour booster le secteur rural. Et de rassurer que le gouvernement assumera ses responsabilités. Quant au monde rural, il lui appartient de s’assumer jusqu’au bout, a dit le président du Faso. Parlant d’usine de transformation, le président du Faso a indiqué que le gouvernement mettra tout en œuvre pour finaliser le dossier concernant la société de transformation de tomates et de mangues qui sera installée à Ziniaré afin que l’Etat se désengage pour que les privés puissent  l’assumer.

Pour ce qui est de l’accès à la terre, Roch Marc Christian Kaboré a fait noter que le gouvernement a pris l’engagement d’assurer aux femmes 30% des terres que l’Etat va aménager.

Quant à ceux qui font de la spéculation foncière, ils ont été prévenus. « Tous ceux qui ont pris des hectares et qui ne les exploitent pas, nous allons prendre des dispositions pour les retirer. On ne peut pas donner 2 poulets et un canari de dolo pour prendre 100 ha et espérer les vendre plus tard. La terre doit être remise à ceux qui la travaillent », a dit Roch Marc Christian Kaboré.

Sur le plan de la formation, le président du Faso a indiqué que la mise en place d’écoles professionnelles de formation dans l’agriculture, l’élevage, etc., fait partie du programme du gouvernement.

« Concernant les intrants, instruction a été donnée au ministre en charge de l’Agriculture pour la mise en place d’une usine de production d’engrais au Burkina Faso, car la plupart du temps, les producteurs reçoivent les engrais à la fin de la saison, ce qui n’est pas normal», a dit Roch Marc Christian Kaboré.

Mais pour lui, il est avant tout nécessaire de consommer burkinabè et cela, à tous les niveaux. « Nous ne pouvons pas demander à nos paysans de produire pendant que nous-mêmes consommons autre chose », a-t-il dit. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle,  a-t-il ajouté, le gouvernement a décidé de mettre en pôle position la consommation des produits locaux.

Pour conclure, le président du Faso a évoqué les conflits récurrents entre éleveurs et agriculteurs. Pour lui, il n’est pas normal que des Burkinabè se déchirent entre eux. Il a donc souhaité la mise en place de structures de concertation dans les villages, les communes et les provinces pour anticiper et mettre fin aux querelles entre Burkinabè, entre éleveurs et agriculteurs.

Il est à noter que la 19e édition de la JNP s’est tenue sous le thème : « Agriculture et lutte contre le chômage : développer et soutenir l’entrepreneuriat agro-sylvo-pastoral, halieutique et faunique pour l’insertion socioprofessionnelle des jeunes ».  C’est la ville de Kaya qui a été retenue pour abriter la 20e édition de la JNP.

 

Thierry Sami SOU

 

 

L’accès à la grande tente dressée pour accueillir le face à face entre le président du Faso et les producteurs se faisait après avoir montré patte blanche. Un important dispositif sécuritaire y était déployé, aussi bien aux alentours qu’à l’intérieur de la salle.

Durant les échanges, s’il y a une intervention qui a marqué les esprits, il s’agit de celle de Mamadou Cissokho du Réseau des organisations paysannes et de producteurs de l’Afrique de l’Ouest (ROPPA). Sans langue de bois, il s’est insurgé contre le mépris envers les paysans et a démontré à quel point l’Etat est redevable à ces derniers. Pour lui, il n’est plus question pour les paysans d’être « une charrette » que chaque gouvernement conduit à sa guise. Il est temps, selon lui, que les paysans soient véritablement impliqués dans toutes les prises de décision les concernant et soient aux commandes de leur vie.  Il n’a pas été également tendre avec les producteurs. Parlant des crises à répétition au sein des organisations paysannes, il a invité les acteurs à avoir le courage de se dire la vérité afin de mettre fin aux incompréhensions. Il les a incités à prendre leur destin en main. Une intervention qui a été très appréciée et fortement applaudie par l’assistance.

Lorsque ce fut au tour du président de prendre la parole, les dieux de la technique se sont manifestés. En effet, un délestage est intervenu à ce moment précis. Heureusement, le courant est revenu, moins d’une minute après.

 

PROPOS DE PARTICIPANTS

 

Mamadou Cissokho du ROPPA

 

« Cette édition a été bonne »

 

Cette édition a été bonne. Il y a eu un dialogue entre les acteurs et le gouvernement, ce qui est une règle de démocratie. Aussi, c’était un dialogue franc. Les gens n’ont pas caché les choses. Le gouvernement a également montré son intérêt à améliorer ce dialogue et à s’engager à faire les actions qui relèvent de sa compétence. Je pense donc que c’est positif. Si les paysans s’organisent mieux et travaillent ensemble, ils pourront avoir plus.

 

Bassiaka Dao, président de la Confédération paysanne du Faso (CPF)

 

« Nous avons pu relever le défi »

 

Nous sommes à la fin des échanges, mon appréciation est positive. Les paysans ont pu relever un énorme challenge. Depuis le début des travaux, les paysans ont été responsabilisés pour conduire tout le processus. Certaines mauvaises langues disaient qu’on allait assister à un fiasco. Mais par la volonté des uns et des autres de s’assumer, nous avons pu relever le défi, nous avons pu tenir toutes les étapes de la JNP et tout s’est passé dans le calme. Nous avons également des réponses satisfaisantes de la part des décideurs politiques. Dans toute organisation humaine, tout ne peut être parfait. Mais il n’y a pas eu d’incident majeur. Certes, la pluie du 28 avril a arraché toutes les tribunes et les stands d’exposition. Cela était indépendant de notre volonté. Sinon, en matière d’organisation, chacun s’est impliqué et chacun a joué sa partition.

 

Boureima Diallo, président de l’Association des éleveurs du Burkina

 

« Avant, c’était du folklore »

 

Depuis hier (29 avril), nous sommes dans les débats et la conclusion est intervenue devant tout le monde. Le président a donné des conseils et pris des engagements. Parlant des conflits entre agriculteurs et éleveurs, le président a parlé de la mise en place de cadres de concertation dans les villages, jusqu’au niveau régional. Cela pour permettre d’apaiser la situation. C’est un acquis pour les éleveurs.

Aussi, on parle toujours d’aliments pour bétail qui ne répondent pas aux normes. Le ministre en charge des Ressources animales a parlé de la mise en place d’une usine qui va produire de l’aliment pour bétail de qualité, ce qui va nous permettre d’avoir des animaux de belle facture. Cette édition de la JNP nous fait oublier les précédentes, car il n’y avait pas d’engagement concret au cours de celles-ci. C’était plutôt du folklore.

 

TS


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