HomeA la uneSECOND TOUR DE LA PRESIDENTIELLE EN SIERRA LEONE : Eviter toute escalade de la violence

SECOND TOUR DE LA PRESIDENTIELLE EN SIERRA LEONE : Eviter toute escalade de la violence


Après un premier tour qui s’est déroulé de façon plutôt pacifique, le 7 mars dernier, les Sierra-Léonais retournent aux urnes ce 31 mars 2018, pour le second tour de la présidentielle qui a vu Samura Kamara du All Peoples Congress (APC), le parti au pouvoir, et Julius Maada Bio du Sierra Leone People’s Party (SLPP), arriver au coude à coude avec 42,7% pour le premier et 43,3% pour le second. Un second tour était initialement prévu pour se tenir le 27 mars dernier, mais ses préparatifs avaient été suspendus dans l’attente de la décision de la Haute cour qui devait se prononcer sur le recours d’un juriste du parti au pouvoir, qui dénonçait des fraudes électorales et demandait que celles-ci fassent l’objet d’enquêtes avant la tenue du second tour. Finalement, la décision de l’instance suprême est tombée un peu tard à la veille de ce second round, rendant impossible sa tenue dans les délais.

Le plus important n’est pas la victoire de Pierre ou de Paul

La Commission électorale avait alors réagi par un communiqué, disant qu’  « en raison des retards logistiques dûs à cette injonction, le vote ne peut se tenir le 27 mars comme prévu », et annonçait en même temps son report au 31 mars. Pour l’histoire, le requérant a été débouté ; toute chose qui a ouvert la voie à la poursuite du processus électoral. Cela dit, si le candidat de l’opposition part avec un avantage psychologique certain sur son adversaire pour être arrivé en tête de peloton à l’issue du premier, il devrait cependant se garder de tout triomphalisme prématuré, en pensant béatement que le chemin du palais présidentiel lui est totalement dégagé. D’autant plus qu’un troisième larron, Kandeh Yumkella, un dissident du… SLPP arrivé en troisième position avec 6,9% sous l’étendard de la Grande coalition nationale (NGC), pourrait avoir son mot à dire et devenir, par la force des choses, faiseur de roi. C’est dire si entre l’économiste du parti au pouvoir, qui plus est ancien gouverneur de la Banque centrale, et le porte-flambeau de l’opposition qui a troqué son treillis de Général contre la cravate, la bataille risque d’être des plus serrées. Qu’à cela ne tienne ! Pourvu que le jeu démocratique soit respecté jusqu’au bout. C’est pourquoi il faut souhaiter que le match se termine de la plus belle des manières, c’est-à-dire sans anicroche, après un premier tour dont le bon déroulement a été salué par plus d’un observateur, avec un taux de participation qui culminait à plus de 84%. Les Sierra-léonais se doivent donc de gagner le pari d’un scrutin apaisé, pour éviter toute escalade de la violence. Car, le pays revient de loin, après avoir connu l’une des guerres civiles les plus sanglantes de la sous-région. C’est pourquoi il ne faut laisser aucun prétexte aux djinns de la violence de ressortir de leur bouteille. En tout état de cause, le plus important n’est pas la victoire de Pierre ou de Paul, mais bien celle de la démocratie. En cela, au risque de nous répéter, les Sierra-léonais ne doivent pas décevoir. D’autant plus que l’attitude du président sortant, Ernest Baï Koroma, qui a accepté d’ouvrir sa succession sans succomber à la tentation d’un troisième mandat, est suffisamment rare en ce moment sous nos tropiques et mérite d’être saluée. Quitte à lui de donner le bon exemple en  n’interférant pas dans la gestion du pouvoir, pour ne pas gêner l’action de son successeur.

Les Sierra-léonais sont bien placés pour savoir qu’ils reviennent de loin

Aussi, dans la continuité de ce geste qui participe hautement du jeu de l’alternance et du renforcement de la démocratie, les Sierra-léonais doivent mettre un point d’honneur à éviter toute crise postélectorale qui pourrait remettre en cause leurs acquis démocratiques. Il y va de la paix et de l’intérêt du pays. Les responsables politiques sont donc en premier interpellés, à tout mettre en œuvre  pour que la Sierra Leone négocie au mieux ce virage électoral  potentiellement dangereux pour la paix sociale. Il leur appartient d’amener leurs partisans à jouer balle à terre, en appelant au fair-play et à la retenue. C’est à ce prix que l’on pourrait espérer des élections apaisées, au bout desquelles l’on peut même rêver de voir le vaincu appeler le vainqueur pour le féliciter. Les Sierra-léonais sont capables d’un tel exploit. En tout cas, il est à portée de main. Et c’est leur démocratie qui gagnerait et s’en trouverait du même coup renforcée. Ce d’autant que bien des observateurs émettent des inquiétudes face à la résurgence de sentiments tribaux dans ce pays. Aussi, l’un des chemins pour y parvenir, est d’encourager fortement les responsables politiques à recourir, le cas échéant,  aux voies de recours légales en cas de contestation, et éviter à tout prix d’en appeler à la rue pour essayer de se rendre justice. Car, dans bien des cas, ce sont des manifestations de rue que naissent les violences postélectorales, avec leur lot de dégâts matériels et de pertes en vies humaines qui contribuent souvent à accentuer la fracture sociale entre concitoyens. Et les Sierra-léonais sont bien placés pour savoir qu’ils reviennent de loin, avec un passé récent fort douloureux, pour éviter de réveiller les vieux démons.

« Le Pays »


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