HomeA la uneSIGNATURE DE L’ACCORD D’ALGER SUR LE MALI : Cette paix à marche forcée tiendra-t-elle ?

SIGNATURE DE L’ACCORD D’ALGER SUR LE MALI : Cette paix à marche forcée tiendra-t-elle ?


C’est finalement dans l’immense salle du Centre international de conférences de Bamako que la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) a signé le 20 juin dernier, son engagement à respecter l’accord d’Alger qui avait été préalablement signé par les autres parties en conflit et qui consacre, en principe, la fin de la crise qui, depuis déjà bien longtemps, déchire le Mali.
Devant un aéropage d’invités, les différents intervenants ont rivalisé de discours ampoulés et de formules fleuries pour non seulement donner plus de solennité à la cérémonie, mais aussi et surtout pour donner un gage à la médiation internationale et aux populations maliennes meurtries, que les crépitements assourdissants des armes vont désormais céder le pas à une « paix des braves » entre les différents protagonistes.
En rappel, l’accord de paix et de réconciliation conclu samedi dernier sous l’égide de l’Algérie au terme de plusieurs mois d’âpres négociations et d’intenses marchandages, prévoit davantage de décentralisation, la démobilisation des combattants et leur intégration dans une armée nouvelle ainsi que le déploiement de l’administration malienne sur toute l’étendue du territoire.

Le pari de la paix définitive au Mali n’est pas gagné d’avance

Rien de nouveau ou presque dans les propositions de sortie de crise, serait-on tenté de dire, puisqu’il s’agit là d’un léger replâtrage des accords de paix signés en 1992 et en 2006.
Toutefois, à défaut de l’indépendance de l’entité territoriale appelée Azawad dont ils avaient fait de la reconnaissance une condition préalable à toute négociation, la CMA qui regroupe les mouvements indépendantistes, a obtenu que les trois régions septentrionales, théâtres d’affrontements et objet de toutes les crispations que sont Kidal, Tombouctou et Gao, soient administrées par un conseil régional dirigé par un président élu au suffrage universel direct et cumulant à lui seul les pouvoirs administratif et législatif.
Ces pouvoirs étendus, reconnus aux instances dirigeantes de ces trois régions, font déjà des gorges chaudes du côté de Bamako puisqu’ils confinent à l’autonomie de cet espace géographique, et cela risque de « renforcer les tendances centrifuges et ouvrir un boulevard à la partition du pays », selon l’ex-ministre des Affaires étrangères du Mali, Tiébilé Dramé.
Et il faut bien craindre que cette inquiétude affichée de l’ex-ministre ne soit un mauvais présage pour cet accord de paix, d’autant que, nous sommes dans un pays en proie à des rébellions de façon cyclique, et où on semble accepter la cessation des hostilités dans l’intention perfide d’aiguiser ses sabres ou de tester ses armes létales pour mieux porter l’estocade à l’adversaire.
Sans jouer les oiseaux de mauvais augure, l’on est bien obligé de reconnaître que le pari de la paix définitive au Mali voisin n’est pas gagné d’avance, et Mahamadou Djéri Maiga, vice-président du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), ne croyait pas si bien dire quand il affirmait samedi dernier, sur la grande estrade du Centre international de conférences de Bamako, « qu’une paix ne se gagne jamais uniquement d’une simple signature ».
Et comme en écho à ces propos du leader du MNLA, des centaines de femmes sont descendues dans les rues de Kidal pour dénoncer l’accord, en qualifiant les membres de la délégation de la CMA de traîtres à la cause de l’Azawad.
Comment, dans ce contexte déjà survolté, déployer l’armée malienne à Kidal, désarmer les groupes armés et restaurer la confiance très largement érodée entre les différentes communautés vivant dans les régions du Nord ?
Difficile exercice, s’il en est, et les signataires de l’accord d’Alger risquent de déchanter, à cause justement de l’activisme de ces mouvements armés dont le nombre continue de croître de façon dangereuse et exponentielle à la faveur de la déliquescence de l’armée malienne.

Les fous d’Allah constituent la menace la plus sérieuse pour le processus de paix

Le dernier-né en date est le Gatia (Groupe d’Autodéfense des Touaregs Imghad et Alliés) que beaucoup qualifient, à tort ou à raison, de supplétif de l’armée malienne, depuis que celle-ci a décidé de garder l’arme au pied suite à sa déroute à Kidal en mai 2014 face au MNLA.
Cette atomisation des Mouvements armés rend d’autant plus improbable la pacification à court terme du septentrion malien qu’elle est mue par des considérations ethniques ou claniques, les Touaregs Ifoghas méprisant leurs frères Imghad, les Peuls et les Sonrai s’offusquant de la condescendance et de la surenchère prétentieuse de leurs homologues touaregs, et tous se méfiant les uns des autres.
Et pour compliquer davantage la tâche à tous ceux qui rêvent d’un Mali uni et pacifié, une autre milice d’auto défense dénommée « Mouvement peul pour la libération du Macina » a vu le jour en janvier dernier, sous la houlette du prédicateur Hammadoum Koufa ; ses objectif seraient d’une part de défendre les intérêts des Peuls dont les activités pastorales sont compromises dans le Delta du Niger à cause de la présence dans cette zone de l’office du Niger, et d’autre part, de restaurer l’empire théocratique peul du Macina.
Quid des islamistes qui ont fait du Nord Mali leur zone de prédilection en Afrique de l’Ouest ? L’accord d’Alger les a royalement ignorés, comme s’ils comptaient pour du beurre dans la recherche de la paix et de la stabilité du Mali et même au-delà.
A vrai dire, ces fous d’Allah constituent dans l’immédiat, la menace la plus sérieuse pour le processus de paix, d’autant qu’ils frappent indistinctement rebelles touaregs, armée malienne et populations considérées comme impies, à leurs yeux. Et ce n’est pas un accord, auquel ils n’ont pas été associés de surcroît, qui dissuadera ces « s’en fout la mort » de s’attaquer à leurs cibles qu’ils recrutent dans toutes les communautés.
Pour autant, nous ne devons pas définitivement désespérer des acteurs de ce « no man’s land » puisque l’histoire nous enseigne que les faucons sont souvent plus aptes à faire la paix que les colombes.
Et ce qu’on peut espérer de mieux pour le Mali et pour l’ensemble de la sous-région, c’est que les différents acteurs de la crise, usés par la guerre ou isolés de leurs soutiens respectifs, se décident à trouver un modus vivendi pour cultiver l’esprit de la paix et de solidarité en s’alliant, le cas échéant, pour mettre leurs ennemis communs hors d’état de nuire, à commencer par les irrédentistes islamistes et autres narcotrafiquants, véritables poisons pour la société et pour le développement de nos pays encore et toujours sous perfusion économique et financière.

Hamadou GADIAGA


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