HomeA la uneSIMON COMPAORE, 2e VICE-PRESIDENT DU MPP : « Vous savez bien qu’il y a des gens qui, même si l’envie leur prenait de venir au MPP, n’oseraient pas »

SIMON COMPAORE, 2e VICE-PRESIDENT DU MPP : « Vous savez bien qu’il y a des gens qui, même si l’envie leur prenait de venir au MPP, n’oseraient pas »


Actualité oblige ! Nous avons reçu, à notre rédaction, Simon Compaoré, cet homme bien connu du sérail politique burkinabè et qui n’est donc plus à présenter. Ancien maire de la commune de Ouagadougou et deuxième vice-président du bureau politique national du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), l’homme est venu s’entretenir avec la rédaction des Editions « Le Pays » sur un certain nombre de questions d’actualité. C’était le mercredi 15 avril 2015. Au nombre des sujets qui ont fait l’objet d’échanges figurent la relecture du code électoral, les arrestations et interpellations d’anciens caciques auxquelles on assiste ces derniers temps, la transition, la présidentielle d’octobre 2015, la question Blaise et François Compaoré, etc. Avant de répondre aux diverses interrogations, Simon Compaoré a tenu à dire ceci à l’équipe du journal : « C’est avec beaucoup de plaisir que je réponds à votre invitation, surtout que ce que vous réclamiez est enfin là (NDLR : le bitumage de la voie passant devant le siège des Editions « Le Pays »). Je me rappelle que vous receviez beaucoup de poussière et, en son temps, vous aviez demandé le bitume. Je vois que c’est chose faite et certainement les conditions vont continuer à s’améliorer pour que votre travail soit le plus aisé possible. Je voudrais vous féliciter pour le fait que vous avez maintenu votre journal parmi les journaux qui sont les plus lus au Burkina Faso. Il y a des journaux que je ne reçois pas le matin, mais le vôtre fait partie des journaux que je reçois tous les matins, je le feuillette et je vois que vous avez su maintenir le rythme et c’est tout à votre honneur. Je ne suis pas journaliste mais je sais qu’il n’est pas facile de maintenir un journal tous les jours, tout au long de l’année et de faire en sorte que les lecteurs restent fidèles. Je vous félicite pour ça et vous remercie d’avoir accompagné la vie politique durant les périodes tumultueuses jusqu’à la date d’aujourd’hui. Vous pouvez être fiers aussi d’être lus à l’extérieur. Grand merci pour votre contribution à l’ennoblissement de la démocratie et à l’implantation de l’état de droit dans notre pays. »

 

« Le Pays » : Quelle lecture faites-vous de la relecture du code électoral ?

 

Simon Compaoré : Il n’y a pas grand-chose à dire à ce niveau après tout ce qui a été dit. Une loi a été votée et le président du Faso a procédé à sa promulgation donc, à l’heure où nous en sommes, on peut être content ou pas de certaines dispositions de cette loi, mais le constat qu’on peut faire c’est que c’est une loi qui est applicable puisque votée et promulguée, à moins que le Conseil constitutionnel ne trouve à redire parce qu’à ma connaissance, c’est la seule instance maintenant qui peut avoir son mot à dire par rapport aux dispositions contenues dans cette loi. Les points qu’on peut retenir de cette loi, c’est le fait que, pour la première fois, en l’appliquant, on va autoriser des candidatures indépendantes ; ce qui ne s’est jamais fait sous la quatrième république. L’autre aspect innovant de la loi c’est le fait qu’il n’y aura pas de gadgets au cours de la campagne. Les autres aspects sont l’augmentation de la

caution qui passe de 10 à 25 millions de F CFA, la limitation du budget de campagne et le fait que les bulletins, une fois dépouillés, on devrait pouvoir les garder jusqu’à la proclamation définitive des résultats. Un autre aspect qui fait des gorges chaudes, c’est le fait qu’il y a une disposition qui se réfère à la Charte de l’Union africaine sur la démocratie.

 

Avant d’aborder cet aspect de la charte, est-ce à dire que vous êtes favorable aux candidatures indépendantes ?

Il n’y a plus d’intérêt à dire que je suis pour ou contre cela. C’est une loi. La plupart des partis politiques pensaient qu’il fallait laisser en place le système partisan en dépit des arguments qui n’ont pas manqué pour l’adoption du principe de la candidature indépendante. Mais que l’on soit d’accord ou pas, maintenant, on a dit que c’est possible et il faut donc s’en tenir à cela. Je prends acte et on travaillera à ce que cette loi soit appliquée.

 

Concernant l’aspect relatif à la Charte, qui fait en ce moment des gorges chaudes…

 

La Charte de l’Union africaine sur la démocratie indique que ceux qui ont participé à la tentative de la révision de la Constitution avec pour objet d’empêcher l’alternance de se faire, ne doivent pas se présenter aux élections. C’est ce point-là qui a été acté dans les dispositions du code électoral et qui fait que certaines personnes se sentent visées. A notre niveau, nous n’avons pas de commentaire particulier à faire sur cela ; c’est tellement clair que ça se passe de commentaire, sauf que je dois dire que, même si on met l’aspect juridique de côté – je ne suis pas juriste – la morale, la décence élémentaire voudraient que lorsqu’on a été à la base de ce qui s’est passé dans notre pays (ndlr : les 30 et 31 octobre derniers), avec ses conséquences dommageables pour la cohésion sociale, je fais notamment allusion aux nombreuses familles endeuillées, car des gens sont morts à cause du refus de certains de respecter les règles du jeu, on ait l’humilité de faire profil bas. On a enterré des gens à Gounghin et leurs os ne se sont pas encore détachés complètement. Les gens ont toujours en mémoire ces héros qui sont tombés parce qu’ils ont osé lutter contre la forfaiture d’un pouvoir qui pensait que tout était fait pour certaines personnes et à vie, pendant que d’autres personnes étaient exclues du jeu. Quand vous  observiez l’attitude de certains responsables du CDP ou de ce que l’on a appelé Front républicain, on se demandait s’ils étaient au Burkina et à Ouagadougou qui a été l’épicentre des événements des 30 et 31 octobre 2014. C’est franchement choquant. Je suis croyant. Ces personnes qui ont été la cause de ce qu’on a connu, devraient s’abstenir de quoi que ce soit lors de ces compétitions électorales pour permettre aux cœurs meurtris de se réparer de sorte que petit à petit, la plaie se referme. Mais là, c’est l’arrogance. Il y en a qui disent : qu’est-ce qu’on a fait ? Ah bon ? Vous ne savez pas ce que vous avez fait ?

 

Ils disent justement que nulle part, ils n’ont violé la Constitution.

 

Ça aussi, c’est un débat dépassé. Dans tous les cas, le peuple souverain a tranché et vous avez vu qu’il y a des gens qui ont fui. Quand on fuit, c’est qu’on se reproche quelque chose. Nous n’avons pas besoin que quelqu’un vienne nous dire ce qui est bon ou ce qui n’est pas bon pour nous. Quand on a fait l’insurrection, est-ce qu’on a demandé à quelqu’un s’il fallait que le peuple s’insurge ou pas ? Les 30 et 31 octobre 2014, avons-nous interrogé quelqu’un à l’intérieur ou à l’extérieur pour dire ce que l’on devait faire ? Non. C’est le peuple, dans sa souveraineté, qui est sorti et qui a mis fin à l’imposture.

 

« Ceux qui gesticulent devraient savoir que le peuple, à travers le CNT, a voté une loi et qu’il conviendrait, jusqu’à ce que le contraire soit dit, que cette loi soit appliquée sauf s’il y a des dispositions contraires »

 

Vous semblez, en creux, répondre aux diplomates qui ont récemment donné de la voix ?

 

Pas forcément aux diplomates, mais à des gens qui parlent au hasard. Je veux simplement dire à ceux qui gesticulent que si on n’a pas eu besoin de demander leur point de vue avant de sortir pour chasser le pouvoir qui est parti, ils devraient savoir que le peuple, à travers cet organe, le CNT (NDLR : Conseil national de transition), a voté une loi et qu’il conviendrait, jusqu’à ce que le contraire soit dit, que cette loi soit appliquée sauf s’il y a des dispositions contraires. Auquel cas aussi, il y a une procédure pour corriger les aspects qui seraient traités d’anticonstitutionnels.

 

Vous parlez plus ou moins de mouvements spontanés en référence aux événements des 30 et 31 octobre 2014. L’ex-majorité voit pourtant derrière cette insurrection, la main du MPP ou de ceux qui sont partis du CDP. Qu’avez-vous à dire à ce propos ?

 

Quand j’entends cela, je me dis qu’on nous met à un niveau qui n’est pas réel. Ce qui est vrai, c’est le fait que nous avons eu le courage de sortir parce que nous sentions que le véhicule était en train d’aller tout droit dans l’abîme et que nous ne voulions pas périr parce que c’est un accident qui allait être fatal pour tout le monde. Le fait d’avoir rompu avec le CDP et au regard de ce que certains d’entre nous représentaient au niveau de ce parti, on peut dire que ça a créé un affaiblissement du parti au pouvoir, même si certains avaient dit à l’époque que c’était un non- événement. L’évolution de la situation a permis de savoir très rapidement que c’était loin d’être un non-événement. Si ce départ a été d’un apport précieux au niveau de ceux qui étaient sur le terrain, organisés au sein du CFOP (NDLR : Chef de file de l’opposition), on ne peut pas dire que c’est nous qui avons été l’épicentre de l’insurrection; nous avons contribué comme d’autres et je pense qu’il faut savoir être modeste. Peut-être que notre action a permis d’aller rapidement, mais ça reste tout de même une contribution comme tant d’autres. C’est la conjonction de l’ensemble de ces contributions qui a permis que l’on débouche à l’insurrection des 30 et 31 octobre derniers.

 

Ces derniers temps, nous assistons à une vague d’interpellations et d’arrestations d’anciens dignitaires, quel commentaire faites-vous de cela ?

 

Nous avons publié une déclaration du MPP hier (NDLR : mardi 14 avril) et ce qui est dit dans cette déclaration reflète nettement ma position. Au sortir de l’insurrection, nous étions de ceux qui pensaient qu’il fallait poser un certain nombre d’actes et faire en sorte que ceux qui étaient en train de fuir avec certainement des documents compromettants, mais aussi avec de l’argent, soient empêchés de partir et que des sanctions soient prises à l’encontre de ceux qui ont été à la base des tueries survenues le jour de l’insurrection. Nous étions pour que la justice fasse son travail. Mais, pour un certain nombre de raisons, cela n’a pas pu être fait juste au sortir de l’insurrection et si cela se fait maintenant, nous n’avons pas de commentaire. Nous ne pouvons simplement que dire que nous partageons cette dynamique qui doit être poursuivie de manière globale, mais en tenant compte des lois et règlements qui existent dans notre pays.

 

Quelle serait donc la position du MPP si demain, les autorités de la transition venaient à arrêter un de ses membres ?

 

Je crois que votre journal nous a toujours fait l’amitié de venir à nos conférences de presse et, depuis qu’on est parti du CDP, cette question nous a été à chaque fois posée et nous avons invariablement apporté la même réponse. Nous avons dit que les militants du MPP sont avant tout des citoyens burkinabè et, comme tout Burkinabè, nous sommes tous assujettis aux lois et règlements en vigueur au Burkina Faso et je rappelle cette célèbre citation qui dit que « nul n’est au dessus de la loi ». S’il y a des éléments du MPP qui doivent être interpellés, ils répondront à titre personnel. Car, le MPP n’a jamais envoyé quelqu’un pour poser des actes répréhensibles. Comme disent les juges, chacun est responsable de ses propres turpitudes. Il n’y a aucun problème à ce niveau. D’aucuns nous ont même demandé pourquoi nous prenons le risque de sortir, ou si nous n’avions pas de dossiers qui allaient permettre à Blaise Compaoré de nous faire mâter.

 

Parmi ceux qui ont été arrêtés, certains ont été libérés. Ne pensez-vous pas que, quelque part, on a mis la charrue avant les bœufs parce que des juges se sont dit incompétents et ont renvoyé l’affaire devant la Haute cour de justice ?

 

L’important, comme je l’ai dit au tout début, c’est que l’on respecte les lois, les procédures et règlements en vigueur dans notre pays. S’il y a vice de forme, il faut rectifier le tir. Ce qui aurait été dommage, c’est de savoir qu’il y a vice de forme et qu’on fonce quand même. Il n’y a donc pas de problème pour moi. Il y a eu des erreurs dans le déroulement ; qu’on reprenne donc les choses pour être en conformité avec les lois et règlements du pays.

 

« Les sondages sont des baromètres qu’il faut prendre avec des pincettes parce qu’en politique, tout est évolutif »

 

Le dernier sondage donne le MPP gagnant de l’élection présidentielle d’octobre 2015. Quel effet cela a-t-il produit au niveau de la hiérarchie du MPP ?

 

Aucun !

 

Pourquoi ?

 

Les sondages, ce n’est pas dans notre tradition. J’ai fait des études dans un pays qui chérit les sondages. En France, il y en a un bon paquet. On sait que ce sont des baromètres qu’il faut prendre avec des pincettes, parce qu’en politique tout est évolutif. Nous sommes à combien de mois des élections ? Dans les sondages, il y a beaucoup de paramètres qui entrent en ligne de compte. Je n’ai pas dit qu’il ne faut pas se fier aux sondages mais quelqu’un qui est assis, qui ne lit que les sondages, tout comme un parti politique qui veille et regarde chaque jour les sondages, va à sa perte. Nous, ce qui nous préoccupe, c’est de savoir, au niveau du territoire national, où est-ce que nous ne sommes pas encore implantés, où est-ce que notre message n’est pas encore passé ; c’est cela notre préoccupation et c’est pour cela que vous voyez que nos responsables tout comme des responsables d’autres partis politiques, sont en train de parcourir le pays. C’est ce qui peut vous faire gagner. Si vous restez assis à Ouagadougou en vous disant que tel sondage a dit ceci ou cela, vous perdez votre temps. Il faut aller à la conquête de l’électorat et, pour cela, il faut leur vendre vos ambitions, les idées que vous chérissez pour le Burkina et faire du marketing politique. Nous sommes à cette phase. Notre parti n’a qu’un an, même si ceux qui l’animent ne sont pas aussi jeunes que cela en politique. Nous avons donc besoin qu’il soit connu partout. Et connu partout ne veut pas seulement dire qu’untel ou untel du parti soient connus mais que notre logo, l’emblème du parti, ses idéaux soient connus et pour cela, il faut travailler sur le terrain. Seul le travail est payant. En matière de sondage, vous avez vu que même en France, il y en a qui commandent des sondages. Je ne dis pas que ceux qui font les sondages perdent leur temps, mais un vrai politique doit privilégier le travail concret de visibilité et de lisibilité sur le terrain. Ce sondage, nous l’avons lu comme d’autres déclarations qui sont passées dans les journaux, à la radio ou à la télé, sans plus. Il y en a qui pensent qu’on a festoyé autour des résultats de ce sondage ; c’est ceux qui sont novices en politique qui peuvent faire cela et, si vous le faites, vous tombez dans une grosse erreur.

 

Vous dites que ce sondage ne vous a fait aucun effet. Il y a eu deux précédents sondages qui donnaient l’UPC gagnante. Est-ce que là aussi, ces sondages vous ont laissé indifférent ?

 

Vous savez, chacun connaît sa puissance de frappe et ses limites sur le terrain. Peut-être qu’en dehors même de ce sondage, il y a des amis qui nous appellent pour dire qu’il faut que l’on voie à tel ou tel endroit parce que le parti y est faible. C’est cela peut-être qui nous intéresse. Si l’on dit qu’untel est devant nous à tel endroit, c’est aussi un moyen pour certains de nous dire : « Ne vous amusez pas, le travail est encore immense là-bas ». Il faut éviter les deux extrêmes : l’exubérance parce que l’on a dit que tu es en pôle position et l’indifférence totale parce que l’on se dit que c’est n’importe quoi, un sondage. Il se peut que le sondage soit un signal que tu peux exploiter mais ce qui est dangereux, c’est de prendre cela pour vérité définitive alors qu’en politique, tout évolue. Vous avez vu des gens qui sont passés du simple au double et vice-versa dans les sondages. Je dois dire que c’est à exploiter avec beaucoup de délicatesse.

 

« Quand vous cherchez à conquérir le pouvoir, vous ne devez pas avoir peur de quelqu’un, sinon vous partez fragilisé »

 

Quel est le parti que vous craignez le plus ?

 

A votre place, je ne poserais pas la question comme cela, parce que quand vous cherchez à conquérir le pouvoir, vous ne devez pas avoir peur de quelqu’un, sinon vous partez fragilisé. Vous dites : « je ne suis pas seul, mais je ferai tout pour être le meilleur ». Il faut être gonflé à bloc et c’est cela qui vous donne le dynamisme sur le terrain.

 

On sent justement que le MPP est « gonflé à bloc » quand on se rappelle les propos de Salif Diallo qui disait, dans une de ses déclarations, que le parti remporterait les élections au quart de tour.

 

C’est une façon de requinquer les militants. Si vous rencontrez vos militants et vous leur dites « ah vraiment, c’est dur, on n’est pas sûr », vous servez l’adversaire. Si vous les rencontrez, même si la situation est serrée, dure, il faut que vous teniez le langage du gagnant pour les requinquer, sinon vous faites le jeu de l’adversaire. Dire qu’on va gagner au quart de tour, c’est du marketing politique et il ne faut pas donner une autre connotation à cela. Quand on fait la mobilisation, il faut savoir trouver les moyens, créer l’enthousiasme au niveau des militants parce que si vous êtes un leader bizarre chez qui on sent la peur lorsqu’on le regarde, vous êtes inutile pour votre parti. Cela relève de la chose politique, sinon nous savons tous que ces élections vont être âprement disputées et ça, ce n’est un secret pour personne et nous nous préparons en conséquence, comme d’autres partis.

 

Quel commentaire faites-vous par rapport aux adhésions de militants notoirement connus venant de partis comme le CDP, l’ADF/RDA et l’UNDD au MPP ?

 

Il n’y a pas de commentaire particulier, c’est un phénomène qu’on retrouve au niveau de tous les partis.

C’est une dynamique normale, il n’y a rien de surprenant à cela. Seulement, chaque parti, en fonction de sa stratégie, de la manière dont il déroule sa stratégie, opère des recrutements en fonction de son tableau de bord, de ses connaissances du terrain. Ce qui est sûr, vous avez dit certains militants sinon, vous savez bien qu’il y a des gens qui, même si l’envie leur prenait de venir au MPP, n’oseraient pas.

 

« La stratégie ne se discute pas, elle s’applique ; donc je ne vais pas dévoiler la stratégie du MPP sinon ce sera irréfléchi de ma part »

 

Est-ce que vous prenez le temps de faire des enquêtes de moralité avant d’accepter ces adhésions ? Ne craignez-vous pas qu’il y ait des taupes parmi elles ?

 

Des taupes, c’est vrai, il peut y en avoir. Moi, par exemple, on ne peut pas dire que je suis trop jeune ou trop vieux en politique, mais de ce que je sais, c’est que l’on rencontre très peu ce genre de cas chez nous. Quand les gens viennent chez nous, la référence, ce sont les statuts et règlement intérieur, l’orientation politique du parti. On vous demande si vous êtes d’accord avec ces textes et nous nous assurons que nous n’avons pas d’information que vous êtes quelqu’un de non fréquentable parce que vous êtes toutes les semaines à la MACO du fait que vous êtes un dealer, un voleur ou un criminel.

 

Est-ce pour l’une ou l’autre de ces raisons que le parti a refusé l’ancien maire Zacharia Sawadogo, en son sein ?

Il ne faut pas mélanger les choses. Zacharia Sawadogo a demandé à intégrer le parti pour un certain nombre de raisons. Nous avons aussi besoin de stabiliser nos bases. Autant nous souhaitons avoir des gens qui viennent, éviter que d’autres ne pensent qu’en laissant certains venir, c’est leur place qui va être ravie, autant on est contre le refus systématique, parce que si on fait cela, on ne pourra pas élargir les bases du parti. Cela dit, nous ne sommes pas un parti attrape-tout. Mais dès lors qu’il y a des situations qui commandent qu’on prenne des dispositions, même pour quelqu’un qui milite déjà dans un autre parti, on n’hésite pas à les prendre. Les statuts et règlement intérieur du parti sont faits pour être appliqués, mais pas pour être observés. Il y a des taupes partout. Même dans la gestion des pays, vous avez vu des gens qui ont été taupes pendant 20 ou 25 ans, même dans les pays qui ont les moyens les plus perfectionnés pour faire parler des machines qui les amènent à détecter le mensonge. Ils ne sont pas à l’abri de situations où des gens viennent pour vous balancer à l’adversaire. Dès lors qu’on a de nouveaux éléments, on prend des dispositions et c’est tout.

 

Quelles sont les stratégies que le MPP compte adopter pour conquérir le pouvoir ?

 

Je sais que vous avez posé la question tout en connaissant la réponse. Même si vous n’êtes pas un politique confirmé, vous savez que chacun a sa stratégie. Lorsque vous devez aller au combat et que vous vendez votre stratégie à l’adversaire, c’est comme si vous lui prêtiez des armes pour qu’il vous abatte. Sachez que tous les partis examinent tous les cas de figure pour se présenter et c’est en fonction de cela qu’ils préparent leurs stratégies. Nous sommes aussi dans ce lot de partis qui analysons et qui faisons des analyses prospectives. La stratégie ne se discute pas, elle s’applique ; donc je ne vais pas dévoiler la stratégie du MPP sinon ce sera irréfléchi de ma part.

 

Etes-vous prêts à faire une alliance avec le CDP pour….

 

(Rire). Là au moins, vous connaissez la réponse. Le patron du CDP a eu à dire qu’il s’alliera avec tous les partis sauf le MPP ; cela signifie que le divorce est consommé. Ce qui se passe sur le terrain démontre à souhait que nous sommes la cible principale, l’animal qu’il faut abattre.

 

Pensez-vous, comme certains, qu’il faut plafonner les dépenses des campagnes électorales ?

 

Je pense que plafonner les dépenses des campagnes électorales n’est pas une mauvaise chose. Si vous observez, la plupart des partis connaissent des difficultés pour financer leurs activités. Lorsque vous voulez sortir pour aller dans les provinces, il faut de l’argent. La politique coûte cher. Celui qui dit qu’on n’a pas besoin d’argent pour faire la politique a menti. Cela dit, je ne milite pas pour une débauche de moyens pour acheter l’électorat. Je ne suis pas pour ce pouvoir de marchander comme le disent les Anglais, mais plutôt pour celui de convaincre. Si vous arrivez à faire bouger les lignes dans le cœur d’un électeur, vous pouvez être sûr que vous avez gagné. Je pense que la limitation en tant que telle n’est pas une mauvaise chose. La question qu’il faut se poser et qu’il faut régler est de savoir quels sont les moyens que l’on met en place pour faire appliquer cette limitation des dépenses.

 

Il y a des textes qui existent dans le domaine, il suffit de les appliquer…

 

Oui, les textes existent mais c’est l’application qui pose problème. Pensez-vous que les élections qui se sont passées, c’est ce que chaque parti a dépensé qui se trouve dans les documents ? Non, loin de là. Ce que je voudrais, c’est qu’on imagine la façon dont ces textes qui sont adoptés, peuvent être appliqués de façon plus concrète.

 

Pensez-vous, comme le gouvernement, qu’il y a des gens qui travaillent dans l’ombre pour saboter la Transition ?

 

J’ai l’intime conviction qu’il y a des gens qui ont raté le coach et aujourd’hui, leur vrai combat n’est pas pour reconquérir le pouvoir par la voix normale, mais pour contribuer à la déstabilisation de la transition. Je suis fortement convaincu de cela. Même ce matin (ndlr : voir jour de l’interview), il y a des gens qui sont allés donner de l’argent à des jeunes pour qu’ils brûlent les voies à partir de 4h, 5h du matin. Ces gens-là, pensez-vous qu’ils veulent le bien de la transition ?

 

Avez-vous une idée de l’identité des gens dont vous parlez ?

 

Ces gens s’expriment à longueur de journée et tout le monde les connaît. Et puis, en matière de sécurité, il va falloir qu’on ouvre l’œil et le bon parce que ce qui se passe n’est pas anodin. Il y a un dicton mossi qui dit que « Si je rate le pouvoir, je ne peux pas rater ma capacité de nuisance ». Je crois que c’est ce qui est en train de se passer et il va falloir qu’on ouvre l’œil et le bon. C’est pourquoi dans notre déclaration précédente, nous avons invité tous les démocrates à unir leurs efforts pour qu’on soutienne la transition. A cette phase de notre pays, nous avons besoin d’une union sacrée pour faire en sorte que les élections se tiennent à bonne date.

 

« Il faut être vigilant à tous les niveaux… »

 

Il y a des gens comme je l’ai dit, qui font tout pour que les élections ne se tiennent pas à bonne date, pour que le désordre soit ambiant. Nous savons que si les élections se

tiennent, celui qui sera élu aura la légitimité suffisante pour prendre des mesures fortes pour consolider les acquis de l’insurrection. Lorsqu’on parle de terroristes, il ne faut pas banaliser cela. Il y a quelqu’un ici qui était en contact avec eux et qui a fui avec ceux qui ont fui.

A qui faites-vous allusion ?

 

A Moustapha Chafi. A l’époque, j’avais dit aux gens que j’ai peur parce que notre pays était devenu la base- arrière des terroristes. Il faut se dire qu’on doit ouvrir l’œil et le bon parce qu’on peut nous infiltrer des rebelles pour nous déstabiliser et créer le désordre. Cela a déjà commencé avec l’enlèvement du Roumain à la mine d’or de Tambao. Il ne faut pas écarter le fait qu’il y aura d’autres actions similaires. D’où la nécessité d’aiguiser la vigilance à tous les niveaux. Même au niveau du citoyen lambda. Toute information qui peut être rapportée pour que des dispositions soient prises pour sauvegarder la vie dans la cité, il faut la donner aux forces de sécurité. En rentrant ici, j’ai appris qu’il y a des gens qui sont à la Maison des jeunes du secteur 16 de Ouagadougou, en train de recruter des jeunes pour manifester parce qu’il y a des coupures d’électricité. Ce sont des gens qui n’entendent pas un seul instant que le code électoral qui a été voté, soit appliqué. Ce sont ces gens que j’appelle les fossoyeurs de la transition. Ce sont eux qui luttent pour essayer de rouler la roue de l’histoire dans le sens contraire.

 

D’aucuns disent que le MPP a des atomes crochus avec les responsables de la transition, notamment le Premier ministre, que leur répondez-vous ?

 

Vous savez, on va tout dire dans ce pays tout comme on va tout entendre. Je vais vous étonner. Savez-vous que nous avons des cadres au jour d’aujourd’hui, qui se plaignent parce qu’ils ont l’impression qu’on ne veut pas les propulser ? Si ce qui se dit était vrai, vous verriez que ce sont les militants du MPP qu’on propulserait ça et là. Tel n’est pas le cas. Ce qui est dit est archifaux. Pensez-vous que c’est responsable de la part d’un parti sérieux comme le nôtre, de passer le temps à faire ce que vous dites ? Ceux qui veulent voir la vérité verront. Ceux qui ne sont pas daltoniens et qui veulent sciemment confondre le rouge avec le blanc, c’est leur problème. Sachez que, comme les autres partis, le MPP soutient la transition pour peu que ses organes continuent de mener des actions à même de nous faire avancer. Toutes les fois que la transition posera des actions qui vont nous faire reculer, vous entendrez la voix du MPP.

 

« Il faut créer les conditions qui puissent permettre aux juges de prendre des décisions tout en sachant que même s’ils sortent pour aller se balader à Rood-Wooko, rien ne va leur arriver »

 

Quelles appréciations faites-vous des actions de la transition jusque-là?

 

Sur ce point, je voudrais reprendre les propos d’un ambassadeur qui a dit que la transition est un processus qui ne peut pas ne pas connaître de difficultés. C’est un avis que je partage. Si vous avez remarqué, l’insurrection n’a pas été calculée. Ce ne sont pas des gens qui se sont organisés avec des plans bien définis, pour prendre le pouvoir. C’est une volonté du peuple qui s’est exprimée à un moment T et le summum a été l’insurrection. Il n’y avait rien de ficelé dans ce sens et c’est tout à fait normal que la transition connaisse des difficultés. Dans certains pays, on a fait des années pour trouver des organes de la transition. Nous, nous avons réussi à mettre en place, en un temps record, les organes de la transition et cela est satisfaisant. Elle avance à un rythme dans lequel la pente est ascendante. Il y a des points de faiblesse qui constituent des creux, mais il y a aussi des rebonds. D’une manière générale, nous allons dans la bonne direction. Ce qui reste à faire c’est de circonscrire les difficultés pour qu’elles ne soient pas un frein pour le processus qui est engagé.

 

Doit-on juger Blaise et François Compaoré ?

 

S’il y a des actes qu’il a posés, qui nécessitent que Blaise Compaoré soit traduit devant les tribunaux, personne ne peut s’y opposer. Tout le monde est justiciable. La question ne se pose pas, s’il y a des éléments qui l’accablent. Au niveau de la justice, il y a eu des états généraux et de nouvelles dispositions ont été prises et au jour d’aujourd’hui, il y a un certain nombre d’actions qui sont en train d’être mises en place pour montrer que plus rien ne sera comme avant.

 

Etes-vous favorable qu’on juge Blaise Compaoré, si des éléments de preuves sont retenus contre lui ?

 

Si je suis prêt à ce qu’on me juge si j’ai commis des actes répréhensibles, ce n’est pas à un éventuel jugement de Blaise Compaoré que je m’opposerai.

 

Quelles sont les conditions d’une véritable justice indépendante au Burkina Faso, à votre avis ?

 

J’épouse entièrement ce qui est ressorti des travaux des états généraux de la justice qui se sont passés dernièrement. Le vrai problème, c’est de permettre à celui qui juge de le faire tranquillement, sans risque de représailles. C’est cela l’indépendance de la justice. Il faut créer les conditions qui puissent permettre aux juges de prendre des décisions tout en sachant que même s’ils sortent pour aller se balader à Rood-Wooko, rien ne va leur arriver.

 

« Ce n’est pas seulement le Burkina Faso qui connaît des difficultés économiques »

Premièrement, le juge doit dire le droit sans risquer sa vie. Deuxièmement, il doit le dire en se disant que s’il favorise une partie pour un intérêt quelconque, il va être sanctionné. Je crois que ces éléments essentiels sont ressortis dans les états généraux de la justice et je m’en félicite. Les autres aspects restent les moyens qu’on doit mettre à leur disposition pour leur permettre de bien faire leur travail.

 

Il est annoncé une baisse sensible de la croissance économique au Burkina en 2015, comment réagissez-vous à cela ?

 

Comme je vous ai dit, lorsque vous êtes responsable, il faut être lucide et en même temps, serein. Même vous qui êtes directeur de publication, il est arrivé que votre boîte connaisse des difficultés. Est-ce que cela vous a empêché de continuer à paraître jusqu’au jour d’aujourd’hui et de continuer à produire un journal de qualité pour vos lecteurs ? Ainsi va la vie des hommes, des nations, des institutions. Nous vivons aujourd’hui une crise qui est mondiale. C’est pourquoi les contributions sont en train de s’amenuiser. Il y a des pays qui nous ont sorti de leur champ parce qu’ils sont en situation financière difficile et ils essaient de fermer les robinets par-ci, par-là. Ce n’est pas seulement le Burkina qui connaît des difficultés économiques. Il faudra que nous nous adaptions à cette nouvelle situation. Il y a deux leviers en économie qu’on pourrait actionner : si on ne peut pas augmenter les recettes, il ne faut pas augmenter les dépenses. Il faut voir comment on peut réduire certaines dépenses sans mettre en péril la vie de l’Etat central et le fonctionnement de l’économie. C’est une gymnastique que ceux qui sont au pouvoir doivent bien piloter. Notre chance est que nous avons cette possibilité de rebondir et il y a une main divine sur les Burkinabè. C’est pour cela que je reste serein tout en étant lucide. Nous allons affronter toutes les difficultés et je pense qu’avec de la bonne volonté, nous allons sortir la tête hors de l’eau. Puisse Dieu nous préserver de la catastrophe !

 

Propos recueillis par Christine SAWADOGO et

Yannick SANKARA

 

 

 

 

 

 

 

 


Comments
  • En toute impartialité, il souhaitable que la Transition fasse un inventaire sans complaisance de la gouvernance du régime déchu les 30 et 31 octobre 2014, avant de passer à une nouvelle republique! C’est pourquoi, les audits de la gestion des fonds et deniers publics devraient remonter à au moins 2004; et prendre en charge également les rapports antérieurs de l’Inspection générale d’Etat, de la Cours des comptes, et de l’Autorté supérieur du controle d’Etat afin d’en juger les dossiers de malversations et de détournements! Aussi, pour ces taches de salubrité publique et pour une gestion saine au profit du peuple Burkinabé, nous nous verions aucun inconvénient que quelques mois soient accorder à la Transition afin de lui donner le temps pour pour régler le maximum de questions relatives aux institutions démocratiques, juridiques et législatives, judiciaires, administratives et sociales! Car il est évident, que dans la nouvelle republique qui se voudrait plus démocratique et vertueuse, PLUS RIEN NE DOIT ETRE COMME AVANT, dans ce monde complexe et compétitif; les Burkinabé ne doivent plus souffrir du manque de crédibilité et de vision de ses Dirigeants!

    21 avril 2015
  • Simon Compaoré par son charisme exceptionnel, a fortement marqué la vie de la commune de Ouagadougou. Son départ de la mairie semble demeurer un grand vide qui ne saurait se combler que dans un long terme. Une anecdote à ce sujet : des taximen qui habituellement ne sont pas en règle pour les documents de leurs véhicules et qui sont obligés de faire des acrobaties pour fuir la police municipale, n’étaient pas souvent contents des exigences du maire Simon pour la mise à jour de leurs documents et véhicules. Curieusement en 2014, soit 2 ans après le départ de Simon de la mairie, un groupe de taximen face à l’anarchie dans les occupations des voies publiques et des actes d’incivisme en circulation, se sont indignés et ont affirmé haut et fort que Ouagadougou n’a plus de maire car, si c’était au temps de Simon, cette pagaille n’allait pas exister longtemps. Il s’agit là d’une reconnaissance manifeste de la qualité de la personnalité de Simon Compaoré dans l’administration de la commune de Ouagadougou.Ce ne sont pas que des éloges, mais plutôt des mérites reconnus. Et même si cela devrait tenir lieu d’éloges, ce serait des éloges méritoires.

    21 avril 2015
  • Pardon papa Simon prenez votre retraite et encadrer la jeunesse pour la suite du travail ,chassez le naturel il revient au galop,toute chose égale par ailleurs,vous ne ferez pas mieux que votre ex parti car la haine n a jamais été une solution,votre temps est révolu ,rejoignez papa blaise car le mpp dans les mêmes conditions produira les mêmes fruits.

    21 avril 2015
  • ils ont voulu assurer leurs arrières en brulants les maisons de tous ceux qui détenaient les dossiers qui les incriminaient pour échapper a la justice .je préfère mille fois Djibrill que les 3 MPP

    21 avril 2015
  • C’est clair, la transition roule pour le MPP. Si non comment comprendre qu’on refuse de demander des comptes aux ex mogo puissants du régime compaoré (seulement depuis hier gourous du MPP), ceux-là mêmes qui ont pataugé pendant 27 ans dans les eaux sales de Blaise C.
    Le rapport relatif à la surfacturation de la réfection de la mairie centrale est là. Plusieurs milliards dealés. Simon est là et ose narguer le peuple. Ce n’est qu’un exemple de malversation et ni Zida, ni Kafando n’en parle. Je donne raison à ceux qui parlent de complicité.

    22 avril 2015

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