HomeA la uneSIMON COMPAORE, PRESIDENT PAR INTERIM DU MPP « L’horizon est troublé mais la qualité de cet horizon ne nous empêche pas d’avancer »

SIMON COMPAORE, PRESIDENT PAR INTERIM DU MPP « L’horizon est troublé mais la qualité de cet horizon ne nous empêche pas d’avancer »


Le pouvoir de Roch Marc Christian Kaboré est sous pression sur plusieurs points dont le plus crucial n’est autre que la question sécuritaire. Sur ce sujet précis, le régime essuie plusieurs critiques, principalement de l’Opposition politique qui a prévu une manifestation d’ampleur, le 29 septembre prochain. Qui mieux que son parti, le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), pour soutenir le président ? Justement, le parti présidentiel déroule actuellement les activités de sa rentrée politique. L’occasion faisant le larron, la rubrique «Mardi Politique» du jour reçoit un des piliers de ce parti. Il s’agit de Simon Compaoré, président par intérim du MPP et ministre d’Etat auprès de la Présidence du Faso. Avec l’homme, il faut toujours s’attendre à des mots directs, en raison du style « teigneux » qu’on lui connaît. Lisez plutôt !

« Le Pays » : En tant qu’ancien ministre de la Sécurité, quel commentaire faites-vous de la recrudescence des attaques terroristes, notamment dans la partie Est du pays ?

Simon Compaoré : Ce sont ceux qui ne suivent pas avec beaucoup d’attention ce phénomène terroriste ou actes de déstabilisation, qui peuvent en être surpris. Vous connaissez leur mode opératoire. Ce n’est pas une guerre classique où on sait que le front est à tel niveau précis. Là, ce sont des terroristes, des voyous et des bandits, qui ont juré de faire couler le sang, de semer la mort et la désolation. Seuls ces criminels savent qui, quand, où et comment ils vont attaquer.

Peut-on dire aujourd’hui que le Burkina Faso connaît ceux qui sont en face ?

Cette question est extrêmement importante parce que pour pouvoir vaincre son ennemi, il faut pouvoir l’identifier. Ce n’est pas facile, mais la conjugaison des indices peut permettre de se faire une idée de ceux qui nous attaquent. On a commencé à être attaqué au niveau du Sahel et là, on voyait leur mode opératoire au début. Ce sont des gens qui agissent sous des traits de djihadistes et laissent une signature, chaque fois, après leurs crimes, notamment par la publication de papiers, d’écrits en arabe. Et au moment où ils revendiquent leurs forfaits, on est quasiment sûr qu’ils ont dépassé la frontière. De fil en aiguille, ils ont évolué vers la pose d’engins explosifs avec pour but d’anéantir suffisamment ceux-là qui sont chargés d’assurer notre sécurité. Selon les experts, seuls les spécialistes en la matière peuvent agir ainsi. Quand on analyse la manière d’attaquer maintenant, on a l’impression qu’il y a eu des apports nouveaux dans la manière de faire. Cela laisse croire à des actes professionnels et pendant ce temps, on note une activité abondante au niveau de certains qui sont burkinabè, mais qui ne sont plus à Ouagadougou avec nous.

Pouvez-vous être plus précis ?

Je n’ai pas besoin de dire plus que ça. On a une idée de ceux-là qu’on cherche et qui ont fui, se trouvant quelque part au-delà de nos frontières. Ce ne sont pas des enfants de chœur. Ils ont fait aussi le métier des armes, pour certains, en tout cas. Quand vous réunissez les éléments du puzzle, vous arrivez à faire le portrait-robot de ce que cela peut représenter. Des indices tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, du pays réunis, nous amènent à dire que tout ce qui se passe, n’est pas anodin. Et quand vous observez, c’est comme si on veut disperser les forces chargées d’assurer la sécurité, exactement comme quelqu’un avait dit au moment même du coup d’Etat à savoir qu’il faut semer l’Armée en attaquant par-ci, par-là. On a l’impression que c’est ce schéma qui s’applique et certains évènements récents achèvent de nous convaincre qu’il y a des intelligences à l’intérieur de notre territoire, qui sont certainement en connexion avec d’autres qui sont hors de nos frontières. La constance et la survenue d’un certain nombre de faits nous amènent à penser que ceux qui avaient décidé de déstabiliser le pays dès notre prise de pouvoir, sont toujours à la manœuvre.

Voulez-vous dire que d’anciens soldats de l’Armée burkinabè qui sont à l’extérieur ou cachés quelque part, sont impliqués dans ces attaques ?

Ce n’est pas moi qui le dis. Vous avez vu qu’on a ramené certains qui sont en train d’être jugés. Où étaient-ils ? Ils étaient hors de nos frontières et avec nos bonnes relations, on a pu les faire venir pour qu’ils soient jugés. Ces gens-là, s’ils veulent être honnêtes, en savent beaucoup sur ce qui nous arrive et peuvent nous faire voir la partie non visible de l’iceberg. Il y a des faits irréfutables qui montrent qu’il y a des gens qui travaillent à la déstabilisation du pays. Plus le pays est déstabilisé, plus ils s’approchent de leur objectif qui est la revanche sur ceux qui ont pris le pouvoir.

Monsieur le ministre, d’aucuns estiment que le pouvoir avance certaines raisons parce qu’il est frileux. Qu’en dites-vous ?

Nous sommes plutôt teigneux devant l’adversité parce qu’on est conscient qu’il ne faut pas jouer avec la confiance que le peuple nous a accordée.

Que répondez-vous à ceux qui disent que vous n’avez pas de solution au problème sécuritaire ?

Ça fait rigoler. Regardez le phénomène du terrorisme tel qu’il se décline aujourd’hui dans le monde. S’il s’agissait de claquer le doigt pour une solution magique, les guerres cesseraient. On ne peut pas dire qu’on a une solution magique. On bâtit des stratégies qui doivent concourir, petit à petit, à cerner le phénomène et à le réduire à sa portion congrue. Aucun pays dans le monde ne peut dire qu’il a trouvé une solution magique pour annihiler toute attaque terroriste. Si vous en connaissez, vous pouvez m’en citer.

Dans l’opinion, des gens estiment qu’en libérant certains prisonniers, le phénomène terroriste trouvera sa solution !

Quand des gens opinent de la sorte, cela veut dire qu’il y a des connexions. Il y a des chefs terroristes, notoirement connus au Burkina, qui nous ont attaqués. Ils ont séjourné dans ce pays. Des gens qui sont jugés aujourd’hui, ont côtoyé certains qui nous ont attaqués. Ça, ce n’est pas un secret. Ils ont bu et déjeuné avec ces gens qui ont l’appui de nos compatriotes ici. Il y a aussi des conseillers qui sont hors du pays et qui n’ont pas démordu. Ils utilisent leurs réseaux pour continuer de faire du mal au Burkina Faso. Ils veulent faire du mal au pouvoir en place mais, en fait, c’est au Burkina Faso que ces gens s’attaquent. Ce sont des Burkinabè qui meurent ; c’est du sang burkinabè qui coule. Ce n’est pas nous qui allons signer avec des terroristes pour aider à la libération de prisonniers moyennant des accords. Nous désapprouvons cette façon de faire et c’est peut-être ce qui explique que nous soyons victimes.

Les Burkinabè semblent désespérer de la situation sécuritaire. Qu’avez-vous à leur dire ?

La caractéristique qu’on peut coller aujourd’hui aux dirigeants, aux Forces de défense et de sécurité et à la population burkinabè, c’est notre résilience. Si on n’avait pas cette capacité de résilience, on serait tombé depuis. On est debout et on va rester debout. Avec la mobilisation de tous, avec la mobilisation de notre peuple, on va avoir raison de l’ennemi. Nous n’avons pas l’intention de nous laisser faire. A l’heure où je vous parle, il y a des gens qui sont sur le terrain, en brousse et dans des zones reculées, loin d’ici. Nous avons des militaires, des gendarmes et des policiers qui sont loin de Ouagadougou et qui travaillent dans le sens de notre sécurité, de notre bien-être. Ce qui nous reste à faire, c’est de nous mobiliser derrière nos vaillants combattants qui vont jusqu’au sacrifice suprême. C’est cela qui vaille la peine d’être fait aujourd’hui ; une mobilisation de toutes les forces.

Vos opposants doivent-ils aussi se mobiliser ?

Les opposants sont des Burkinabè. Ceux-là qui dirigent aussi, sont des Burkinabè. C’est comme un homme et une femme qui vivent sous le même toit. Donc, opposition ou majorité, nous vivons sous le même toit qui est le Burkina Faso. La case est en train de prendre feu. Vous et votre femme, même s’il y a des bisbilles entre vous, vous êtes sous le même toit. Si ce toit prend feu, la femme et l’homme, ce qui leur reste à faire, ce n’est pas de s’insulter ou de se mettre à se bagarrer ; chacun accourt avec son récipient plein d’eau, pour le jeter sur le feu. C’est la préoccupation essentielle. Et cet instinct de survie, devant ce qui peut nous détruire tous, doit nous animer.

Avez-vous l’impression que l’Opposition apporte son seau d’eau pour contribuer à éteindre le feu ?

En tout cas, ce n’est pas tout le monde qui le fait. Il y a certains, de par leurs propos et leurs agissements, qui ne vont pas dans ce sens. Il y en a qui, manifestement et comme ils le disent, ont leur plan B. C’est-à-dire atteindre un certain seuil de mobilisation pour faire une autre insurrection pour terrasser le pouvoir de Roch Marc Christian Kaboré, créer la désolation dans les familles, peut-être faire encore des morts ou faire couler encore le sang au Burkina Faso.

Qui sont ces gens qui ont ce plan B ?

Je dois avoir plus de retenue !

Pensez-vous que le Chef de file de l’opposition joue le jeu dans le sens d’éteindre le feu ?

C’est à vous de tirer les enseignements. Mais il y a une certaine façon de faire qui ne permet pas de se mobiliser pour aller à l’essentiel. On est en train de peindre en noir tout ce que le pouvoir a fait depuis qu’il est à la tête du pays. Mais je remercie Dieu de nous avoir donné la vie et de nous avoir donné le minimum de moyens qui font qu’aujourd’hui, pour la femme enceinte ou l’enfant de moins de 5 ans, on a les soins gratuitement au Burkina Faso. On ne demande pas si vous êtes d’une famille du CFOP ou de la majorité. Vous êtes soigné, parce que vous méritez ce que le pouvoir de Roch Marc Christian Kaboré réalise par rapport à ses engagements en matière de santé. Tenez-vous bien ! Nous discutons avec certains opposants. N’allez pas penser qu’il y a une muraille de Chine entre les opposants et nous. Ils disent qu’il faut qu’ils nous emmerdent aussi. Ils ne peuvent pas passer leur temps à nous applaudir, sinon, il n’y aura plus d’opposition. Tout le monde sait que ce qui se fait le jour, n’est pas forcément ce qui se fait la nuit.

La gouvernance du MPP est décriée par l’Opposition et une partie de la société civile. Vous venez d’ailleurs de dire qu’on peint tout en noir ! Dans tous les cas, que pensez-vous de ce tableau peint en noir ?

Ce n’est pas juste de peindre tout en noir. Parmi nous, il n’y a pas quelqu’un qui soit ange. Il n’y a pas d’ange ; ni dans l’opposition ni dans la majorité. C’est cela la réalité. Nier tout et systématiquement, n’est pas un comportement qui honore, parce que ce n’est pas ça la politique. Nous ne disons pas qu’il n’y a pas de faiblesses dans notre gestion et nous souhaitons que les critiques des citoyens nous amènent chaque jour à faire le réglage nécessaire pour aller vers la perfection. La perfection n’est pas de ce monde, mais quand il y a la volonté, on tend vers elle. Nous agissons et nous savons que les lignes bougent, mais pas peut-être à un rythme que tout le monde veut. Sur la question de la gouvernance, chacun opine comme il veut. Ce qui importe pour nous, c’est de respecter nos engagements et rendre compte en 2020. En 2020, nous allons répondre devant le peuple et nous mesurons cette lourde responsabilité. C’est pourquoi nous sentons aussi que cette façon de faire d’une partie de l’opposition, vise à nous distraire. Vous allez prendre 90 à 95% de votre temps pour faire des bagarres dans la rue, des mobilisations, des meetings et oublier que vous avez été élus sur la base d’un programme dans lequel on parle d’eau en quantité et en qualité suffisante pour le peuple, d’éducation, de santé, de routes, d’infrastructures, etc. Nous sommes conscients que l’Opposition n’aura rien à justifier demain. Le peuple ne va pas demander aux opposants le nombre de forages qu’ils ont réalisés. Cela dit, les maux en termes de gouvernance dont parle l’Opposition, concernent aussi cette Opposition. Il y en a même qui sont incapables de gérer correctement leur parti. La gouvernance au sein de leur parti est décriée.
Il faut savoir raison garder. Nous savons qu’il y a des insuffisances et on travaille, chaque jour que Dieu fait, à y remédier.

Peut-on dire aujourd’hui que le pouvoir du MPP fait mieux que celui du CDP ?

C’est à vous de juger. On ne peut pas être juge et partie. Nous agissons et le peuple juge. Et la sentence va être livrée en 2020. Et 2020, c’est demain.

Etes-vous confiant pour 2020 au regard du contexte actuel ?

Pourquoi êtes-vous si pressé que ça ? Si on doit poser la guillotine, ceux qui doivent mériter la guillotine vont se préparer à la recevoir. Si nous, on pensait qu’on allait être battu en 2020, autant nous contenter du minimum en disant ceci : « On termine notre mandat et c’est tout ». Comme on a envie de rebeloter, comme nous sommes des gentlemen, parce que le gentleman respecte ses engagements, nous avons foi en l’avenir. Il y a une phrase célèbre en anglais qui dit ceci : « because he lives, I can faste tomorrow ». Je crois à la capacité de Dieu, dans n’importe quelle situation, à faire bouger les lignes parce que Dieu est là.

Y a-t-il véritablement une rupture en termes de gouvernance ?

C’est encore à vous de juger. Nous, nous estimons que nous sommes sur de bons rails. On avance, on ne fait pas du sur-place, mais la lutte n’est pas facile. Nous avons une certaine résilience et nous sommes conscients de cela. Nous devons parvenir à réaliser nos objectifs. Sinon, il n’y avait qu’à tout laisser tomber et aller dormir tranquillement. Si on est toujours sur le pont, c’est que de notre point de vue, nous continuons de poser des actes qui participent à l’amélioration de la qualité de vie de nos citoyens, dans un contexte sécuritaire difficile. Malgré toutes ces difficultés, on n’est pas à plat ventre, on reste debout et on restera debout grâce à la mobilisation de tous. Soit on réussira avec tout le monde, soit on ne réussira pas, notamment dans le domaine sécuritaire, parce que la moindre contribution peut participer à la victoire sur l’ennemi. La moindre information peut aider à sauver des vies humaines quelque part. C’est pourquoi l’heure n’est pas aux invectives. Elle est plutôt à la mobilisation de toutes et de tous.

Votre horizon n’est-il pas sombre ?

Non ! L’horizon est troublé mais la qualité de cet horizon ne nous empêche pas d’avancer. C’est là toute la différence. Quand vous estimez que tout est sombre et ne pouvez même plus voir une piste de sortie, qu’on peut parler de catastrophe. Mais nous n’en sommes pas là ! Nous savons les pistes qu’il faut arpenter pour sortir de cette situation. Ce n’est pas de la fanfaronnade, c’est de la conviction et de la détermination, la conscience que nous avons une mission à exécuter, coûte que coûte, pour réussir.

De plus en plus de voix se lèvent pour demander l’adoption de la Constitution par voie parlementaire en lieu et place du référendum. Qu’en dites-vous ?

Sur cette question, on enfonce une porte déjà ouverte. Nous avons été les premiers, lors d’une de nos conférences de presse, à faire part de notre souhait, s’il y avait un choix, de passer par la voie parlementaire. Et on s’est expliqué. Le président a eu la lumineuse idée de mettre en place une structure qui a rassemblé tout le monde : opposition, majorité, société civile, religieux, intellectuels, spécialistes du droit et Burkinabè de l’extérieur. Cette structure a été dirigée par Me Halidou Ouédraogo, un homme bien connu, qu’on ne peut suspecter de travailler pour un camp. Tout le monde a été mis à contribution. Le travail a été fait et on peut dire, sans risque de se tromper, que ce qui a été commandé et a nécessité qu’on parle de nouvelle Constitution, sur ses points essentiels, est presque consensuel. Donc, nous avons un projet de Constitution qui ne va pas provoquer des pugilats au niveau du peuple. Il n’y a pas de risque de rejet. Quand c’est ainsi, on sait que les résultats sont joués d’avance. Au regard de notre situation difficile, relativement à la modestie de nos moyens, nous avions pensé qu’on pouvait faire des économies en empruntant la voie parlementaire. C’est un chemin qui nous permet non seulement d’aller vite, mais aussi d’économiser des ressources financières qui peuvent être orientées ailleurs. Dix milliards de F CFA, c’est beaucoup d’argent pour un pays comme le nôtre. Maintenant, il est apparu, qu’après des informations qui ont été prises au niveau de celui qui devait les prendre, dans la Constitution qui est en vigueur aujourd’hui, il n’y a pas de disposition pour voter une nouvelle Constitution au niveau de l’Assemblée nationale. On peut amender la Constitution, mais pas la changer pour passer à une autre République. Je ne suis pas juriste. Pour adopter la Constitution, il faut passer par le référendum. Si dans les discussions, selon les juristes, on peut créer des conditions qui nous permettent de contourner le référendum, nous, à notre niveau, nous n’avons pas de problème.

Les gens estiment que les libertés individuelles sont de plus en plus restreintes au Burkina Faso en se référant aux emprisonnements, entre autres, de Naïm Touré, Pascal Zaïda et Safiatou Lopez. Qu’en dites-vous ?

La liberté, ce n’est pas le libertinage. Vous-même, vous voyez ce qui se passe sur les réseaux sociaux. Certains propos sont-ils de nature à ennoblir la démocratie, à renforcer nos libertés individuelles et collectives ou relèvent-ils de l’assassinat de la liberté? Nous sommes dans un contexte d’Etat de droit et l’Etat de droit a ses exigences pour tout le monde, y compris vous qui m’interviewez en ce moment. Là où s’arrête votre liberté, commence la liberté de l’autre. Ça veut dire quoi ? Lorsque nous sommes en société, la façon de faire de chacun peut être un frein à sa liberté et à la liberté tout court. Comme le dit la Bible, il est autorisé de faire mais tout n’est pas bon à faire. C’est à chacun, parce qu’on est dans une société civilisée, de savoir où mettre les freins pour ne pas porter atteinte à la liberté d’autrui. Chacun peut calibrer sa liberté individuelle pour être en conformité avec la liberté tout court.

Voulez-vous dire que parler de restriction actuelle des libertés individuelles, c’est vous faire un mauvais procès ?

Je suis très heureux de constater qu’aujourd’hui, il y a des citoyens qui peuvent aller en justice et avoir raison contre l’Etat. Dans ce pays, ça n’a pas toujours été ainsi. Il n’y a pas très longtemps, on n’osait pas certaines choses. Si tu fais, tu récoltes les pots cassés. Aujourd’hui, tu peux boire, croquer ta cola, t’énerver et dire certaines choses qui, dans le temps, pouvaient te coûter cher. Aujourd’hui, il y a une certaine tolérance. Pour revenir à ceux dont vous avez cité les noms, du moins certains, dans quel pays au monde, avez-vous vu quelqu’un sortir des insanités à l’endroit d’un président sans qu’il y ait action ? Mais ici, vous avez vu ! Le président Roch Kaboré n’a pas donné de considérations à ces choses que l’on fait. Il se dit : « Moi, je suis président ; j’ai une mission à exécuter. Comment puis-je faire la bagarre avec une dame qui a peut-être ses raisons de se défouler sur moi ? » Il resté zen. Franchement, notre président, je le respecte. C’est vraiment un gentleman.

Gentleman parce qu’il semble se laisser faire ?

Il a une hauteur d’esprit. Se laisser faire n’est pas l’expression qui convient. Cela lui permet de faire la part des choses entre l’accessoire et le principal.

Certains pensent qu’il n’a pas assez de poigne pour diriger ce pays !

Je pense le connaître mieux que vous. Il faut se méfier des gens qui, en apparence, donnent l’impression de se laisser faire, mais qui, dans la réalité, sont des gens de principes, extrêmement clairs et qui n’hésitent pas à faire, le moment venu, ce qui doit être fait. Chacun a ses insuffisances et ses points forts. Je crois qu’il y en a qui veulent pousser le président à l’erreur. Le président cultive la vigilance en permanence, pour ne pas confondre les choses. Des gens qui sont dans l’amertume et qui surfent sur cette amertume, veulent entraîner le président sur un terrain où il pourra manquer de sérénité. Si le président manque de sérénité, il n’est plus président. Il devient un vulgaire bonhomme qui se laisse aller au gré des évènements. N’est pas président qui veut, mais qui peut. Il faut demander aux ministres. Il y a des points sur lesquels le président oppose un refus catégorique. Roch Kaboré est quelqu’un qui peut prendre des positions tranchées.

 

Après l’interpellation du Colonel Auguste Barry, vous avez déclaré en son temps, face aux supputations, que les gens seront édifiés. Jusqu’à présent, rien n’a été apporté dans ce sens en termes d’éclairage de l’opinion sur la question. Pendant combien de temps faut-il encore attendre pour être édifié ?

Qu’est-ce que vous en savez ? Si c’est parce qu’il a été mis en liberté provisoire que vous posez la question de la sorte, il y a un problème. Je ne suis pas juriste, mais le mot provisoire a un sens et une explication. Si on arrête une personne et on ne trouve rien comme preuves ou indices qui permettent de maintenir la personne dans les liens de la détention, on la relaxe. Mais quand on dit que vous êtes dans une situation de liberté provisoire, je pense que cela peut signifier beaucoup de choses. N’allez pas vite en besogne. Le dossier est entre les mains de la Justice, laissons-la trancher.

Vos contempteurs estiment que le pouvoir utilise la Justice pour régler ses comptes à certaines personnes. Quel commentaire en faites-vous ?

Je vous arrête. Si c’était nous qui contrôlions la Justice, vous l’auriez su. Personnellement, je me pose aussi des questions sur la Justice. Je n’en veux pas aux magistrats. On a adopté un schéma et ils évoluent dans ce schéma, mais j’aurais aimé voir le format adopté sous la Révolution. Notre système judiciaire actuel est ce qu’on appelle la Justice bourgeoise. Vous avez votre raison et vous perdez un procès. Pour une simple question de délai, vous êtes forclos et justice ne peut pas vous être rendue. Les gens ne comprennent pas cela. Et pourtant, les gens doivent le comprendre. Le système est ainsi codifié. Je crois qu’on nous fait un mauvais procès. Si nous contrôlions la Justice, les méthodes dilatoires utilisées lors du procès du putsch manqué, auraient pris fin. On aurait mis fin à certains spectacles qu’on nous donne à voir dans ce procès. Si on contrôlait la Justice, certaines choses n’allaient pas se passer. Dans le schéma actuel, même quand quelqu’un a tué délibérément et par méchanceté, on demande de lui accorder certaines faveurs, sinon, vous allez à l’encontre des droits de l’Homme. Malheureusement, il y en a qui en abusent. Donc, notre Justice est vraiment indépendante. Les juges sont là, interrogez-les. Il faut féliciter d’ailleurs les juges qui travaillent sous une pression, notamment populaire, pas toujours facile à gérer.

A plusieurs reprises, il est fait état de projets de déstabilisation du pouvoir. Si les faits sont avérés, comment peut-on expliquer cette tendance ?

En toute amitié, votre question n’a pas de sens.

Et pourtant, monsieur le ministre !

Est-ce que vous ignorez qu’il y a des gens qui ne sont pas contents que nous soyons au pouvoir ? Cela est de notoriété publique. Si moi, je suis au pouvoir et que vous n’êtes pas content, que ferez-vous ? Vous sécréterez une dynamique qui puisse m’être suffisamment nuisible pour compenser le fait que vous n’êtes pas au pouvoir. Comme on le dit, même si je ne peux pas traire la vache, je pousse la calebasse pour que le lait se verse. Certains ont dit ici, à haute et intelligible voix, que nous avons pris le pouvoir, mais que nous n’allons pas l’exercer. Cela veut dire quoi ? On a les moyens de vous amener à vous occuper d’autres choses que ce pour quoi vous avez été élu.

Le CFOP organise une marche le 29 septembre prochain, pour dénoncer la gouvernance du MPP. Quel commentaire en faites-vous ?

Cette marche ne nous concerne ni de près ni de loin.

Cette marche n’est donc pas une préoccupation pour le pouvoir ?

Préoccupation dans quel sens ? C’est un regret car ce n’est ni le moment ni ce qu’il convient de faire. Je l’ai dit : quand la maison brûle, il y a des actes qu’on doit poser. On apporte de l’eau et non de l’essence pour asperger une maison en feu. Ce que l’Opposition veut faire, c’est un peu cela. Elle n’apporte pas de l’eau, mais plutôt de l’essence. Certains estiment que nous sommes frileux et peureux. Pensez-vous que nous, après les combats que nous avons eu à mener, soyons à ce stade ? Cela ne nous ressemble pas. Si on était des peureux, on ne serait pas là aujourd’hui.

Est-ce que, dans les coulisses, vous ne travaillez pas à saboter la manif de l’Opposition ?

Pensez ce que vous voulez, mais cette marche, qu’elle ait lieu ou pas, nous laisse de marbre. Ce qui nous importe, c’est ce que l’immense majorité de la population fait pour qu’on relève les défis du moment ; notamment ceux sécuritaires. Dans tous les cas, chacun sera responsable devant sa propre conscience. J’ai la conviction qu’à cette phase de notre lutte, il y a des actes à ne pas poser. Que tous ceux qui pensent que tout ce que nous faisons, c’est la catastrophe, que nous ne faisons rien, aient la patience d’attendre, car le peuple va trancher. Nous ne méritons pas d’être diabolisés. Nous ne sommes pas à diaboliser. Nous méritons d’être accompagnés par des actes allant dans le sens de la poursuite des luttes nobles.

Propos recueillis par Michel NANA

 


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