HomeA la uneSIMON COMPAORE, président par intérim du MPP « Nous avons suffisamment d’occupations pour qu’aucun de ceux qui ont quitté le gouvernement ne soit au chômage »

SIMON COMPAORE, président par intérim du MPP « Nous avons suffisamment d’occupations pour qu’aucun de ceux qui ont quitté le gouvernement ne soit au chômage »


Le 11 février dernier, aux premières heures de la journée, nous avions rendez-vous avec Simon Compaoré, président par intérim du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP). Lieu indiqué et heure du rendez-vous : 9h30 au siège de campagne du parti au pouvoir. Comprenez bien : du ministère d’Etat chargé de la Sécurité, « Tebguéré », comme on le surnomme, a désormais son bureau au siège du parti. Ce jour-là, il était souffrant mais, fidèle à sa réputation,  il était ponctuel. Et en quelque 45 minutes, nous avons vidé l’objet de notre rendez-vous. Lisez plutôt.

« Le Pays » : Lors du dernier remaniement ministériel, on a vu des poids lourds du MPP, notamment vous, Clément Sawadogo et Jean-Claude Bouda, éjectés de l’équipe. Quelles sont les raisons de ces départs ?

Simon Compaoré : Si vous suivez la manière dont nous fonctionnons, vous constatez que nous avons suffisamment de leaders et que nous avons également un certain nombre de préoccupations. En fait, il y a une redistribution des responsabilités en notre sein qui fait qu’aujourd’hui, untel est ministre, demain il est député et après-demain, il occupe d’autres fonctions, soit dans l’Administration, soit au niveau du parti. Donc, il n’a y rien d’étonnant dans tout ce que vous avez constaté comme changements. En ce qui me concerne personnellement, je vous ai toujours dit qu’être ministre, pour moi, n’est pas une préoccupation. Si c’était le cas, durant les 27 ans que j’ai passés avec Blaise Compaoré, j’allais demander à être ministre. Ce qui compte, pour moi, quel que soit là où vous êtes responsabilisé, c’est de pouvoir laisser des traces pour l’histoire.

Doit-on comprendre que ce ne n’est pas la pression d’une partie de l’opinion qui demandait votre départ et ceux du ministre de la Sécurité et de la Défense, qui a conduit à votre départ du gouvernement ?

Qui peut demander mon départ ? Ce ne sont pas les gens dont vous parlez, qui m’avaient confié cette tâche. Donc, je ne m’adresse pas à eux. J’ai demandé à ne pas faire partie du gouvernement dès le départ. Chacun naît avec sa façon de faire. Vous savez, être ministre est stressant. Pour un certain nombre de raisons, mon départ se justifie. Je ne vais pas tout déballer ici mais si vous m’avez rencontré ce jour au siège de mon parti et non à la maison, et à cette heure-ci, cela veut tout dire.

Quelles sont vos tâches actuelles et ce, après votre départ du gouvernement ?

Je ne suis plus au gouvernement mais je ne chôme pas. J’ai la responsabilité de conduire le parti au pouvoir aujourd’hui. Ce n’est pas une petite tâche. Il s’agit d’organiser le parti, de faire en sorte  que les structures fonctionnent correctement et puissent accompagner nos camarades qui sont au niveau du gouvernement et le président du Faso qui a cette redoutable tâche de faire en sorte qu’en 2020, il puisse assumer correctement son devoir de redevabilité. Pour cela, il faut un parti performant, un parti qui fasse de l’anticipation, qui soit en phase avec l’évolution de la vie politique nationale et internationale. Vous comprenez là qu’il faut des gens pour animer le parti. C’est vrai, quand on était au gouvernement, on l’animait mais ce n’était pas à plein temps. Maintenant, c’est le cas. C’est notre façon de contribuer au bon fonctionnement, à tout ce qui se fait au niveau du gouvernement, de l’Assemblée nationale, des grandes institutions. Nous sommes au pouvoir, nous avons l’obligation de faire en sorte que tout fonctionne bien.

On vous a disponibilisé pour préparer les élections de 2020 ?

C’est vous qui le dites. Je prends donc acte.

Clément Sawadogo et Jean-Claude Bouda sont-ils dans le même rôle que vous actuellement ?

Nous sommes tous de la direction politique du parti. Ils ont été, à un moment donné, appelés au gouvernement. On ne vous a pas consulté avant de les appeler au gouvernement. Si on doit leur confier d’autres tâches, on ne vous appellera pas non plus avant de le faire. Ne soyez pas pressés ; vous verrez que ces camarades qui ont aussi d’autres responsabilités politiques, ne vont pas chômer. Nous avons suffisamment d’occupations pour qu’aucun de ceux qui ont quitté le gouvernement ne soit au chômage. Nous allons encore mieux nous organiser pour apporter autrement notre contribution à l’action des premiers responsables de ce pays.

Quelles sont les priorités actuelles du MPP ?

Comme vous le savez, on a eu un congrès, il y a un an et demi ; lequel congrès avait instruit la direction du parti de tout faire pour renouveler les structures du parti. Nous sommes en train d’exécuter à l’heure actuelle cette tâche. Bien sûr, tout en procédant au renouvellement des structures du parti, depuis l’échelon de base jusqu’à l’échelon supérieur, nous participons à l’animation de la vie politique nationale à travers plusieurs activités et nous organisons aussi l’avenir. Pour les prochaines consultations électorales, et pour un parti responsable comme le nôtre, on n’aborde pas les questions à la dernière minute. Ce sont des problématiques de tous les jours qu’il faut intégrer dans son calendrier. C’est pourquoi je dis qu’il y a suffisamment à faire à notre niveau.

Pourquoi le choix du Premier ministre a tant tardé de même que la formation du gouvernement ?

Au contraire, je pensais que vous alliez nous féliciter pour le temps mis dans la formation du gouvernement. On a pris moins de temps que la dernière fois (le gouvernement Paul Kaba Thiéba I, ndlr). Il y en a qui mettent un mois ; certains sont allés même jusqu’à huit mois. Je pense qu’il ne faut pas en faire un drame. C’est vrai que notre situation exige que l’on soit proactif mais le temps mis, cette fois-ci, est dans l’ordre de l’acceptable. Et puis, quand vous cherchez un Premier ministre, ce n’est pas comme chercher un manœuvre pour qui d’ailleurs j’ai beaucoup de respect. Cela commande qu’on réfléchisse, qu’on mûrisse la réflexion, pour que le choix soit judicieusement fait.

Il nous est revenu que plusieurs personnalités approchées pour être nommées Premier ministre, ont décliné l’offre. Est-ce bien le cas ?

C’est vous qui me l’apprenez. Puisque vous êtes plus proche de ceux qui sont au pouvoir que nous, je ne peux que prendre acte de votre intervention. Je ne suis au courant de rien. Je sais seulement que le président Roch Marc Christian Kaboré a trouvé quelqu’un en qui il a confiance. Il nous a informés et nous avons pris acte. Nous avons pensé que c’était un très bon choix et nous l’avons exprimé à travers une déclaration qui a été publiée dans la presse.

Cela fait environ trois ans que vous êtes au pouvoir. A l’heure actuelle, une grande partie du territoire est touchée par l’insécurité et vos adversaires pointent là, une incapacité de votre parti et de ses alliés à gérer le pouvoir. Qu’en dites-vos ?

C’est qui est bien dans notre pays, c’est qu’il y a la liberté de dire ce qu’on veut et ce qu’on pense. Il n’y a pas sevrage et c’est pourquoi il y en a qui vont jusqu’au libertinage. Jusqu’à des propos qui laissent souvent pantois. Des esprits faibles peuvent succomber à ce que vous venez de dire. Mais pour des gens qui ont une petite capacité de raisonnement, pour peu qu’il leur soit donné de pouvoir réfléchir, on ne peut pas arriver à une telle conclusion.  Les questions du terrorisme et de l’insécurité ne sont pas des questions isolées dans un pays donné, dans une zone donnée, dans un continent donné. Elles sont un phénomène mondial à telle enseigne que dans des pays extrêmement développés, toutes les minutes, il y a un crime qui se produit. Vous le savez bien. On ne va pas citer de pays. Vous avez raison de dire qu’en ce qui nous concerne particulièrement, au Burkina Faso, on a vu se développer depuis trois ans, ce qu’il convient d’appeler des actes terroristes, commençant par le Sahel, le Nord, la Boucle du Mouhoun, l’Est et Ouagadougou, la capitale. Les attentats sont intervenus à Ouagadougou alors que nous venions de former le gouvernement et que les ministres n’avaient pas encore pris service. Ce ne sont pas des actes que l’on oublie parce que nous avons été atteints dans notre chair. Mais la bonne question qu’on doit se poser, est la suivante : pourquoi c’est aujourd’hui que le Burkina est attaqué ? Quand on pose de manière froide cette question, on arrive à avoir un peu de retenue par rapport à la conclusion à laquelle certains aboutissent en estimant que la situation actuelle est liée à une incapacité des dirigeants du moment. On devrait se demander pourquoi ces gens ont décidé d’attaquer le Burkina Faso maintenant et après le départ du pouvoir de certaines personnes . Quand vous avez le courage de vous posez cette question et que vous faites un retour en arrière pour revoir nos actions dans le temps auprès de ceux-là qui attaquent le Burkina, certaines évidences se posent.

Est-ce qu’aujourd’hui, vous avez les réponses à ces questions que l’on se pose après analyse d’actions antérieures dont vous parlez ?

Voyez-vous, à la suite de l’insurrection populaire, il y a eu une Transition et c’est à la fin de cette Transition qu’il y a eu un coup d’Etat ; ce coup d’Etat a été révélateur des connexions qu’il y avait. Vous savez qu’il y avait même des tentatives d’ameuter la pègre pour appuyer certaines forces à l’époque, qui avaient organisé ce coup d’Etat. Je crois que, pour peu qu’on soit sérieux, on ne peut pas simplement dire que la situation actuelle est due au fait que le pouvoir du président Roch Marc Christian Kaboré et son système sont incapables. On sait qu’il y a des gens qui mettent le feu du dehors. Je pense que Dieu voulant, petit à petit, les choses vont remonter à la surface et tout le monde verra toutes les connexions qui se sont nouées depuis que certains ont perdu le pouvoir.

Avez-vous des éléments déjà qui puissent remonter à la surface ?

Je ne pense pas que vous soyez de mauvaise foi parce que vous avez lu des informations qui montrent qu’il y a beaucoup de connexions par-ci par-là. Vous savez qu’il y a des actes qui amènent à se poser des questions et qui indiquent que ce qui nous arrive n’est pas le fait du hasard. Ceux qui gèrent le pays aujourd’hui, n’avaient pas auparavant des connexions ou des contacts avec des terroristes. On n’a jamais négocié avec eux mais nous avons des compatriotes qui ont négocié avec eux et qui ont fait que certains de ces terroristes connaissent bien le Burkina Faso. Ils ont séjourné pendant longtemps dans notre pays. Alors, laissez-nous émettre de forts doutes sur le fait que la situation actuelle n’est pas un fait du hasard. Dans tous les cas, un jour ou l’autre, ça se saura. Mais en attendant, nous allons continuer de nous armer de courage, de conviction parce que ceux qui luttent sont ceux qui finissent par vaincre.

Lors d’opérations militaires ayant permis, selon l’armée, de neutraliser 146 terroristes, les FDS ont été accusés d’atteintes aux droits de l’homme. Qu’en pensez-vous ?

A titre personnel, je suis extrêmement choqué. Je l’ai toujours dit, au jour d’aujourd’hui, vu ce que les terroristes ont fait subir à notre peuple, aux Burkinabè, aux étrangers qui nous font l’amitié de nous rendre visite, de venir vivre au Burkina, je ne vois pas quelqu’un qui puisse aujourd’hui, nous refuser le droit de nous défendre et de nous défendre conséquemment. Dans tous les pays au monde, les gens s’organisent pour se défendre. Ce n’est pas parce que nous sommes au Burkina que les Burkinabè doivent s’asseoir et se faire tuer comme des poulets. Nous avons le devoir de nous défendre, de défendre nos populations et de défendre notre territoire. Il y en a qui ont décidé de troubler notre zone, de semer la mort et la désolation et nous nous organisons pour aller à l’encontre de tels actes. Et si cela devrait avoir des conséquences, chacun en tirerait les leçons qu’il faut. Je crois que certaines considérations sont vraiment de la provocation, pour un pays qui n’aspire qu’à s’organiser pour que son développement soit au rendez-vous. On ne peut pas nous accuser de nous organiser pour nous défendre et pour que cessent ces tueries barbares. Ce n’est pas parce qu’on est un « petit pays » qu’on va nous traiter de la sorte. Il y en a qui ont fait des choses, tout le monde le sait, mais ces gens sont tranquilles. C’est nous, les pauvres de cette planète terre qu’on piétine comme des fourmis. Je trouve que c’est très injuste. La population du Burkina Faso s’attend à voir ses militaires, ses gendarmes, ses policiers et tous ceux qui ont mission de défendre la patrie, s’organiser et s’armer de courage pour assumer avec compétence, conviction et détermination cette mission. Vous et moi, sommes assis dans cette salle ; si quelqu’un débouche ici pour nous tuer, ne serait-ce que par instinct de conservation, nous allons nous défendre avec nos armes. Dans tous les pays du monde, cela est une réalité.

Lors de sa prise de service, le CEMGA, le général Moise Miningou, a fait comprendre qu’il ne fallait pas démoraliser et décourager les FDS. Comprenez-vous cette sortie ?

Je la comprends parfaitement. Quand c’est un terroriste qui tire à bout portant sur un militaire ou sur un groupe de militaires, sur des civils qu’on enterre sous des pleurs de femmes et d’enfants, d’hommes et de vieillards, cela semble acceptable pour certains. Ça ne mérite pas de commentaires de la part de certains. Mais quand c’est un militaire attaqué, qui se défend et qui tue un terroriste, ça devient un scandale. Je comprends bien les propos du général.

Qu’avez-vous à dire sur le drame de Yirgou qui est venu mettre à mal la cohésion sociale ?

Ce qui s’est passé à Yirgou, a choqué tout le monde. Ce qui s’est passé à Yirgou n’est pas acceptable. Je ne suis pas vieux mais à 67 ans, j’ai suivi comment les gens vivaient ensemble dans ce pays. Les gens, de toutes les ethnies, de toutes les origines, vivaient en harmonie si bien qu’ils ont construit une ville comme Ouagadougou. Pourquoi, maintenant, nous allons mettre un frein à toutes ces pratiques qui cimentaient le vivre-ensemble ? J’ai été choqué par le drame de Yirgou et j’ai dit qu’il fallait y mettre le holà pour que de tels actes ne se reproduisent plus. Quand je suis allé à Yirgou avec une délégation du MPP, j’ai cité mon cas personnel : je suis moaga, ma femme est bissa, sa maman est peule. Aujourd’hui, nos enfants sont une conjugaison de tous ces liens si fait qu’aujourd’hui, on ne peut jeter l’anathème sur une ethnie. J’ai été très ravi de voir que de hautes personnalités du monde politique, religieux, coutumier, s’organisent et jettent tout leur poids dans la balance pour que ce qui s’est passé à Yirgou, ne se répète pas et qu’on puisse réparer rapidement le tissu social déchiré.

Comment peut-on réparer un tel acte ignoble ?

Les politiques, les religieux et les chefs sont en train de montrer la voie. Il faut le contact. Rien qu’hier, nous avons vu Sa Majesté, le Dima de Boussouma, le Cardinal Philippe Ouédraogo, des musulmans et des chrétiens se rendre à Barsalogo pour rencontrer les différentes communautés. C’est ainsi que chacun, en fonction de ses capacités, ses prérogatives, son secteur d’activités, va apporter sa part contributive pour panser rapidement les plaies avant qu’elles ne s’infectent.

Il y a une polémique liée au nombre de victimes à Yirgou. Quelle est votre position sur ces polémiques ?

Cette polémique est extrêmement malsaine. Il faut la condamner fermement. Il n’est jamais bon de mettre de l’huile sur le feu. Soyons des faiseurs de paix et non des faiseurs de guerre. Comme disent les Anglais, «the violence calls violence» (la violence appelle la violence, ndlr). Quand vous incitez les gens à la violence, cette violence engendre la violence jusqu’à ce que soi-même ou un proche en soit victime. C’est pourquoi quand de pareils drames arrivent, chacun doit mettre ses nerfs au frigo. Chacun doit contrôler son langage pour ne pas être celui-là qui aurait mis le feu au restant de la forêt. Malheureusement, dans les médias, sur les réseaux sociaux, on a vu des gens tenir des propos indécents. Nous devenons là comptables des gens qui font la comptabilité macabre. A travers les chiffres avancés pêle-mêle, que veulent exactement leurs auteurs ? Il faut laisser le temps résorber ce qui doit être résorbé. Je suis pour la vérité, mais la vérité vraie. Quand vous n’avez que des soupçons, il faut éviter d’avancer des certitudes. Et puis, il y a des moments où il faut savoir se taire. Il y a des moments où il faut savoir élever la voix. Il y a des moments où des mots ne doivent pas sortir d’une bouche. Quand on appelle à hacher, la même hache peut atteindre d’autres qui n’ont rien à voir avec votre affaire. Ici, nous marchons sur des œufs et chacun doit se méfier de ses actes.

Interview réalisée par Michel NANA

 


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