HomeDroit dans les yeuxSITUATION NATIONALE : La transition au carrefour de son destin

SITUATION NATIONALE : La transition au carrefour de son destin


La vie politique nationale est marquée, ces temps-ci, par trois faits majeurs : l’adoption d’un nouveau Code électoral par le Conseil national de transition (CNT), les arrestations d’anciens dignitaires du régime de Blaise Compaoré pour malversations et atteinte à la sûreté de l’Etat présumées et le retrait des partis de l’ex-majorité du Conseil national de transition (CNT) et de la Commission de réconciliation nationale et des réformes. Au sujet de ces faits, chacun y va de son commentaire. Pendant que les uns crient à l’exclusion, à la chasse aux sorcières et à la justice sélective, les autres  s’en félicitent.

Par rapport au vote du nouveau Code électoral auquel ont participé, soulignons-le, les députés de l’ex-majorité, l’on peut avoir envie de leur poser la question suivante : si le vote avait abouti à un rejet du nouveau code qui a été soumis à l’appréciation des députés, quelle aurait été leur attitude ? Ils s’en seraient certainement réjouis. Mais dans le cas d’espèce, le vote a tourné en leur défaveur. La logique démocratique aurait donc voulu qu’ils en prennent simplement acte. Car, dans un tel jeu, il  y a toujours des perdants et des gagnants. Au- delà des grincements de dents et des levées de boucliers que ce vote a suscités, la  bonne question que l’on doit se poser est de savoir si le nouveau Code électoral tire la démocratie vers le haut ou vers le bas. De notre point de vue, c’est la démocratie qui

pourrait en sortir grandie. En effet, désormais dans notre pays, les hommes politiques on l’espère, retiendront qu’ils doivent assumer jusqu’au bout leurs actes et propos. Que ceux qui se sentent visés par le nouveau Code électoral n’aillent surtout pas dire que la responsabilité de la modification de l’article 37 de la Constitution en incombe au seul Blaise Compaoré. Car, tous autant qu’ils sont, ceux qui étaient montés sur leurs chevaux pour la soutenir tout comme ceux qui, aux côtés de Blaise  Compaoré, avaient brillé par leur mutisme, sont responsables du plan ourdi par leur mentor pour tordre le cou à la démocratie et ce, contre l’esprit de la Constitution et la Charte africaine de la démocratie et de la bonne gouvernance. S’ils avaient eu le courage  et le patriotisme d’appeler le chat par son nom, comme l’ont fait certaines personnes qui étaient pourtant plus proches de Blaise Compaoré, aujourd’hui, ils n’en seraient pas à chercher laborieusement des arguments pour se blanchir. Pour n’avoir donc pas recouru à leur libre-arbitre et pour n’avoir pas pris l’option de sauver la démocratie, ils en paient actuellement le prix. D’ailleurs, si tout le monde avait capitulé face à la boulimie du pouvoir de celui qu’ils ont servi sans discernement jusqu’à ce que les choses s’emballent de façon irréversible, on ne parlerait pas aujourd’hui de possibilité réelle d’alternance dans notre pays. Tout le monde sait que des actes crapuleux gravissimes ont été posés dans ce pays sous Blaise Compaoré, des fortunes immenses suspectes ont été amassées, bref le Burkina Faso a été, pendant 27 ans, spolié par des hommes et des femmes et ce, de manière impunie. Tous les patriotes dignes de ce nom auraient certainement applaudi à tout rompre de voir tous ces prédateurs de la République rendre gorge, selon les règles de l’art. Mais dans le cas d’espèce, l’on peut avoir le sentiment que tous les auteurs de ce grand pillage, jamais enregistré dans  l’histoire de notre pays, sont traités selon la tête du client. Et c’est là que le bât blesse.

Il y a péril en la demeure

Pour que ces arrestations ne s’apparentent pas à une chasse aux sorcières, il aurait fallu qu’elles se fassent en direction de tout le monde. Et la bonne méthodologie aurait consisté d’abord à donner une suite judiciaire à tous ces dossiers de crimes économiques qui dorment depuis belle lurette dans les tiroirs des structures de contrôle de l’Etat. Si cela avait été fait, personne n’aurait crié à une justice des vainqueurs, puisque les investigations ont été faites et bouclées sous Blaise Compaoré. Mais aujourd’hui, telle que les choses sont en train de se passer, l’on  peut  y lire effectivement une instrumentalisation de la justice pour régler des différends politiques. Cette thèse, on le sait, a même été soutenue par certains partis politiques qui, pourtant, avaient pris part à l’insurrection des 30 et 31 octobre derniers. Certaines organisations de la société civile partagent également ce point de vue. Il y a donc péril en la demeure. Et la faute en incombe à la Transition. C’est elle qui, par ses turpitudes et ses incohérences, a permis aux bourreaux d’hier de se muer en victimes. C’est encore elle qui avait donné l’impression  qu’elle était là, rien que pour organiser des élections inclusives, sans prendre le temps de dire explicitement à l’opinion nationale et à la communauté internationale ce qu’elle entendait par « élections inclusives ». Toutes ces raisons font qu’aujourd’hui, le pouvoir de la Transition est au carrefour de son destin. Il lui revient de rattraper ce qui peut encore l’être, si elle ne veut pas qu’au moment où elle va passer la main au régime qui sera issu des élections d’octobre prochain, les Burkinabè retiennent d’elle l’image d’un pouvoir qui aura surtout  brillé par ses incongruités et qui aura, de ce fait, laissé aux Burkinabè, un pays ingouvernable.

Sidzabda


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