HomeA la uneSITUATION SOCIOPOLITIQUE AU BURKINA:Les vérités de l’ambassadeur américain

SITUATION SOCIOPOLITIQUE AU BURKINA:Les vérités de l’ambassadeur américain


A l’occasion de la commémoration du 238e anniversaire de l’indépendance des Etats-Unis, l’ambassadeur Tulinabo Mushingi a tenu des propos dont le décryptage qui va suivre pourrait édifier tous les Burkinabè sur la position de Washington sur la situation sociopolitique dans laquelle se trouve aujourd’hui « le pays des Hommes intègres ».

 

L’ambassadeur américain n’a pas eu besoin d’user de circonlocutions

Avant d’évoquer ces propos, il convient d’abord de saluer cette sortie du diplomate américain. En effet, contrairement à certaines chancelleries occidentales auxquelles les Burkinabè épris de paix et de démocratie pourraient faire le reproche de tenir un discours alambiqué sur leurs préoccupations du moment et d’avoir des réponses de Normand face aux grandes questions qui cristallisent le jeu politique de leur pays, l’ambassadeur américain n’a pas eu besoin d’user de circonlocutions, dont seul le monde diplomatique a le secret, pour marteler ses vérités aux Burkinabè en général et aux acteurs de la classe politique en particulier.

La première de ces vérités est en rapport avec le projet de la révision de la Constitution défendu bec et ongles par les « passionnés » de Blaise Compaoré. A ces gens qui soutiennent la thèse selon laquelle une Constitution n’est pas une momie et qu’elle est donc susceptible d’être modifiée, l’on peut avoir l’impression que le diplomate américain leur a apporté des objections. En effet, pour lui, une Constitution n’est certes pas figée, mais les modifications qu’elle peut subir ne peuvent se justifier que si elles vont dans le sens de l’intérêt général. Prenant l’exemple de son pays, Tulinabo Mushingi a dit que la Constitution américaine, qui a été ratifiée il y a 225 ans, a connu 27 amendements dont la vocation était d’élargir les libertés de l’individu et de délimiter le pouvoir du gouvernement. L’on peut donc en conclure que les différents amendements qui ont été apportés à la Loi fondamentale américaine ont été dictés par le souci des Américains de tirer leur démocratie vers le haut et de faire en sorte que le citoyen puisse jouir davantage de liberté. La Constitution étant une construction perfectible, certaines de ses dispositions peuvent être retouchées uniquement pour qu’elle gagne en qualité.

De ce point de vue, l’on pourrait poser à la conscience de chaque Burkinabè les questions suivantes, relativement au projet de modification de la Constitution de leur pays. En quoi la modification de l’article 37 de la Loi fondamentale peut-elle contribuer à l’enracinement de la démocratie ? L’autre question pourrait être libellée de la manière suivante. La modification de la Constitution dont il est question aujourd’hui au Burkina, répond-elle à des impératifs liés à l’intérêt général ?

La deuxième vérité du diplomate américain est la suivante : « Les Burkinabè doivent se sacrifier pour prôner l’alternance ». Cette phrase dont la charge politique est grande, pourrait susciter dans le contexte burkinabè un commentaire construit autour de deux centres d’intérêt.

Le représentant de Barack Obama au Burkina tire la sonnette d’alarme

Le premier centre d’intérêt est lié au fait que le combat pour l’alternance n’est pas un long fleuve tranquille. Il exige beaucoup de contraintes et de privations que les Burkinabè doivent supporter. Tous ceux qui prônent l’alternance aujourd’hui doivent donc préparer leur viatique pour entamer le long et difficile parcours qui peut les y conduire. Les impatients et les adeptes de la facilité pourraient y renoncer. Le deuxième centre d’intérêt pourrait s’adresser à Blaise Compaoré et à tous ceux qui sont accrochés à ses basques. Le pouvoir, on le sait, sous nos tropiques, procure beaucoup de privilèges, mais ce n’est pas pour autant qu’il faut s’y accrocher par tous les moyens. L’alternance donc exige de Blaise Compaoré qui a déjà fait pratiquement 30 ans au pouvoir, qu’il accepte de sacrifier ses intérêts personnels et ceux de son clan au profit de ceux du Burkina. Il doit donc faire violence sur lui-même pour passer la main à un autre Burkinabè, quitte à déplaire à ses nombreux courtisans.

La troisième vérité de l’ambassadeur américain repose sur un constat : « le Burkina n’a pas encore vécu une transition pacifique et démocratique ». L’on peut avoir l’impression que par cette phase, le représentant de Barack Obama au Burkina tire déjà la sonnette d’alarme. En effet, toutes les transitions politiques que le Burkina a connues au fil de son histoire ont été suscitées par des baïonnettes et des mouvements de rue. Le Burkina doit donc rompre avec cette tradition de violence politique qui a toujours caractérisé ses transitions politiques pour envisager des transitions pacifiques et démocratiques. Le message est clair et limpide et l’on peut espérer que les uns et les autres l’ont suffisamment compris pour éviter de réunir les ingrédients qui alimentent cette violence. Cela dit, l’ambassadeur américain a mis les pieds dans les plats par ses vérités. Certains Burkinabè l’ont certainement applaudi. D’autres fulminent qu’il s’ingère dans les affaires intérieures du pays. Ce reproche pourrait ne pas tenir la route car l’Afrique, dans sa quête laborieuse et quotidienne de la démocratie, a certainement besoin d’être accompagnée et soutenue par la communauté internationale et les amis des peuples africains.

La frontière entre l’indifférence et le principe éculé de la non- ingérence est mince. C’est pourquoi l’on peut espérer qu’à l’occasion du 14 juillet prochain, l’ambassadeur de France au Burkina aura, dans son discours, à l’instar de son homologue américain, une pensée pour le peuple burkinabè qui, aujourd’hui, a des raisons d’avoir peur.

Sidzabda


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