HomeA la uneSOMMET DE L’UA : Le bal des hypocrites  

SOMMET DE L’UA : Le bal des hypocrites  


 

Le 29e sommet de l’UA (Union africaine) s’est ouvert, hier,  3 juillet 2017, à Addis Abeba, en Ethiopie. Il refermera ses portes aujourd’hui même 4 juillet. Pendant ces deux jours, les chefs d’Etat et de gouvernement tenteront d’apporter des éléments de réponse à la question de savoir comment sortir l’UA de sa dépendance financière vis-à-vis des pays occidentaux et de la Chine. Est également inscrite à l’ordre du jour,  la question de l’insécurité et des conflits dont bien des pays africains sont le théâtre aujourd’hui, avec une mention particulière pour le cas libyen. Relativement au premier point, c’est-à-dire la volonté des princes qui nous gouvernent d’assurer l’autofinancement de l’institution, le moins que l’on puisse dire, c’est que l’idée est noble. En effet, l’on  peut être choqué de savoir qu’une structure de l’envergure de l’UA, toute honte bue,  soit réduite à compter sur les subsides des autres pour exister et ce, plus d’un demi-siècle après sa création. C’est la preuve quelque part, que l’Afrique refuse obstinément de grandir. Cet infantilisme maladif du continent noir n’est pas pour déplaire à l’Occident et à la Chine qui, soulignons-le, n’hésitent pas à délier les cordons de la bourse pour le garder en vie.

On peut formuler des inquiétudes

Car, ces grands bailleurs de fonds ne le font pas par philanthropie. Ils sont conscients, peut-on dire,  que derrière le moindre euro ou dollar craché au bassinet de l’UA, se cache une volonté de plier l’institution à leurs  desiderata. Et c’est de bonne guerre. Si l’UA peut s’en  accommoder, il n’y a pas de raison que les Occidentaux et les Chinois se fassent du mouron pour des adultes qui semblent trouver du plaisir à se faire âne  pour avoir du foin. Dans l’hypothèse où ce sommet serait une véritable introspection pour   l’UA à l’effet de se débarrasser de cette posture servile pour se prendre financièrement en charge, l’on pourrait se permettre de dire que les pays africains ont enfin posé un pas  décisif vers la responsabilité. Mais sans forcément jouer les Cassandre, l’on peut tout de même formuler des inquiétudes quant aux résultats auxquels l’UA va aboutir sur la question de son autofinancement. Déjà, la lumineuse idée émise, il y a un an au sommet de Kigali et qui consiste à adopter le principe d’un taux de 0,2% sur les produits non africains qui arrivent en importation en Afrique, n’est pas du goût de certains pays. Malheureusement, l’on peut faire le constat que ces derniers ne comptent pas pour du beurre en Afrique. Il s’agit, en effet, de l’Afrique du Sud dont le président, Jacob Zuma, pour des raisons liées à sa survie politique, sera le grand absent de ce sommet et de certains pays méditerranéens comme l’Egypte et la Tunisie. Pour justifier leur position,  les Sud-africains se demandent si leur Constitution leur permet d’affecter une partie de leurs recettes douanières à une organisation internationale. Quant à l’Egypte  et à la Tunisie, elles se posent la question de savoir si cette nouvelle taxe ne risque pas de contrarier leurs partenaires commerciaux non  africains. Toutes ces réserves  illustrent à souhait le fait que ce n’est pas demain la veille que l’on va assister à l’opérationnalisation du principe d’une taxe  à 0,2% à l’effet d’alimenter la caisse de l’UA. Et faisant certainement dans l’euphémisme, le ministre nigérian des Affaires étrangères, Geoffrey Onyeama, a laissé entendre ceci : «il faudra encore un peu de temps pour arriver à un consensus à 100% ». Ce qui peut pousser, en outre, à douter de la capacité de l’UA à mettre en œuvre la taxe de 0,2% sur les produits non africains qui arrivent en importation en Afrique, c’est que même les cotisations      traditionnelles sont royalement ignorées par bien des pays qui ne sont pourtant pas  indigents.

On peut percevoir la volonté de l’UA d’aller à son autofinancement, comme un couteau à double tranchant

En réalité, ce comportement traduit leur manque d’intérêt pour l’UA. Et si par extraordinaire, la taxe de 0,2% venait à être opérationnalisée pour rendre l’UA financièrement indépendante, l’on peut craindre que cela soit un sauf-conduit pour bien des présidents indélicats pour faire la promotion de leur satrapie. Car, un tel scénario leur donnerait plus de toupet de dénier aux autres le droit de s’intéresser aux excès de leur gouvernance. C’est pourquoi l’on peut percevoir la volonté de l’UA d’aller à son autofinancement, comme un couteau à double tranchant. D’un côté, cela peut contribuer à faire de l’UA un instrument digne de respect, en ce sens qu’elle se donnerait les moyens de sa politique. De l’autre, le risque est grand que certains cancres de la démocratie invoquent l’autofinancement pour s’arroger le droit de soumettre leurs populations à davantage d’exactions et ce, sans que l’extérieur, surtout l’Occident, ne pipe mot. Le deuxième point de l’ordre du jour de ce 29e sommet porte sur l’insécurité et les conflits en Afrique. La crise libyenne sera certainement le plat de résistance des chefs d’Etat et de gouvernement du continent. Et l’on peut comprendre pourquoi. Car, il y a d’abord que l’UA veut exhiber ce chaos pour mieux pointer du doigt la responsabilité de l’Occident. L’UA le fait d’autant plus volontiers qu’elle avait exprimé des inquiétudes quant aux conséquences des méthodes employées pour débarrasser la Libye de Kadhafi. Il y a ensuite que l’UA semble avoir pris conscience que de la résolution de l’équation libyenne dépend pour beaucoup la normalisation de la situation sécuritaire dans bien des pays africains, à commencer par ceux du Sahel à propos desquels un sommet vient de se tenir à Bamako. Mais ce que semble oublier l’UA, et cela n’est pas innocent, c’est de se poser les bonnes questions sur les causes des  conflits qui font vaciller une foultitude de pays africains aujourd’hui. Si  l’UA avait eu la lucidité de se poser ces questions, elle aurait pu se rendre compte qu’à l’origine de bien des conflits, se trouve la gouvernance calamiteuse des Etats. Mais comme c’est un sujet qui fâche, l’on peut comprendre qu’il ne soit pratiquement jamais inscrit à l’ordre du jour d’un sommet de l’UA. C’est pourquoi il est légitime de se poser la question suivante et ce, en empruntant le mot du Général de Gaulle : pourra-t-on enfin transformer ce « machin » en un instrument pour les peuples ?

« Le Pays »


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