HomeA la uneSOMMET EUROPEEN SUR L’IMMIGRATION CLANDESTINE : Les barricades ne sont pas forcément la solution

SOMMET EUROPEEN SUR L’IMMIGRATION CLANDESTINE : Les barricades ne sont pas forcément la solution


Les dirigeants européens sont en conclave à l’effet de trouver une solution à l’immigration clandestine et à ses effets néfastes. Une des pistes de solutions envisagées est la prise de mesures sécuritaires drastiques. Objectif, empêcher les candidats à la migration de prendre la mer. Cela pourrait peut-être aider à contenir le phénomène. Mais, les barricades ne sont pas forcément la solution. Car, aucun mur ne saurait  suffire à décourager les candidats à l’immigration clandestine. Si des gens ont osé braver la mer tout en étant conscients que le risque d’y rester est énorme, ce ne sont pas les forces de sécurité ni les barbelés qui pourront les  dissuader de tenter la traversée. « Cabri mort n’a pas peur de couteau », dit-on. Ceux qui ont la conviction bien établie que c’est la mort assurée s’ils restent dans leur pays, n’ont plus peur de ce qui pourrait leur arriver s’ils tentent de rejoindre l’Occident,  un paradis terrestre à leurs yeux. En d’autres termes, il serait illusoire de croire qu’un dispositif purement sécuritaire aura raison de la volonté des migrants de rejoindre à tout prix l’Europe.

L’immigration clandestine se nourrit de la misère des populations

C’est dire à quel point un quelconque dispositif visant à empêcher les migrants clandestins de prendre la mer, doit être accompagné   d’autres mesures. Sont de celles-ci, la promotion de la bonne gouvernance dans les pays de départ des migrants, un accroissement de l’aide au développement, et ce, de façon franche et sincère, et l’arrêt du pillage des ressources des pays africains par les grandes puissances. En effet, il est connu que l’immigration clandestine se nourrit de la misère des populations. Et cette misère est très souvent la conséquence directe de la mauvaise gestion des pays de départ des migrants. Il importe donc de faire la promotion d’une gouvernance vertueuse en Afrique, terre de départ de bien des migrants. La bonne gestion des ressources publiques, l’égalité de chances entre les citoyens, la redistribution équitable des fruits de la croissance, sont de nature à offrir de  meilleures perspectives aux populations et à les maintenir, par voie de conséquence, dans leurs pays respectifs.

De même, la promotion d’une coopération saine participe de la même veine. En effet, l’aide économique servie par les institutions de Breton Woods et les pays développés qui en détiennent les cordons de la bourse, devrait être repensée. On a fraîchement en mémoire les Programmes d’ajustement structurels (PAS) imposés aux pays pauvres dans les années 90 et dont les dégâts à long terme sont aujourd’hui perceptibles dans certains pays africains. Les aides dans le domaine de l’enseignement doivent être revues de sorte à en faire de véritables instruments d’autonomisation des populations. Les politiques en matière d’enseignement doivent être réorientés de sorte à permettre aux bénéficiaires de disposer des compétences nécessaires à l’auto-emploi. Et les Occidentaux devraient cesser de donner des injonctions qui ne permettent pas aux pays bénéficiaires d’utiliser l’aide reçue de façon optimale. Comme le disait en substance Thomas Sankara, il faut encourager l’aide qui aide son bénéficiaire à se passer de l’aide. Le cas de l’Afrique est très éloquent. Jusque-là, les aides reçues par les pays africains de la part de l’Occident, ont servi, pour l’essentiel, à les maintenir dans une sorte de dépendance chronique. Les détournements de fonds et la gestion  « gabégique » des ressources des pays étant le sport favori des élites  politiques africaines, cela n’est pas pour arranger les choses. L’aide économique, dans ces conditions, est juste de la poudre aux yeux. Tout se passe comme si l’Occident maintenait les pays africains sous perfusion, juste pour s’assurer de matières premières bon marché et de populations disposant du minimum de moyens pour payer les produits finis dont ses transnationales inondent le marché. Les partenaires techniques et financiers de l’Afrique seraient donc inspirés de changer leur  fusil d’épaule, de travailler à faire en sorte que les aides aux pays pauvres soient débarrassées de leurs scories actuelles, si tant est qu’ils se soucient véritablement du sort du continent noir.

A ces éléments s’ajoute la nécessité de mettre fin au pillage des ressources naturelles des pays en développement. L’Afrique regorge, comme on le sait bien, de nombreuses richesses naturelles. Mais paradoxalement, elle peine toujours à s’en sortir. L’or et le diamant africains ne brillent pas pour les populations africaines.

Il est de l’intérêt des Occidentaux de rectifier le tir dans leur coopération avec les pays sous-développés

Certes, cette gestion calamiteuse des ressources naturelles est imputable aux dirigeants africains, au premier chef. Mais ces dirigeants bénéficient de fortes complicités de la part des Occidentaux et de leurs puissantes entreprises. En tout cas, et on l’aura vu tout au long de l’histoire contemporaine de l’Afrique, les Occidentaux ne se font pas prier pour soutenir à bout de bras des régimes dictatoriaux, pour peu qu’ils incarnent une certaine garantie de la protection de leurs intérêts. Les rares dirigeants africains qui osent, un tant soit peu, remettre en cause les privilèges des Etats et des firmes de l’Occident,  sont combattus par tous les moyens, s’ils ne sont pas mis à mort. Comme on peut bien le constater, les énormes matières premières des pays africains ne sont pas payées à leur juste valeur par les Occidentaux qui disposent encore du pouvoir de fixer, comme bon leur semble, les prix de ce qu’ils achètent aux Africains.

Les Occidentaux doivent donc revoir leur copie en ce qui concerne leur coopération avec les pays africains, s’ils veulent réussir à juguler des fléaux comme l’immigration clandestine massive. En ce qui concerne l’Afrique, l’aide doit viser à son développement de façon effective. Chacun y a intérêt. Pour les dirigeants européens, se contenter de bander les muscles contre l’immigration clandestine en érigeant des barricades de toutes sortes, reviendrait à emboucher la trompette des partis et mouvements extrémismes comme le Front national en France. Ce serait se réfugier encore derrière leurs égoïsmes nationaux. Ce qui va se révéler, in fine, contreproductif au regard de la détermination de ceux qui sont convaincus qu’ils n’ont pas de salut en dehors de l’Europe ou de l’Amérique du Nord. Il est donc de l’intérêt des Occidentaux eux-mêmes de rectifier le tir dans leur coopération avec les pays sous-développés. Quant aux dirigeants africains, il est grand temps qu’ils prennent enfin leurs responsabilités. Après tout, ils sont ceux par qui les malheurs de l’Afrique arrivent. En d’autres termes, ils sont les responsables en chef de ce visage hideux de l’Afrique, de cette Afrique constamment sinistrée. Il urge pour eux de revoir leur gouvernance politique. S’ils s’en montrent capables, le Berceau de l’humanité aura les moyens de mieux retenir ses enfants, candidats à l’immigration clandestine et de mieux les sauver des dents des requins. Le jeu en vaut la chandelle. L’Afrique, en toute responsabilité, devra jouer pleinement sa partition.

« Le Pays »


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