HomeA la uneSORTIE D’ABUBAKAR SHEKAU : Un monstre à prendre au sérieux

SORTIE D’ABUBAKAR SHEKAU : Un monstre à prendre au sérieux


Le chef de la secte islamiste Boko Haram, Abubakar Shekau, a, dans un enregistrement audio, indiqué qu’il était bel et bien en vie. Il dément ainsi les déclarations qui le donnaient pour mort, notamment celle du président tchadien, Idriss Déby Itno, qui estimait que Boko Haram a été décapité. C’est certainement le silence dans lequel s’était emmuré celui qui l’on surnomme le « Chacal », qui a fait croire qu’il n’était plus de ce monde. Surtout que ce mutisme a été précédé par des râclées infligées par les troupes tchadiennes et dans une moindre mesure, camerounaises et nigériennes, à ses hommes. On sait, en effet, que face à la fougue des soldats étrangers venus opérer en terre nigériane contre ce monstre, les hommes de Boko Haram ont été contraints à se terrer ou à prendre la poudre d’escampette. Ainsi, des localités qui ployaient sous le joug de la secte islamiste, ont été libérées.

Shekau est mal placé pour traiter Déby de tyran

Sérieusement mis en difficulté, Boko Haram a dû se résoudre à opter pour une guerre asymétrique, se signalant par des attentats kamikazes. En tout cas, on est loin des images de propagande avec la proclamation du califat et les véhicules militaires et armes de guerre en arrière-plan comme étalage de la force de frappe de la bande du Chacal. Ainsi donc, même si Abubakar Shekau n’avait pas été effectivement blessé, il a dû se faire discret. Il n’est donc pas mort, mais il a dû faire le mort ; tant l’heure était grave pour lui et ses hommes. Son démenti en dit long sur la situation. La sobriété de l’intervention audio confirme que l’heure n’est plus à la fanfaronnade dans les rangs de Boko Haram. Bien au contraire ! Et on comprend aisément que Idriss Déby soit peint en noir par Abubakar Shekau.

Certes, le maître de N’Djamena n’est pas un exemple de démocratie, mais il est ridicule de la part d’un sanguinaire comme Shekau, de le traiter de tyran. On s’en serait marré si l’heure n’avait pas été très grave. Bien qu’on puisse avoir des griefs contre Déby du fait de sa longévité au pouvoir et de la mauvaise qualité de sa gouvernance, on ne peut que s’incliner face à son leadership quand il s’est agi de casser du terroriste. En tout état de cause, sans qu’il soit besoin de dédouaner Idriss Déby face à ses responsabilités en termes de nécessité d’instaurer une bonne gouvernance au Tchad, Shekau est mal placé pour traiter Déby de tyran. Lui dont les troupes prennent un malin plaisir à enlever des jeunes filles, des femmes, à tuer massivement des êtres humains et  à incendier des villages entiers pour montrer leur puissance.

Si Shekau en veut à Déby, c’est bien parce que l’armée tchadienne est la cause principale de la débâcle de Boko Haram.

Mais l’arbre ne doit pas cacher la forêt. Bien qu’acculé, Boko Haram a conservé une grande capacité de nuisance. En témoignent les attentats-suicides qui ont déjà fait de nombreuses victimes au Nigeria, au Cameroun et même au Tchad. Sans vouloir passer pour un oiseau de mauvais augure, on a le sentiment que ce n’est pas demain la veille, la fin de cette guerre asymétrique. La connexion entre les hommes de Shekau et ceux de Abou Bakr al- Baghdadi, chef de l’Etat islamique (EI), est évidente. La traduction de la sortie audio d’Abubakar Shekau en arabe s’inscrit dans cette logique. Cela a certainement pour but d’élargir l’auditoire du Chacal et de mobiliser plus de jihadistes. C’est dire combien Boko Haram occupe désormais une place de choix dans les rangs de l’Internationale islamiste radicale. C’est vraiment un monstre à prendre au sérieux.

Vouloir vaincre définitivement Boko Haram relève encore de la gageure

Surtout qu’il est plus facile de détruire que de construire. Les attaques des illuminés islamistes, endoctrinés à souhait parce que n’ayant pas peur de mourir, sont très difficiles à contrecarrer. Boko Haram en fait la démonstration chaque jour, avec les attentats- kamikazes. Le monstre continue ses ravages. Avec le soutien de l’EI en termes d’appui logistique ou de formation, il pourrait devenir de plus en plus farouche. Des combattants de la pire espèce pourraient affluer du monde entier pour gonfler les rangs de ces illuminés. Il faudra donc que la réponse soit à la hauteur de la détermination de ces individus sans foi ni loi. Mieux, il faudra davantage mettre l’accent sur l’anticipation et le renseignement. C’est cela qui permettra de déjouer un tant soit peu les nombreux projets d’attentats des islamistes.

De ce point de vue, l’opérationnalisation prochaine de la force multinationale contre Boko Haram donne de l’espoir. Elle devrait contribuer à améliorer la situation sécuritaire au Nigeria et dans le reste de la sous-région. Et l’ultimatum de trois mois, donné par le président nigérian, Muhammadu Buhari, à son armée pour vaincre Boko Haram, traduit au moins une farouche volonté d’en finir avec l’ogre. Bien entendu, c’est plus facile à dire qu’à faire, mais c’est déjà bien de se déterminer à agir avec vigueur. Cela dit, la communauté internationale devrait aussi tout mettre en œuvre pour tarir les sources de financement des mouvements islamistes radicaux. Mais, comme on le sait, il est  très difficile d’avoir une maîtrise totale des flux financiers dans le monde. C’est dire que vouloir vaincre définitivement Boko Haram, relève encore de la gageure. La victoire dans une guerre de ce genre, est, à la limite, impossible. L’exemple du Front islamique du salut (FIS) en Algérie qui continue de se signaler, malgré ses déboires, est fort illustratif de la capacité de résistance de ces mouvements. Qu’à cela ne tienne, il convient de ne pas capituler. Il est du devoir des Etats comme des individus de participer, chacun à sa manière, au combat. Il urge de réduire Boko Haram à sa plus simple expression, à défaut de pouvoir l’anéantir complètement.

« Le Pays »


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