HomeA la uneSOUDAN DU SUD : Que vaut un accord où le cœur n’y est pas ?

SOUDAN DU SUD : Que vaut un accord où le cœur n’y est pas ?


Hier, 26 août 2015, le président  Salva Kiir a signé avec les rebelles,  l’accord de paix déjà paraphé par son rival Rieck Machar, à l’occasion d’un mini-sommet qui réunissait dans la capitale sud-soudanaise, les dirigeants du Kenya, de l’Ouganda, du Soudan et de l’Ethiopie. Cet accord de paix est à saluer à sa juste valeur, tant ce dernier-né des Etats africains a souffert des affres du conflit fratricide qui oppose ses leaders depuis plusieurs mois. La rivalité politique entre les deux héritiers de John Garang a rapidement dégénéré en un conflit ethnique marqué par une scission de l’armée et des massacres entre les deux ethnies, qui ont fait plusieurs dizaines de milliers de victimes et mis des milliers de Sud-soudanais sur les chemins de l’exil. 7,9 millions de personnes sur 11,6 millions d’habitants, soit près de 70 % de la population du pays sont, du fait de cette guerre ravageuse, en insécurité alimentaire.        L’accord qui vient d’être signé est d’autant plus salutaire qu’il traduit le réveil de la communauté internationale face à une guerre oubliée.

Mais il y a un légitime scepticisme quant à la capacité de cet accord (le septième du genre)  à ramener la paix dans le pays. L’inquiétude est d’autant plus fondée que cet accord a été obtenu sous les menaces de l’ONU et des Etats-Unis. Le Conseil de sécurité a, en effet, affirmé qu’il agirait immédiatement si le président Salva Kiir qui faisait de la résistance, ne signait pas le document ou signait en y émettant des réserves. Et à titre dissuasif, la résolution prévoit une batterie de sanctions contre le Soudan du Sud, allant de l’embargo contre les armes à des sanctions ciblées.

Il faut déplorer la manipulation de l’ONU par les grandes puissances au gré de leurs intérêts

Du reste, de nombreux Etats comme la Russie, la Chine et plusieurs pays africains ont émis des doutes sur l’efficacité de la résolution. L’envoyée spéciale des Nations unies au Soudan du Sud se veut, elle-même, on ne peut plus prudente. «  La paix, la stabilité et la prospérité n’arriveront pas au Soudan du Sud du jour au lendemain», a-t-elle déclaré.  On peut, en effet, légitimement se demander ce que vaut un accord signé du bout des doigts pendant que le cœur n’y est pas. Que vaut un accord signé le couteau sous la gorge ?

L’autre motif d’inquiétude et non des moindres c’est la qualité de l’échafaudage mis en place et qui est censé être la panacée pour un retour à la paix. Il est, en effet, prévu un gouvernement d’union nationale qui doit servir de gouvernement de transition vers des élections. Quel pourrait être le degré de cohésion de cet appareillage ? La question a tout son sens, dans un contexte où le mandat du président Salvar Kiir court toujours ; ce qui d’ailleurs lui fait assimiler cet accord à une reddition.  Et quel type de paix est-il possible entre Salva Kiir et Riek Machar, si ce n’est une paix des cimetières ?

Au passage, on peut saluer l’implication des Etats-Unis qui ont mis un point d’honneur à sauver leur bébé en présentant une ébauche de la résolution, même s’il faut déplorer, ici, la manipulation de l’organisation internationale (l’ONU) par les grandes puissances au gré de leurs intérêts et la politique de deux poids, deux mesures  de ces mêmes USA qui ne font pas montre du même empressement face à d’autres crises, où ils sont vivement interpellés, comme celle du Burundi par exemple. Gageons que cette fois sera la bonne et que cet accord posera les véritables  jalons de la paix pour cette jeune nation dont l’histoire a déjà été écrite en lettres de sang.

 

SAHO


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