HomeOmbre et lumièreSUSPICION ET STIGMATISATION APRES LES ATTAQUES TERRORISTES : Attention aux dérapages interreligieux !

SUSPICION ET STIGMATISATION APRES LES ATTAQUES TERRORISTES : Attention aux dérapages interreligieux !


Le gouvernement a publié un communiqué le 17 janvier dernier, soit 2 jours après les attaques terroristes, qui fait état de citoyens «mus par une colère compréhensible, qui s’en prennent à des personnes porteuses de barbe fournie, enturbannées ou voilées, de peau claire ou noire… ». Dans le même communiqué, les autorités « appellent les populations courageuses du Burkina Faso au calme et à la retenue ». L’on peut déjà saluer cette sortie des autorités. Car, il est du rôle d’un gouvernement responsable d’interpeller les populations quand celles-ci se livrent à des pratiques susceptibles de mettre à mal la cohésion nationale et l’image du pays. Dans le cas d’espèce, tout le monde doit savoir raison garder pour ne pas faire dans l’amalgame. Toute chose qui serait du pain bénit pour les djihadistes pour semer la graine de la haine entre les religions. On le sait, la colère est un sentiment humain, mais elle est mauvaise conseillère. Le fait, par exemple, de s’en prendre à des personnes « porteuses de barbe fournie, enturbannées ou voilées », constitue un acte attentatoire aux libertés individuelles. Ce qui représente une violation flagrante d’une disposition de notre Constitution qui bannit toute forme de discrimination entre les citoyens. Sous d’autres cieux, l’on assiste fréquemment à des stigmatisations de personnes au prétexte qu’elles arborent des signes religieux prisés dans les milieux djihadistes. L’on se souvient encore de la vaste polémique qui avait agité toute la France à propos du port du voile islamique. Aujourd’hui, cette polémique refait surface après les attaques terroristes contre Charlie Hebdo et le Bataclan. Un autre exemple de stigmatisation sur la base de signe religieux que l’on peut observer sur les bords de la Seine, est celui du port de la Kippa juive.

Chacun doit apporter sa part contributive à l’édification d’un environnement où règne la quiétude publique

Tous ces exemples font de la France, par ces temps qui courent, un pays où la suspicion semble régir les relations humaines et où le simple fait de porter le nom « Omar » ou le patronyme « Coulibaly » ou encore une barbe touffue et abondante, peut faire d’une personne un djihadiste présumé. Si l’on n’y prend garde, ce genre de stigmatisations peuvent s’installer au Burkina Faso après les attaques terroristes du 15 janvier dernier. Or, tout le monde sait que le Burkina a toujours été un exemple de cohabitation pacifique entre toutes les religions. Et cela est un legs précieux de nos ancêtres et des hommes politiques qui ont guidé les pas du pays vers l’indépendance. Et personne n’a le droit de brader cet héritage qui est un des labels du Burkina Faso. Des personnalités coutumières et religieuses de toutes les confessions ont également contribué à développer chez les Burkinabè, dans leur écrasante majorité, cette culture de la tolérance. Nous devons aujourd’hui marcher avec fierté sur leurs traces. Car, ils ont été tout simplement des visionnaires. Un autre label tout aussi légendaire des Burkinabè, qui risque de prendre un coup après les attaques terroristes du 15 janvier dernier, est notre hospitalité. En effet, dans le communiqué du gouvernement, il a été mentionné que des personnes de peau blanche ont été également la cible de citoyens en colère. Si cela s’avérait, l’image du pays en pâtirait. Car à cause des crises multiformes qu’avaient connues des pays de la sous-région, bien des « personnes à peau blanche » avaient trouvé refuge dans notre pays où elles vivaient jusque-là en parfaite harmonie avec les populations. Il convient de ne pas remettre en cause cette hospitalité, même dans l’hypothèse où les enquêtes en cours apporteraient la preuve que certains des assaillants partagent la même race que ces réfugiés. Cela dit, les Burkinabè doivent tout de même retenir ceci : la date du 15 janvier 2016 doit marquer l’avènement d’un autre Burkina, c’est-à-dire un Burkina où les questions sécuritaires sont prises en charge par l’ensemble de la communauté nationale. Chacun, à son niveau, doit apporter sa part contributive à l’édification d’un environnement où règne la quiétude publique. Mais pour cela, tout le monde doit s’inscrire dans un cadre légal et non dans une logique de délation, de règlements de compte, de vindicte populaire, de stigmatisation sur la base des signes religieux et de la couleur de la peau. Un tel comportement est haïssable, car il risque d’exposer le pays à des dérapages interreligieux et à la xénophobie. Toute chose dont le Burkina, en pleine renaissance démocratique, n’a pas besoin pour tracer les sillons du bien-être de ses fils et filles sans discrimination aucune. C’est en cela que l’on reconnaît les grandes nations. Et le Burkina, de par le passé, nous a déjà apporté la preuve qu’il en est une. Et ce n’est pas aujourd’hui qu’il va se fourvoyer en plaçant au centre des relations entre les citoyens, la suspicion et la stigmatisation religieuse.

Sidzabda

 


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