HomeA la uneTAHIROU BARRY, à propos du putsch : « Rien ne peut contre la volonté d’un peuple conscient et debout»

TAHIROU BARRY, à propos du putsch : « Rien ne peut contre la volonté d’un peuple conscient et debout»


Juriste de formation, Tahirou Barry, président du Parti de la renaissance nationale (PAREN), est connu pour son franc-parler. Dans les lignes qui suivent, il se prononce sur la situation nationale, notamment sur la question de la dissolution du Régiment de sécurité présidentielle (RSP). Il évoque également la question de l’amnistie des auteurs du coup d’Etat perpétré par le Conseil national pour la démocratie (CND) proposée par la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), de même que la proposition faite de permettre à tous les candidats recalés par le Conseil constitutionnel de participer aux prochaines échéances électorales.

 

« Le Pays » : Comment avez-vous vécu le coup de force du Conseil national pour la démocratie (CND) ?

 

Tahirou Barry : J’ai eu mal au cœur. Malgré les dures épreuves qui ont frappé notre Nation dans sa construction démocratique, il y a encore des acteurs qui s’autorisent, au nom de basses motivations, à prolonger la souffrance et la détresse de notre peuple. Des familles affamées, rongées par la maladie ont, dans le silence et l’incompréhension, supporté leur calvaire, leur douleur parce que certains Burkinabè ont retourné leurs armes contre d’autres Burkinabè. C’est vraiment triste !

 

Où étiez-vous pour échapper à la furie du RSP (Régiment de sécurité présidentiel) ?

 

Je n’ai pas vécu caché ! J’ai juste pris plus tard quelques précautions de prudence lorsque j’ai été pourchassé par deux jeunes à moto, au sortir de l’hôtel Laïco où se déroulaient les négociations.

 

Avec la dissolution du RSP, pensez-vous que le Burkina est définitivement à l’abri de ce qui s’est passé le 16 septembre dernier ?

 

Avec la dissolution du RSP, c’est un obstacle majeur qui est écarté du chemin de la Transition. A mon humble avis, la dissolution du RSP devrait intervenir aux premières heures de la Transition parce que ce corps, malgré la qualité de ses hommes, au lieu de s’engager dans des missions de protection de la patrie, de lutte contre le grand banditisme, la criminalité transfrontalière, le terrorisme international, s’est érigé en terroriste du peuple. Le lion, même s’il rugit, ne mange pas ses petits. En outre, on a feint de ne pas comprendre que le RSP ne visait plus la défense des intérêts corporatistes mais bien plus politiciens. L’objectif était de faire échouer la Transition et perpétuer un système vomi par le peuple. Avec la proclamation du CND, les masques sont tombés.

 

Le pardon ne s’impose pas avec la menace du fusil

 

Avec la récidive des forfaitures du régiment dans l’affaire Norbert Zongo, dans l’insurrection des 30 et 31 octobre et dans la prise en otage des institutions de la Transition, on devrait comprendre que le RSP n’allait jamais rentrer dans la République. Le serpent peut changer de peau, mais jamais de nature. Il fallait donc l’écraser pour éviter la morsure au lieu de se complaire dans des compromissions du genre remaniement gouvernemental qui a été effectué en juillet dernier, avec le sacrifice d’un valeureux ministre de l’Administration territoriale. On s’est amusé à lécher la langue du lion, on a évité, grâce au sursaut salvateur du peuple entier, d’être dévoré par celui-ci. Mais la bataille continue pour se mettre définitivement à l’abri du coup du 16 septembre dernier.

 

Que pensez-vous de l’amnistie pour les auteurs du putsch proposée par certains ?

 

Ceux qui ont proposé l’amnistie ne savent peut- être pas la portée du mot. L’amnistie vient d’un mot grec et signifie oubli. Peut-on imposer l’oubli là où le devoir de mémoire s’impose ? Peut-on imposer l’impunité là où le devoir de vérité et de justice s’impose ? Les mains de certains éléments du RSP sont tâchées de sang. Elles doivent être nettoyées avec l’eau de la Justice. Le pardon ne s’impose pas avec la menace du fusil ; il se consent et se mérite à l’issue d’un processus collectif et crédible de restauration de la vérité et la justice.

 

Quelles sont les principales leçons que vous tirez de ce putsch ?

 

Rien ne peut contre la volonté d’un peuple conscient et debout. La volonté du peuple souverain est sacrée et il ne faut jamais la mépriser.

 

Que pensez-vous de la proposition faite de permettre aux candidats recalés de participer aux élections présidentielle et législatives ?

 

Ce n’est pas à la médiation de la CEDEAO de se substituer à l’organe chargé de valider les candidatures aux élections au Burkina Faso. Même la Cour de la CEDEAO a souligné avec force son refus de s’instituer juge de la légalité interne des Etats et qu’elle n’a pas vocation à trancher un procès dont l’enjeu est l’interprétation de la loi des Etats.

Le monde n’est pas amnésique ! La Charte de la Transition a été rédigée avec le sang des martyrs et nul n’a le droit d’effacer les traces de cette écriture.

 

Pensez-vous que la date du 8 novembre 2015 proposée par l’ex-CFOP pour tenir les élections est tenable ?

 

Cela est possible si la sécurisation du pays s’améliore. Mais il faut d’abord enterrer dignement nos martyrs et leur rendre un vibrant hommage.

 

Propos recueillis par Thierry Sami SOU

 

 


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