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TERRORISME AU SAHEL : Les Etats parlementent à Abidjan, les djihadistes massacrent à Ségou


Depuis le 1er mai et ce, jusqu’au 5 du mois, la Côte d’Ivoire abrite la 6e réunion des ministres de la Défense des pays membres de la Communauté des Etats Sahélo-sahariens (CEN-SAD). Les 28 Etats membres de l’organisation ainsi que leurs partenaires occidentaux et /ou des organisations internationales réfléchissent pour trouver les stratégies les meilleures pour endiguer les dangers qui menacent la paix et la sécurité dans la bande sahélo-saharienne. Il s’agit principalement de la criminalité transfrontalière et du terrorisme auxquels se livrent des groupes radicaux tels que Boko Haram, Al-Qaïda au Maghreb islamique et l’Organisation de l’Etat islamique. Il est particulièrement attendu, à l’issue de cette rencontre, des recommandations pertinentes pour restaurer et consolider la paix dans la région, de même que les modalités juridiques et institutionnelles en vue de la création d’un Centre de lutte contre le terrorisme et du Conseil de paix et de sécurité de la CEN-SAD.

La mutualisation des moyens n’est plus une option mais une impérieuse nécessité

En attendant les conclusions de ces palabres au bord de la lagune Ebrié, l’on peut déjà se féliciter de ce que les Etats ont pris la mesure du péril et se sont rendus à l’évidence que c’est en mutualisant les efforts qu’ils peuvent parvenir à décapiter définitivement l’hydre du terrorisme dans la région. En effet, la problématique de l’immensité et de la porosité des frontières, de même que du mode de vie transhumant des populations qui sont autant de facteurs propices à la prolifération des bandes armées et des groupuscules djihadistes dans la bande sahélo-saharienne, ne sauraient trouver de solutions adéquates que dans la concertation. Si l’on ajoute à ces difficultés spécifiques à l’espace l’épineuse question de la logistique, la mutualisation des moyens n’est plus une option mais une impérieuse nécessité. Cela dit, cette initiative de la CEN-SAD aurait certainement été des plus heureuses en d’autres temps, au moment où elle n’avait pas encore perdu son parrain politique et financier, Mouammar Kadhafi, qui aurait délié les cordons de la bourse pour rendre opérationnelles les mesures prises. Mais l’on peut toujours compter sur le souverain chérifien, Mohammed VI, pour que les résolutions de ce sommet n’aillent pas mourir dans d’obscurs tiroirs. Cela dit, cette rencontre d’Abidjan sur le terrorisme a un air de déjà-vu. Car les sommets sur le terrorisme se succèdent et se ressemblent dans la sous-région. Ils se soldent le plus souvent par des recommandations mort-nées, en raison du manque de moyens. Il faut d’ailleurs déplorer le fait qu’au-delà de l’illusion que ces nombreuses rencontres donnent aux populations que les dirigeants s’activent pour leur garantir la tranquillité du sommeil, elles constituent bien souvent l’occasion de tendre la sébile. Par ailleurs, la multiplication des rencontres et des cadres d’action contre le terrorisme suscite des questions liées à leur efficacité tant du point de vue de leur caractère budgétivore que des difficultés de coordination dans l’action sur le terrain. Le moins que l’on puisse dire, c’est que tout ceci donne l’impression d’une dispersion des efforts et des ressources, face à un danger qui nécessite parfois des actions rapides et précises. Et c’est en cela que l’on peut se poser la question de savoir si le terrorisme peut être efficacement combattu dans le cadre d’organisations aussi étendues que la CEN-SAD.

Il faut s’inquiéter de la mue de la nébuleuse djihadiste au Mali

Du reste, alors que les experts étatiques et leurs partenaires techniques et financiers semblent s’éterniser dans la recherche des stratégies et des moyens de leur mise en œuvre, les djihadistes, eux, ne semblent pas vouloir perdre du temps en mettant à profit la longueur d’avance qu’ils ont sur les Etats. En effet, un convoi de l’armée malienne a été attaqué le 2 mai dans la région de Ségou, entre les localités de Diabaly et de Nampala, au Nord de Bamako. Le bilan provisoire fait état de 9 morts et d’au moins quatre morts dans les rangs des militaires maliens. L’attaque est survenue à quelques encablures de la forêt de Wagadou où il est signalé la présence d’islamistes armés qui y auraient creusé des tranchées et y mèneraient des entraînements. Même si au Mali, les attaques des djihadistes font partie intégrante du vécu quotidien des populations, le moins que l’on puisse dire, c’est que c’est un comité d’accueil sanglant qu’ils ont voulu réserver au sommet d’Abidjan sur le terrorisme dans la région. L’on pourrait aussi lire dans cette énième furie meurtrière des fous d’Allah, des actions de représailles contre les Forces armées maliennes (FAMA) en réponse aux opérations « Panga » et « Bayard » menées de concert avec la force française Barkhane et l’armée burkinabè. En tout cas, quelles que soient les motivations de cette nouvelle attaque, il faut s’inquiéter de la mue de la nébuleuse djihadiste au Mali. En effet, les mouvements extrémistes compteraient dans leurs rangs des déserteurs de l’armée malienne comme l’ex-colonel Bamoussa que l’on soupçonne d’avoir pris la tête du groupe d’islamistes armés réfugiés dans la forêt du Wagadou et à l’origine de l’embuscade meurtrière du 2 mai dernier. L’autre nouveauté réside dans les stratégies de ces mouvements et consiste à avoir des bases le long des frontières, de façon à disposer de bases de repli après leurs attaques. Au regard de ces mutations des mouvements djihadistes dont aucun pays de la CEN-SAD n’est à l’abri, la mise en œuvre des conclusions de la rencontre d’Abidjan s’avère des plus urgentes.

« Le Pays »


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