HomeA la uneTGI DE BANFORA : 8 mois de prison requis contre le chef du village de Douna et ses ministres

TGI DE BANFORA : 8 mois de prison requis contre le chef du village de Douna et ses ministres


Le chef du village de Douna, localité située à 45 kilomètres de Banfora, ainsi que ses ministres  et des jeunes du village, ont comparu devant le Tribunal de grande instance (TGI) de Banfora, le 29 mai 2018. Ils sont poursuivis pour destruction volontaire de biens mobilier et immobilier, de vol et de coups et blessures volontaires, sur Kané Iwaya Abdoul Salam à qui ils avaient intimé l’ordre de libérer le domaine qu’il occupe. Un lieu de culte selon le chef. Dans sa réquisition, le procureur a demandé que le chef et ses sujets soient reconnus coupables et condamnés chacun à une peine de 8 mois de prison ferme assortie d’amende allant de 300 000  à 400 000 F CFA.

 

Pour la petite histoire, c’est le 16 novembre 2016 que des habitants de Douna ont effectué une descente musclée au domicile de Kané Iwaya Abdoul Salam, un marabout qui allie la production agricole à son occupation première. La foule était si impressionnante qu’elle a obligé la femme de Kané et ses enfants à prendre la poudre d’escampette. Le chef de famille, lui, sera ligoté et conduit chez le chef du village. Ce, au motif que M. Kané n’a pas répondu à la convocation du chef. Abdoul Salam Kané s’est établi à l’entrée du village de Douna, avec la bénédiction du chef de terre. Mais pour le chef de village, ce site est un lieu de culte et ne saurait être utilisé par un individu. D’où sa convocation chez le chef, pour le lui notifier. L’instruction qui a suivi la vindicte populaire, a permis d’interpeller et d’inculper le chef du village de Douna, Mandion Son, un vieil homme de 72 ans. En plus de ce dernier, il y a l’imam du village, Koné Amadou, par ailleurs fils du chef de terre, Soura Kamon, Hié Issa et Soura Salifou. Interrogé à la  barre, tous ont d’emblée nié en bloc les faits qui leur sont reprochés. Mais la suite des débats va démontrer le contraire. En effet, au cours des différents questionnements du président du TGI, du procureur et de l’avocat du plaignant, le chef Mandion Son reconnaîtra que c’est lui qui a donné l’ordre d’amener Kané Iwaya Abdoul Salam au palais, au motif qu’il lui a manqué de respect en tant que notable. Les co-accusés du chef, à l’exception de l’imam qui a pu démontrer qu’il se trouvait à Banfora au moment des faits,  reconnaîtront à leur tour avoir pris part d’une manière ou d’une autre à l’interpellation du plaignant. Les uns attestent avoir pris le mouvement en marche et les autres, à partir du domicile du chef. Toutefois, tous étaient motivés par une seule et même raison. En effet, ils s’interrogent en ces termes : « comment quelqu’un peut-il manquer de respect à notre chef et s’installer impunément dans le village » ? C’est à ce moment que le procureur et le président leur font savoir qu’en la matière, la loi, dans notre pays, ne reconnaît pas les chefs traditionnels. Pour eux, le chef de Douna n’avait pas à gérer cette question lui-même. « Si vous étiez venus nous voir avec ce problème, nous vous aurions aidés à faire partir M. Kané du site qu’il occupait contre votre assentiment », a lancé le

président du tribunal pour qui, il est inconcevable qu’en ce 21e siècle, une population s’adonne à de tels actes. Invité à la barre, le plaignant, Kané Iwaya Abdoul Salam, dira qu’il a simplement eu peur pour son intégrité physique, lorsqu’il a appris qu’il était demandé chez le chef. C’est pourquoi, a-t-il dit, il n’a pas voulu répondre à la convocation de celui-ci. Toutefois, il atteste qu’il a été victime de traitements inhumains. « Ils ont pilé du piment qu’ils ont introduit dans mon orifice anal et dans mes yeux avant de me ligoter, jeter dans une charrette et conduire, à travers les artères du village, jusque chez le chef. Mon œil droit ne voit toujours rien aujourd’hui, du fait de leur acte ». A la question de savoir s’il a perdu quelque chose dans le saccage de sa maison, M. Kané atteste, le doigt pointé au ciel, qu’il a perdu 15 millions de F CFA, des plaques solaires d’une valeur de 450 000 F CFA et sa femme a également perdu 750 000 F CFA de son petit commerce. Pour son avocat, le chef de Douna a agi par pure jalousie. « Mon client s’est établi sur le site avant que Mandion Son ne devienne chef de village. Et comme tous voyaient qu’il prospérait, ils en étaient devenus jaloux et ne voulaient plus le voir. Et le chef qui l’avait dans son viseur, voulait aussi s’accaparer des terres qu’il exploitait, mais qui lui ont pourtant été octroyées par le chef de terre ». Présent dans la salle, ce dernier, répondant aux questions de l’avocat du plaignant, a contredit le chef de village en disant que l’espace qu’il a donné à Kané Iwaya, n’a jamais servi de lieu de culte. Pour l’avocat, le président doit sanctionner le chef et ses co-accusés, à la hauteur de leur forfait, pour que cela serve de leçon. « Comment peut-on être traité d’étranger dans son propre pays au point d’être indésirable » ?, a-t-il questionné. Pour le préjudice moral subi par son client, il demande 10 millions de F CFA en plus des 15 millions et 750 mille F CFA que celui-ci déclare avoir perdu lors du saccage. L’avocat, qui a estimé sa prestation à 1 million 400 000 F CFA, a évalué le loyer que paie son client depuis son déguerpissement, à 425 000 F CFA.  Le délibéré est attendu pour le 26 juin prochain. Mais en attendant, le procureur a requis 8 mois de prison, des amendes de 300 000 F CFA contre 3 personnes et 400 000 F CFA contre les autres. Quant à l’imam Amadou Koné, il est demandé qu’il soit relaxé. L’avocat des accusés, pour sa part, a demandé au président du TGI sa clémence pour ses clients. Pour lui, les autorités locales de Douna n’ont pas pleinement joué leur rôle dans cette affaire. « Ils étaient au courant du problème et n’ont rien fait pour désamorcer la bombe latente », a-t-il déploré.

Mamoudou TRAORE

 

 


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