HomeA la uneTOGO : Faure, «ce dictateur sanguinaire » qui s’ignore  

TOGO : Faure, «ce dictateur sanguinaire » qui s’ignore  


 

Depuis août 2017, le Togo vit au rythme de la contestation politique au quotidien, sur fond de répression violente. Le bilan fait simplement froid dans le dos : 16 morts en deux mois. Et tout indique que ce n’est pas demain la veille que le décompte macabre va s’arrêter, puisqu’aucun des deux  camps qui se font dangereusement face, ne semble disposé à mettre de l’eau dans son vin pour faire baisser de façon significative la tension politique. Et chose suffisamment grave et atypique pour être relevée, c’est que pendant cette longue période de surchauffe politique avec son lot de macchabées, le premier des Togolais, Faure Gnassingbé, n’avait pas daigné piper mot sur la tragédie que vit son pays. Eh bien, l’homme vient de s’exprimer publiquement sur la question. En effet, le 28 octobre dernier, à l’occasion de l’ouverture du congrès de son parti, l’Union pour la république (UNIR), Gnassingbé fils s’est fendu d’un discours qui en dit long sur sa véritable nature.

Faure peut être inscrit à l’école des cyniques

Morceaux choisis : « Aujourd’hui, ceux qui intoxiquent, ceux qui mentent, ont trouvé des alliés dans la technologie et on peut transformer une chose juste, ou alors un homme simple comme moi en dictateur sanguinaire ». Ainsi donc, Faure,  l’homme fort du Togo, a enfin parlé. Pour lui, il n’y a rien à signaler au Togo. Tous ces blessés,  toute cette machine de guerre qui s’est déployée à Lomé, à Sokodé pour casser de l’opposant, toute cette clameur  populaire qui se fait entendre partout dans le pays, tous ces morts fauchés par les balles assassines de la soldatesque relèvent de l’affabulation. Avec tout le respect dû à son rang, l’on a envie de lui poser la question de savoir s’il parle d’un autre pays ou du Togo. S’il parle du Togo, l’on peut affirmer qu’il fait dans l’indécence et le déni éhonté des faits. Car, ces derniers sont têtus. Et ils sont suffisamment graves au point  que la conscience universelle ne peut pas accepter que le président les aborde comme relevant de la mythomanie. Par là, et c’est le moins que l’on puisse dire, c’est que Faure vient d’apporter la preuve, s’il en est  encore besoin, qu’il peut être inscrit à l’école des cyniques, du nom de cette école philosophique  grecque qui, au Ve siècle avant Jésus Christ, s’opposait effrontément aux principes moraux et à l’opinion commune. Dans le même registre, on peut être estomaqué d’entendre le président togolais se présenter comme « un homme  simple » qui n’a pas l’âme d’un « dictateur sanguinaire ». Ce facile autoportrait n’est ni plus ni moins qu’une falsification de l’histoire et du présent. Car, le terme dictateur, plus qu’un mot, est un comportement, un rapport au pouvoir. Pour rappel, Faure Gnassingbé a été bombardé au pouvoir dans des circonstances qui s’apparentent pratiquement à une dévolution monarchique. Et toutes les élections qui se sont organisées sous son règne, ont été systématiquement entourées de manipulations et de fraudes. Toutes les fois que l’opposition est sortie dans la rue, puisqu’elle n’a pas d’autres choix, pour les contester, elle a toujours été l’objet de répression sanglante. Comme si cela ne suffisait pas, Faure, aujourd’hui, est en train d’user de stratégies pour repousser aux calendes togolaises toute idée d’alternance démocratique dans son pays.

On doit avoir le courage d’appeler le chat par son nom

La parade trouvée est le référendum. Et toute honte bue, la CEDEAO l’y encourage. De cette structure d’ailleurs, le peuple togolais ne doit rien attendre de bon, puisqu’en matière de promotion de la démocratie en  Afrique, elle marche sur les traces boueuses de cette sorte de syndicat de chefs d’Etat qu’est l’UA (Union africaine). De ce point de vue, Faure Gnassingbé serait bien inspiré de revisiter le sens de l’expression « dictateur sanguinaire ». Car, bien de ses faits et gestes y renvoient. Et l’on a beau être sémanticien de son palais, c’est pratiquement mission impossible que de trouver à redire. Peut-être Faure Gnassingbé aurait-il voulu que l’on dénombrât 1000 morts au Togo pour  se rendre à l’évidence qu’il est dans la logique dictatoriale de son géniteur ? Au rythme où vont les choses, lorsque l’histoire fera le point de l’ensemble de ses massacres,  ce seuil macabre pourrait être atteint et cela d’autant plus qu’il caresse l’espoir de s’accrocher au pouvoir pendant plus d’une décennie encore, quitte à enjamber davantage de cadavres pour parvenir à ses fins. D’ailleurs, aujourd’hui plus que jamais, il se sent pousser des ailes bien que son pays soit en pleine tempête. A l’occasion de l’ouverture du congrès de son parti, ce 28 octobre, il a laissé clairement transparaître cela en ces termes : « nous avons suffisamment démontré que nous  sommes forts, nous sommes confiants, nous sommes optimistes ». Pour la première fois que le président togolais s’exprime depuis le déclanchement de la crise en août dernier, ces propos peuvent être décryptés comme suit : « le chien aboie et la caravane passe ». Si ce n’est pas de l’arrogance, cela y ressemble fort. Et cela n’est pas étonnant. Car, c’est la marque déposée des dictateurs. Ils sont ainsi faits qu’ils ont l’art de banaliser les choses, y compris celles les plus gravissimes pour leurs pays. De toute évidence, c’est le cas de Faure Gnassingbé. Et malgré tout cela, il veut se présenter sous les traits d’un ange alors que ses pratiques le rapprochent très nettement du démon. De ce point de vue, l’on doit avoir le courage d’appeler le chat par son nom. Faure est un « dictateur sanguinaire » pour reprendre son expression, mais qui s’ignore. Il serait bien inspiré donc de reconnaître d’abord son mal et travailler, ici et maintenant, à en guérir. Par conséquent, il doit d’autant plus le faire qu’il ne sera pas toujours fort au point de tenir pendant longtemps encore en laisse le peuple togolais. En tout cas, s’entêter à nier les faits alors qu’ils sont têtus, est la pire des solutions pour lui. Ce qui n’augure rien de bon pour lui, dans l’hypothèse où la rue aurait raison de lui. Et cette hypothèse, par ces temps qui courent, n’est pas farfelue au Togo.

« Le Pays »


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