HomeA la uneTRAFIC ILLICITE D’OUVRIERS VERS L’ARABIE SAOUDITE : Le promoteur de Sawa Tours aux arrêts

TRAFIC ILLICITE D’OUVRIERS VERS L’ARABIE SAOUDITE : Le promoteur de Sawa Tours aux arrêts


Une ressortissante burkinabè du nom d’Aïcha Philomène Malgoubri a trouvé la mort par pendaison à Médine, en Arabie Saoudite. Une mort suspecte aux yeux de l’ambassadeur du Burkina Faso en Arabie Saoudite, qui n’a pas manqué de saisir la gendarmerie, afin qu’une enquête soit ouverte pour déterminer les circonstances et savoir comment Aïcha était arrivée à Médine. Les résultats de l’enquête vont ensuite donner raison à l’ambassadeur de s’inquiéter ; un réseau de trafic illicite de main d’œuvre se chargeait effectivement d’y envoyer les gens. Le nom de ce réseau, l’agence de voyage Sawa Tours de Rasmané Sawadogo, présentement aux arrêts. Pour communiquer cette information à la presse et partant, aux populations afin d’inviter tout citoyen à dénoncer de telles pratiques, la Brigade ville de gendarmerie de Kosyam a rencontré la presse le 4 février 2016 dans ses locaux.

Les faits commencent le 6 janvier 2015 à 8h15. Le commandant du groupement départemental de gendarmerie, le colonel Djiguiba Sam Ouédraogo, raconte : « le 6 janvier 2015 à 8h15, le commandant de brigade ville de Kosyam a reçu de nos mains, une correspondance de l’ambassadeur du Burkina Faso en Arabie Saoudite. Cette correspondance faisait état du décès par pendaison de Malgoubri Aïcha Philomène, précédemment employée comme fille de ménage à Médine, en Arabie Saoudite. Cette situation de décès n’est pas le seul cas. L’ambassadeur, dans sa correspondance, a sollicité l’ouverture d’une enquête en vue de prendre toutes les dispositions nécessaires pour démanteler les réseaux illégaux qui se sont implantés et qui font de l’emploi illégal. En observation, la hiérarchie a ordonné de démasquer tous les auteurs à partir d’ici, dans tous les services. Nous avons eu la chance qu’un citoyen honnête et courageux, qui veut garder l’anonymat, nous saisisse à propos de pratiques illégales. Rapidement, des investigations ont été entreprises et ont conduit les enquêteurs vers l’agence de voyage Sawa Tours, représentée par Rasmané Sawadogo, sise aux 1200 logements à Ouagadougou. Une perquisition effectuée dans son agence a permis la découverte de 179 dossiers et 40 passeports de personnes recrutées à Ouagadougou, Bobo-Dioulasso, Kaya, moyennant une somme comprise entre 400 000 F et 600 000 F CFA par personne. Interrogé à présenter l’autorisation lui permettant une telle pratique, il déclare ne pas disposer d’une autorisation mais d’un arrêté du ministère de la Culture et du tourisme lui octroyant une licence d’agence de voyage et de tourisme de catégorie A pour l’organisation du pèlerinage à la Mecque et de la Oumra. Profitant de cette licence, M. Sawadogo aurait contacté une société privée saoudienne en quête de main-d’œuvre facile. Il engage des représentants à Ouagadougou, Bobo-Dioulasso et Kaya pour le recrutement des gens à la recherche d’emploi. C’est ainsi que 282 Burkinabè seront recrutés sans aucune forme de procédure dont 156 dans la région de Bobo-Dioulasso, 10 à Ouagadougou et 7 à Kaya. Les investigations ont mis en exergue du faux. Le reste n’a pas encore payé les sous. »

Avoir la culture de la dénonciation

Pour le colonel Djiguiba Sam Ouédraogo, on ne sait pas comment les documents de ces personnes ont été obtenus. Par contre, il dit savoir, de sources sûres, que beaucoup de compatriotes, une fois sur place, se voient retirer leur passeport et sont soumis à un travail esclavagiste. A l’en croire, Il n’y a aucun contrat officiel qui lie l’Arabie Saoudite ou le Qatar qui demande officiellement de la main-d’œuvre au Burkina. « C’est l’œuvre de certaines personnes qui ne sont donc pas à leur coup d’essai », a-t-il mentionné. Les raisons de la mort d’Aïcha Philomène Malgoubri ? « Sûrement la maltraitance dont elle a été victime », répondra le colonel. Sa pendaison a été constatée, selon lui, dans les locaux servant de détention des filles de ménage en difficultés vis-à-vis de leurs employeurs saoudiens. Concernant la société privée saoudienne que le sieur Rasmané Sawadogo a contactée, il répondra que les autorités saoudiennes ont promis de nous communiquer les résultats de l’enquête diligentée à cet effet. Mais, jusque-là, ils n’ont pas encore eu de suite. Sur les documents trouvés, les dates de naissance des recrutés vont de 1974 à 1994. Les intéressés sont des deux sexes, hommes et femmes. Dans ses actions, M. Rasmané a des collaborateurs qui sont chargés d’aller de village en village pour recruter des gens. Suite à l’enquête, trois personnes ont été interpellées dont M. Sawadogo mais, il se trouve que la troisième est une victime. Pour l’instant, les gendarmes ne savent pas combien de personnes ont déjà été envoyées en Arabie Saoudite par ce trafic. Tout ce qu’ils savent, c’est que M. Rasmané Sawadogo a trouvé le moyen de contourner les services compétents pour se faire établir certains documents de ses clients ; les passeports, eux, sont obtenus sans problème. Ce sont des vrais.
Etaient également présents à cette conférence de presse, l’adjudant-chef major Abdoulaye Sawadogo, commandant de la Brigade ville de gendarmerie de Kosyam, le chef de service des passeports, Aristide Kabré. Tous ont contribué à apporter des éléments de réponses aux questions des journalistes. A en croire le colonel Djiguiba Sam Ouédraogo, des réseaux comme celui qu’entretient le promoteur de Sawa Tours, il en existe certainement beaucoup au Burkina. Des gens sont au courant, mais n’osent certainement pas en parler. « Combien de nos compatriotes sont allés vers d’autres contrées d’où ils veulent revenir mais n’ont aucune possibilité de le faire ? Certainement beaucoup », s’inquiète-t-il. Pour minimiser ce phénomène et réduire donc le risque de voir partir de nombreuses autres personnes, il faut, selon le Colonel Ouédraogo, que l’on ait la culture de la dénonciation. « Même dans la pauvreté, œuvrons en toute dignité au lieu de faire miroiter aux autres un eldorado qui, en réalité, n’existe pas, de récolter sur le dos des pauvres citoyens d’importantes sommes d’argent et de les envoyer en enfer. » Aussi, les conférenciers invitent-ils la population à signaler toute pratique illicite en appelant les services de police ou de gendarmerie au 16, au 17, au 10 10 ou au 80 00 11 45.

Christine SAWADOGO

 


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