HomeDroit dans les yeuxTRANSITION POLITIQUE AU BURKINA : Eviter de naviguer à vue

TRANSITION POLITIQUE AU BURKINA : Eviter de naviguer à vue


Le président de la transition, Michel Kafando, dans son adresse à la Nation à l’occasion du nouvel an, a annoncé la levée de la mesure de suspension qui frappait le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) et l’Alliance pour la démocratie et la Fédération – Rassemblement démocratique africain (ADF/RDA), les deux partis qui ont précipité la chute de Blaise Compaoré. Cette décision a été diversement accueillie par les citoyens burkinabè. Les uns estiment que cette sanction, pour le moins inappropriée à leurs yeux, n’avait que trop duré, tandis que les autres, au regard de l’arrogance dont avaient fait montre certains caciques de l’ancien régime, pensent que les autorités de la transition auraient dû maintenir la suspension jusqu’à terme ; étant donné qu’elle n’avait qu’une durée temporelle maximale de trois mois. Chacun y va de son analyse.

En tout cas, on a le sentiment que les autorités de la transition ont battu en retraite, après avoir compris qu’elles avaient commis une grave erreur ; une erreur qui a fini par se révéler d’autant plus grande que s’ouvre aujourd’hui une grande réunion qui se veut inclusive.

On se demande comment les échanges entre le Chef de l’Etat et les forces vives de la Nation pouvaient se mener inclusivement si le CDP et l’ADF/RDA étaient mis hors jeu. C’est difficile, à moins d’aller contre l’esprit d’inclusion dont les autorités  disent elles-mêmes se soucier.

Toute chose qui serait contraire à l’esprit de réconciliation nationale dont le Burkina, il faut le dire, a tant besoin.

En tout cas, avec ce rétropédalage,  on a l’impression que les nouvelles autorités font parfois dans la précipitation. Et pour cause : elles prennent des décisions, pour ensuite reculer, dès que la rue commence à gronder. On croyait qu’elles avaient tiré leçon de l’erreur de casting qu’elles avaient commise en nommant Adama Sagnon, ministre de la Culture et du tourisme, mais vraisemblablement, rien n’y fit. La preuve, on l’a vu avec la promotion de Mahamadou Compaoré à la tête de la Centrale d’achats des médicaments essentiels   génériques (CAMEG), qui avait aussi suscité une véritable levée de boucliers. In fine, le gouvernement a fini par plier l’échine,  affaiblissant son autorité déjà mise à mal.

Les autorités de la transition doivent éviter de  multiplier les bourdes

Certes, on veut bien croire à la fermeté du chef de l’Etat qui, dans son discours de nouvel an, a tapé du poing sur la table en déclarant que la transition ne tolérerait plus les contestations injustifiées. Mais encore faut-il ne pas prêter le flanc aux manifs. Il faut d’ailleurs craindre que ce discours au ton martial, ne finisse par braquer bien des gens, notamment les syndicats et la société civile qui ont fini par entrer dans la danse, en demandant la démission du ministre contesté Moumouni Diéguimdé. Les nouvelles autorités doivent garder à l’esprit une chose très importante et ce, jusqu’à la fin de la transition : elles doivent leur pouvoir à la rue. Et plus que jamais, celle-ci aura son mot à dire, surtout en cas de dérapage. On ne peut pas nommer une personnalité au passé  trouble à un poste de responsabilité et empêcher la rue de donner de la voix.  C’est pourquoi la seule et efficace manière de mettre fin à ce genre de contestations, c’est de choisir des hommes propres et les mettre à la place qu’il faut. Et les hommes propres et intègres, ce n’est pas ce qui manque au Burkina, à moins que l’on ait fait le choix de retomber dans les mêmes travers de l’ancien régime, qui consistaient à promouvoir des proches et amis, même s’ils traînent des casseroles.

De toute évidence, pour que les mêmes causes ne produisent pas les mêmes effets, les autorités de la transition doivent éviter de naviguer à vue et de multiplier les bourdes. Quand on gouverne, on doit savoir anticiper.

Cela dit, chacun doit se le tenir pour dit : autant la transition demande des comptes à l’ancien régime, autant elle ne doit pas perdre de vue qu’elle pourrait, à son tour, être amenée à rendre des comptes, une fois sa mission terminée. Et elle devra répondre de ses actes,  en cas de dérapage. C’est pourquoi il importe beaucoup que le président Michel Kafando travaille à s’affranchir de l’emprise de l’armée,  si tant est que celle-ci, comme le susurrent certains, ait de l’ascendant sur lui.

SIDZABDA


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