HomeA la uneTROISIEME MANDAT DE NKURUNZIZA : La Belgique se bat, mais que fait l’Afrique ?

TROISIEME MANDAT DE NKURUNZIZA : La Belgique se bat, mais que fait l’Afrique ?


Depuis le déclenchement de la crise sociopolitique consécutive à la volonté manifeste du Président Pierre NKurunziza de se « fossiliser » au pouvoir malgré les récriminations internes et externes, le Burundi ne cesse de faire la Une des médias et d’attirer l’attention de la communauté internationale sur sa cavalcade vers des lendemains troubles.

Si Pierre Nkurunziza, aujourd’hui président et dans une vie antérieure professeur de gymnastique puis pasteur évangéliste pour avoir rencontré Dieu dans le maquis lors de la dernière guerre civile, n’est pas le plus grand et le plus célèbre des potentats que l’Afrique ait connus, il faut craindre qu’il ne soit celui qui rouvrira « les portes de l’enfer » qui avaient été refermées dans ce pays en 2000, après de laborieux pourparlers à Mwanza et à Arusha en Tanzanie.

En effet, ce féru de foot a préféré livrer un « match à balles réelles » contre ses concitoyens qui demandent l’application des principes démocratiques et le respect de leur droit à manifester, au lieu de travailler à pérenniser le fragile consensus fondé sur les accords d’Arusha aux termes desquels le pouvoir au Burundi doit être géré alternativement par les Hutu et les Tutsi, et aucun candidat ne doit excéder deux mandats.

Pierre Nkurunziza, devenu président par la volonté de Dieu, selon son porte-parole et comparse Willy Nyamitwe, entend aller au delà de son 2è et dernier mandat dont le terme est prévu à la fin de ce mois de juin 2015, et ce, en dépit des réprobations de tous les chantres de la démocratie à travers le monde.

En tout cas, plus rien ne semble l’en dissuader, d’autant que les dirigeants de l’opposition politique et de la société civile ont tous été pris en marquage individuel. Les moins chanceux comme Zedi Feruzi et bien d’autres contestataires ont été tués à la grenade ou fauchés par des balles de fusils mitrailleurs.

Mais ce que le serial killer de Bujumbura et sa police à la gâchette facile semblent ignorer, c’est que lorsque le peuple se met debout…. les dictateurs les plus irréductibles finissent par trembler et tomber, pour parodier une maxime alors en vogue au Burkina Faso, au milieu des années 80.

La Communauté internationale ou ce qui peut être considéré comme telle, n’hésite plus, en effet, à escalader même les murs de l’ONU pour punir les coupables, et ce n’est pas Mouammar Kadhafi  qui avait déclenché une expédition punitive contre Benghazi pour éviter d’être emporté par le « mercato » arabe de 2011 qui,  du fond de sa tombe, dira le contraire.

Mais dans le cas du Burundi, on ne doit pas attendre que Nkurunziza et ses Imborenakure (la ligue des jeunes du parti présidentiel CNDD -FDD) finissent de peaufiner ou d’exécuter leurs funestes stratégies de caporalisation du peuple burundais avant de crier haro sur le baudet , ou tout simplement de siffler la fin de la récréation macabre.

Mais qui pour brandir le carton rouge et mettre sur la touche l’avant-centre et meilleur buteur de son club (le Alléluia FC) avant qu’il n’enfarine la communauté internationale, après avoir dribblé ou plutôt criblé ses compatriotes de balles de AK47 ?

L’Afrique, aux abonnés absents

Pas grand monde, si on s’en tient aux condamnations a minima et par acquis de conscience des grands de ce monde, qui se contentent de litotes et de rhétoriques pour dénoncer la forfaiture en cours de perpétration au Burundi.

Reconnaissons toutefois qu’un pas dans ce sens a été récemment franchi par la Belgique, premier partenaire bilatéral du processus électoral et anciennement puissance colonisatrice du Burundi.

La coopération belge a, en effet, décidé de suspendre le budget qu’elle avait décidé d’allouer à l’organisation des élections burundaises, privant ainsi la commission électorale de ce pays de la deuxième tranche de deux millions d’euros sur les quatre prévus.

Les Pays-Bas et la Suisse ont emboîté le pas à la Belgique en annonçant eux aussi la suspension de leur aide à la commission électorale. Mais force est de reconnaître que ces «mesurettes» sont loin de pouvoir ébranler la conviction déjà faite de Pierre Nkurunziza que les chiens ont beau aboyer, la caravane du CNDD- FDD passera sans coup férir.

On aurait bien aimé entendre la voix ferme de la France dans ce concert de casseroles, mais elle s’est contentée de condamnations de principe, peut-être au nom de ce «gentlemen-agreement» qui semble tacitement exister entre les pays colonisateurs, qui veut que l’on soit moins bavard, sinon carrément aphone quand il s’agit des problèmes internes au pré carré de l’un ou de l’autre.

Et les Africains dans tout ça ? Mais où est l’Afrique ? Aux abonnés absents, comme c’est de coutume à chaque fois qu’il s’est agi de choisir entre le camp des peuples opprimés et celui des oppresseurs !

Les dernières décisions prises par l’instance continentale d’envoyer des missions d’observation à Bujumbura et d’appeler les différentes parties au dialogue afin de créer des conditions favorables à des élections crédibles, ont simplement eu le mérite de rappeler à ceux qui l’auraient oublié qu’elle dispose d’un Conseil de paix et de sécurité dont les membres, il faut bien le dire,  sont plus prompts à empocher leurs faramineuses prises en charge qu’à instaurer la paix et la sécurité dans les différents pays de l’Union.

Et au regard de cette incapacité congénitale de l’UA à relever les défis qui lui sont assignés, les ennemis de la démocratie, qu’ils soient Pierre, Paul (suivez notre regard) ou autres, ont encore de beaux jours devant eux.

La désillusion au sein des peuples africains qui aspirent à la justice sociale et au bonheur d’avoir à la tête de leurs Etats des hommes compétents et librement choisis par eux, est telle que beaucoup en sont à se demander s’il ne vaudrait pas mieux arrêter le cirque et restaurer simplement les partis uniques, ou encore cautionner les coups de force comme on en a connus dans les années d’avant la Baule. Cela aurait au moins le mérite d’être clair aux yeux de tous, que les Africains ne sont pas encore prêts pour la démocratie, ce mode exotique mais combien noble et salvateur de gouvernance.

Hamadou GADIAGA


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