HomeA la uneVELLEITES DE N’KURUNZIZA DE BRIGUER UN 3e MANDAT : Bujumbura comme Ouagadougou ?

VELLEITES DE N’KURUNZIZA DE BRIGUER UN 3e MANDAT : Bujumbura comme Ouagadougou ?


Depuis que le Burundi a accédé à l’indépendance en 1962, la vie politique de ce pays a toujours été rythmée par la violence sur fond de clivage et de haine historiques et absurdes entre les Tutsi et les Hutu. De ce fait, les putschs ont succédé aux putschs, avec à la clef des atteintes massives aux droits de l’Homme. Avec les accords d’Arusha paraphés par tous les acteurs politiques sous la houlette de Nelson Mandela, qui avaient tracé la voie pour que le Burundi reparte du bon pied, l’on avait eu la faiblesse de croire que le pays vaincrait le signe indien. Aujourd’hui, avec Pierre N’kurunziza, l’on a des raisons de déchanter. En effet, en vertu de la Constitution du Burundi et des Accords d’Arusha, l’homme est disqualifié pour briguer un 3e mandat. Mais il semble n’en avoir cure, puisque tout indique qu’il est en train de se préparer activement pour se mettre dans les starting-blocks de la présidentielle à venir.

Contre vents et marées, N’kurunziza s’invitera à la compétition présidentielle

Pour le moment, ce sont ses partisans qui sont à la manœuvre, avec certainement ses bénédictions. D’ailleurs, ce mode d’emploi de la confiscation du pouvoir, bien des dictateurs africains l’ont expérimenté avec succès avant lui. Le plus illustre est Gnassingbé père. Pourtant, en plus de la Constitution burundaise et des Accords d’Arusha qui lui interdisent formellement de rebelotter pour la 3e fois, nombreuses sont les personnes qui en ont déjà appelé à sa sagesse pour qu’il ne mette pas en péril la paix sociale dans son pays, en franchissant la ligne rouge. Au regard de l’évolution des choses, il n’est plus permis de douter un seul instant que Pierre N’kurunziza la franchira allègrement. Les éléments qui permettent de le dire foisonnent. Il y a eu d’abord sa tentative de mettre à contribution l’Assemblée nationale à cet effet. Les députés, dans leur majorité et au nombre desquels l’on comptait certains élus issus de la majorité présidentielle, l’avaient recalé. Fou de rage, Pierre N’kurunziza avait sévi contre les frondeurs en les suspendant du CNDD-FDD, son parti. Il y a eu ensuite  la démonstration de force de ses partisans, le samedi 11 avril dernier à Bujumbura, pour fustiger les « traîtres » et autres « renégats » et apporter leur soutien indéfectible à leur mentor dans sa volonté de briguer un 3e mandat. Il y a enfin, le Congrès que le CNDD-FDD projette d’organiser le samedi 18 avril  prochain, pour investir Pierre N’kurunziza comme candidat à la présidentielle à venir. Les choses sont on ne peut plus claires. Contre vents et marées, N’kurunziza s’invitera à la compétition présidentielle. Notre journal avait vu juste en titrant dans son édition du lundi 13 avril 2015 ceci : « Silence, N’kurunziza prépare le bûcher pour son pays ». Depuis le mardi 14 avril dernier, l’opposition et les frondeurs du camp présidentiel veulent fermement l’en dissuader en appelant les Burundais à la résistance citoyenne. Quel pourrait être l’épilogue de ce bras de fer entre les deux camps ? Bujumbura connaîtra-t-elle le même scénario que Ouagadougou ?

La seule alternative qui s’offre aux Burundais pour sauver la démocratie est de prendre leurs responsabilités

L’on pourrait y répondre par l’affirmative. Car Pierre N’kurunziza semble afficher la posture d’un homme qui ne renonce pas de son propre gré aux délices du pouvoir. Pour conserver son fauteuil, il n’aura aucun scrupule à réprimer tous ceux qui se mettront sur son chemin. En tout cas, l’opposition qui envisage de rentrer en résistance a déjà été prévenue, sur un ton martial, par le porte-parole du ministère de l’Intérieur, Terence Ntahiraja, en ces termes : « Il y a une loi. S’ils osent la violer, c’est la révolte, ce sont les insurrections. Je pense que les institutions qui ont en charge de ramener l’ordre public vont faire leur travail ». Ces propos doivent  faire frémir. Ils le doivent d’autant plus que les forces de sécurité de ce pays ont la gâchette facile lorsqu’il s’agit de réprimer les manifestations de l’opposition, convaincues qu’elles ne courent aucun risque d’être traduites devant les tribunaux. Pour cela, elles feront donc bien leur travail, sans le moindre état d’âme. Une preuve supplémentaire que le pouvoir ne badine pas avec cette question, est que deux étudiants de l’université du Burundi ont été arrêtés le dimanche 12 avril dernier et transférés à la prison centrale de Bujumbura, pour avoir lancé des slogans anti- troisième mandat.  Au pays de Pierre N’kurunziza, l’acte posé par ces deux étudiants a été qualifié d’outrage à chef d’Etat. Au Gondwana, c’est le pire des crimes. Comme on le voit, les ingrédients sont en train d’être réunis pour précipiter le pays au fond du précipice. C’est pourquoi, dès à présent, l’Union africaine (UA) en particulier et la communauté internationale en général doivent prendre le taureau par les cornes. Cela pourrait consister à prendre des mesures fortes, susceptibles de contraindre Pierre N’kurunziza et ses  zélateurs à revenir à de meilleurs sentiments. Car les coups de semonce qu’elles ont déjà tirés contre lui ne suffisent pas pour le dissuader dans sa volonté de confisquer le pouvoir. D’ailleurs, depuis quand a-t-on vu un dictateur renoncer de son propre gré au pouvoir ? Dans ces conditions, la seule alternative qui s’offre aux Burundais pour sauver la démocratie dans leur pays, est de prendre leurs responsabilités.

« Le Pays »


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